Et l’idée d’une taxe sur la bande passante revient sur le tapis. L’idée de base c’est de trouver un moyen de faire payer les grosses multinationales du web. Sauf qu’à mettre trop de choses sur le tapis, on finit par se prendre les pieds dedans.
Donc on fait payer une taxe aux services qui consomment « beaucoup » de bande passante. Youtube, Spotify… vous êtes dans le collimateur.
Oups
Ah, mais ça va concerner aussi Orange avec Deezer et Dailymotion. Oups… Pour corriger ça on va faire un crédit d’impôt équivalent. Si tu payes des impôts ici, en gros on te rembourse ta taxe, sinon tu en es pour ta poche.
Géniale invention… sauf que ça ne fonctionne pas. Même Google paye des impôts en France. Peu, probablement pas assez, mais ils en payent. Quelques millions. Donc sauf si la taxe dépasse quelques millions, ça ne changera rien. Si la taxe dépasse ce montant, il leur suffira de laisser un peu plus de revenus sur l’entité fiscale française pour que ça s’équilibre et voilà. Croire qu’avec tout leur montage fiscal c’est ça qui va leur faire peur, c’est être plus que naïf.
Oups (bis)…
Ah, mais dans l’histoire il n’y a pas que Youtube et Dailymotion qui payent de la bande passante. Il y a aussi les content delivery network et les hébergeurs. En gros tout ce qui est hébergé via un prestataire qui prend la bande passante à son nom. Eux seront « gros », mais vont refacturer ça à tous les petits ensuite, justement ceux que personne ne souhaite faire payer pour ne pas freiner le numérique. Ça va des startups internet aux sites e-commerce en passant par les PME. Oups…
Oups (ter)…
Et puis tout ça c’est oublier que le fournisseur d’accès (FAI) aussi il consomme de la bande passante, et pas qu’un peu. Tiens, on va taxer le fournisseur d’accès aussi du coup ? Tous ceux qui font du P2P, qui envoient leurs photos de vacances sur un service en ligne, qui font du backup Crashplan ou du partage Dropbox…
Bref, ça va coûter et si la taxe sert vraiment à taxer, ça va être refacturé aux abonnés. Ou alors nos fournisseurs y trouveront une façon proposer leurs services internes au mépris de la concurrence non faussée (Orange, je te regarde).
Aie… j’ai mal à mon numérique
Aujourd’hui si le trafic est asymétrique, c’est aussi en grosse partie la volonté des fournisseurs d’accès qui imposent généralement un ratio de 1/20 à 1/3 à leurs abonnés. Vous croyez que ça va les inciter à ouvrir les vannes ou à les restreindre ? Dans ce modèle de taxe plus le trafic est asymétrique, plus c’est à leur avantage.
Par contre ça va pile dans la stratégie des fournisseurs d’accès qui veulent rarifier artificiellement la ressource réseau pour pouvoir la faire payer plus cher, renforcer leurs services payants internes et faire de la segmentation dans leur offre (priorité de trafic, abonnement en fonction de la bande passante disponible, extension de quota, etc.).
En voilà autant pour le développement du numérique en France.
Tout ça parce que…
Tout ça parce que nos FAI ne veulent pas faire face aux investissements nécessaires à l’explosion des usages et des contenus demandés par leurs propres abonnés. Oui, on peut dire que les tarifs actuels ne couvrent pas les coûts. Ça n’a pas l’air de se vérifier en réalité mais je laisse à d’autres le débat sur cette question. Si réellement nos FAI sous-facturent l’abonné, qu’ils fassent évoluer leur modèle de facturation vis à vis de l’abonné au lieu de chercher des rentes à côté en maintenant un service à perte de l’autre.
Tout ça aussi parce que nos FAI ont déjà conquis le marché (il n’y a plus énormément de non-abonnés Internet à conquérir) et qu’ils cherchent des solutions pour étendre leurs revenus. Ça passe par des options supplémentaires: Il y a l’option de la segmentation de trafic et des options réseau, qui demandent toutes deux de faire artificiellement du réseau une ressource rare alors qu’elle est abondante aujourd’hui. Il y a aussi le développement de services internes concurrents aux services disponibles sur le web, et là il faut trouver un moyen de désavantager et rendre plus chers les concurrents, d’où la taxe (entre autres).
Tout ça aussi parce que notre État n’a pas le courage d’attaquer de front le problème fiscal des géants du web et cherche 150 moyens détournés de les faire payer, quitte à ce que ça arrive dans les caisses d’intérêts privés (par exemple le fond Google pour la presse) plutôt qu’au trésor public. Ça sera toujours ça qui arrivera dans l’économie française.
Donc on enchaîne les idées bancales et pas assez réfléchies qui font plus de mal que de bien.
Rien de neuf…
- Rapport à la volonté de segmentation de trafic des FAI : Différencier le trafic pour créer de la valeur – le réseau autoroutier
- Rapport au combat des FAI pour la neutralité du réseau : Une pure neutralité du Net est impossible et illusoire
- Rapport à l’idée d’une taxe de terminaison d’appel pour faire financer les FAI par les éditeurs de service web : Terminaison d’appel et débit asymétrique
S’il y en a un des deux…
Le pire c’est bien ce qui ressort de ce dernier lien : Ne pas oublier que Youtube ne pousse aucun contenu vers le FAI. Youtube (et les autres) répondent aux demandes venant du réseau du FAI (qui ont l’abonné pour source).
S’il y en a bien un des deux qui est responsable du trafic échangé c’est justement le réseau du FAI (via l’abonné) et non le fournisseur de service. En réfléchissant un peu, c’est le FAI qu’on devrait taxer au profit du fournisseur de service. C’est d’autant plus vrai que les activités d’édition de contenu (que ce soit du Youtube ou de la presse) sont rarement rentable, contrairement à nos fournisseurs d’accès Internet, et que ce sont elles qui apportent le plus de valeur ajoutée à la société
Je sais qu’une vidéo de chat ce n’est pas du grand cinéma d’auteur, mais un tuyau de plastique ou un câble de cuivre sans rien dedans c’est encore moins sexy côté culturel.
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