Repré­sen­ta­tion de données

Un graphique tourne un peu avec des données sur l’édu­ca­tion en France :

Les chiffres sont inté­res­sants mais la visua­li­sa­tion est tota­le­ment biai­sée. Le point le plus flagrant est la posi­tion du zéro sur chaque axe qui augmente des diffé­rences.

Première tenta­tive

Quelqu’un a genti­ment fourni une version alter­na­tive, mais tout aussi biai­sée :

L’in­ten­tion est honnête, mais la volonté de graduer tous les axes sur la même échelle n’a aucun sens quand on compare des choux et des carottes. Ici non seule­ment les données n’ont pas le même sens (le nombre d’heures et le nombre de jours n’ont pas à être compa­rés sur la même échelle, car ils ne repré­sentent pas une donnée cohé­rente), mais elles n’ont même pas la même unités : il y a des heures, des pour­cen­tages, des nombres de jours et des nombres de personnes. Penser que 100% corres­pond à 100 jours et 100 élèves n’a stric­te­ment aucun sens. Du coup les axes sont écra­sés et on ne verrait aucune diffé­rence quand bien même elle serait signi­fi­ca­tive.

Choi­sir sa réfé­rence

Refai­sons donc avec un maxi­mum diffé­rent sur chaque axe, mais lequel ?

Premier choix, si on tente de compa­rer des chiffres bruts pour voir la répar­ti­tion sur toute la dyna­mique. Ca permet de voir où se massent la plupart des pays, et éven­tuel­le­ment sur quelle dyna­mique ça se répar­tit. On a l’avan­tage aussi d’avoir des chiffres abso­lus et pas des % par rapport à quelqu’un d’autre.

Second choix, on veut avoir une vision de la répar­ti­tion euro­péenne, on les compare donc à la moyenne OCDE (on aurait pu choi­sir la médiane, mais elle ne faisait pas partie des données sources). Ça permet de visua­li­ser faci­le­ment qui s’échappe de la masse.

Dernière possi­bi­lité, si on souhaite compa­rer le reste des pays à la France, on utilise nos propres chiffres comme réfé­rence au lieu de la moyenne OCDE. Ca permet de visua­li­ser plus faci­le­ment où la France parti­cu­liè­re­ment est signi­fi­ca­ti­ve­ment diffé­rente du reste :

 Le choix entre ces trois visua­li­sa­tions est tota­le­ment arbi­traire, en fonc­tion de ce qu’on recherche ou de ce qu’on veut montrer. Dans tous les cas, le choix même de la repré­sen­ta­tion, est déjà un acte d’ana­lyse et donc subjec­tif. Aucune n’est plus « objec­tive » que les autres.

Dans l’in­ten­tion du graphique initial, c’est proba­ble­ment la dernière visua­li­sa­tion qui est la plus perti­nente, vu qu’elle montre faci­le­ment là où la France est isolée.

Toujours aussi biaisé

D’ailleurs mes trois graphiques sont eux-même biai­sés. Le départ à zéro semble natu­rel mais ne l’est en fait pas du tout. Une diffé­rence de 1% pour­rait très bien être extrê­me­ment signi­fi­ca­tive sur une donnée, et ne pas du tout être visible si on graphe bête­ment avec une échelle qui part de zéro.

Même après avoir résolu cette ques­tion des axes, on n’au­rait pas fini pour autant :

Pourquoi unique­ment ces quelques pays, ont-ils été sélec­tion­nés pour accen­tuer un discours pré-établi ? Est-ce qu’on n’au­rait pas plein d’autres pays qui sont proches de nous, voire encore plus diver­gents ?

À défaut de mettre tous les pays de l’OCDE, colo­rier l’écart type serait appré­ciable pour voir si notre écart est parti­cu­liè­re­ment anor­mal ou pas. Avoir la médiane plutôt que la moyenne pour­rait aussi être perti­nent au cas où certains pays sont excep­tion­nel­le­ment hauts ou excep­tion­nel­le­ment bas.

Au niveau des données elles-mêmes, pourquoi avoir pris un pour­cen­tage d’heures de math sur la tota­lité et pas avoir compté le nombre d’heures d’en­sei­gne­ment en valeur absolu ? Au niveau des résul­tats pour l’élève ça aurait été plus cohé­rent.

On a aussi le nombre d’heures par jour et le nombre de jours. Le nombre d’heures par an est-il simi­laire pour tous ? Ca aurait été sacré­ment inté­res­sant de le grapher.

Même chose pour le nombre d’élèves par classe : Pour combien d’en­sei­gnant ? Il y a-t-il des aides, des assis­tants mater­nelles, des assis­tants de vie, des accom­pa­gne­ments person­na­li­sés en plus de l’ins­ti­tu­teur prin­ci­pal ? Quelle est la propor­tion des ensei­gne­ments en demi groupe ou en groupes auto­nomes restreints par rapport aux ensei­gne­ments « pleine classe » ?

Subjec­ti­vité et inten­tion

Vous voulez une repré­sen­ta­tion objec­tive ? Ça n’existe pas. Une donnée objec­tive non plus d’ailleurs, même si ça ressemble à un chiffre brut. C’est bien tout le travail des analystes : Choi­sir une donnée, la méthode de calcul et de récolte, une repré­sen­ta­tion, puis la mettre en forme accom­pa­gnée des expli­ca­tions utiles. Tout ça se fait en fonc­tion d’un objec­tif parti­cu­lier déter­miné au départ.

Du coup le graphique initial est tota­le­ment biaisé, mais fina­le­ment… pas forcé­ment plus qu’un autre. S’il cherche unique­ment à montrer que nous sommes hors du groupe formé par les 4 autres réfé­rences poin­tées, il y réus­sit et proba­ble­ment avec la meilleure visua­li­sa­tion de tout ce qui est présenté ici. Le défaut vient peut être unique­ment de ceux qui le critiquent, qui tentent de le sur-inter­pré­ter.

Il y manquait surtout une légende pour guider la lecture. Ca passait pour des chiffres bruts, ce que ça n’était évidem­ment pas puisqu’il y avait une mise en forme et un objec­tif de commu­ni­ca­tion.


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Commentaires

2 réponses à “Repré­sen­ta­tion de données”

  1. Avatar de karl, La Grange
    karl, La Grange

    La représentation de données multivariées en diagramme de Kiviat n’est jamais facile. Elle permet généralement d’associer dans un même graphique une variation de données sur les axes individuels ET dans le même temps de représenter une surface significative.

    Et c’est là que le bat blesse dans ce graphique. La surface n’est pas significative. Elle ne donne que peu ou pas d’information sur la qualité générale. Qu’est-ce qui définit la qualité de cette surface.

    Le graphique est à mon avis à refaire en graphiques séparés qui seraient bien plus explicites. Et puis une dimension qu’il manque à tous cela c’est l’évolution au cours des années.

  2. Avatar de karl, La Grange
    karl, La Grange

    Pour donner un exemple concret. Imaginons la production énergétique (kW) par type d’énergies. Là cela devient pertinent. Nous avons des données significatives comparables, et la surface montrera à la fois la quantité totale d’énergie ainsi que les familles de pays avec les mêmes productions énergétiques.

    Une donnée multivariée n’est pas une donnée différente mais une donnée avec variations selon un critère.

    Le diagramme du Figaro compare les poires et les carottes. Et toutes tentatives de l’améliorer sont aussi tout autant désespérées.

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