J’ai regardé deux ou trois fois comment déclarer des revenus tirés de la vente de livres auto-édités. Quelques notes pour ceux que ça peut aider, sans aucune garantie juridique (mais vous êtes invités à commenter et corriger) :
Vous ne percevez pas de droits d’auteur
Vous détenez bien des droits d’auteur sur vos livres, mais votre activité n’est pas liée à la vente de ces droits d’auteur.
C’est assez difficile à avaler mais en fait la logique est assez simple : L’auteur édité vend des droits d’auteurs sur une oeuvre originale. Vous, vous vendez des copies de livres, ce qui est très différent. Il se trouve que le contenu du livre est le votre, mais ce qui est vendu est bien une simple copie de livre.
Cotisations sociales
Oubliez donc le fait qu’il y a « droits d’auteurs » dans la case « traitements et salaires » de votre fiche d’impôts sur le revenu, car ce n’est pas de là que viennent vos revenus.
Mais surtout ce qui doit attirer votre attention c’est le paiement des cotisations sociales. Dans le cas d’un auteur édité, c’est l’éditeur qui s’en occupe et cotise pour vous à l’Agessa. En auto-édité c’est à vous de vous en occuper et les rappels URSSAF peuvent faire très mal pour ceux qui ont « oublié ».
Pas d’Agessa ou de MDA
En fait, qui découle de ce qui précède, vous êtes bien auteur de vos livres, mais pour ce qui est du fisc vous êtes un vendeur, ce qui est différent.
Vous pouvez probablement vous considérer comme éditeur, comme libraire ou comme simple commerçant de livres, mais vous n’êtes pas artiste-auteur. Vous serez refusé à l’Agessa et dans les statuts réservés aux auteurs ou artistes si vous tentez d’y cotiser directement.
Tout au plus, vous pourriez prétendre à une activité d’auteur si vous ne vendez volontairement qu’une poignée d’exemplaires numérotés de vos œuvres originales, un peu comme un photographe qui vend ses tirages. Je doute que ce modèle soit adapté à grand monde, et ça vous imposera en plus de sortir des plateformes classiques de vente de livres.
Franchement, c’est le plus dommage est le plus difficile à avaler, mais tous les statuts protecteurs liés aux auteurs de livres vous sont irrémédiablement fermés si vous n’êtes pas avalisés par un éditeur.
Alors auto-entrepreneur ?
Alors il faut vous déclarer en travailleur indépendant ou monter une entreprise plus classique.
En travailleur indépendant vous relevez à priori du RSI (et vous avez toute ma compassion pour cela, car vous allez souffrir), et les cotisations qui vont avec. Il semble que certains arrivent à se faire enregistrer auprès de l’URSSAF avec le code APE 9003B « autres activités artistiques » et être exonérés de la CFE, ce qui est loin d’être négligeable pour une petite activité.
Il vous faudra envisager une structure plus classique et moins avantageuse si vous dépassez le plafond de 32 900 €, mais ça laisse déjà de quoi voir venir pour beaucoup d’auto-édités.
Quid d’une double activité auteur – éditeur séparée ?
Pour les joueurs il doit y avoir moyen de déclarer une activité d’auto-entrepreneur « éditeur » et de vous acheter vous-même vos droits d’auteurs, ouvrant droit à l’AGESSA pour cette seconde activité d’auteur édité. Dans certaines conditions, via la vente de livres papier, cette activité pourrait même être considérée comme une activité commerciale de vente et non une activité de service, amenant une taxation plus légère et un plafond de chiffre d’affaire plus que doublé.
Je n’ai pas connaissance de gens qui aient essayé (mais en cherchant ça doit se trouver), donc il est possible que j’ai manqué une bonne raison pour ne pas le faire. Si rien ne vient l’empêcher et pour peu que vous vendiez assez, il est possible que ce soit un des montages les plus intéressants. Il faut par contre être prêt à passer pas mal de temps entre la gestion de l’administratif et le montage (mais j’espère qu’on vous avait prévenu : être indépendant c’est aussi subir la paperasse).
Reste à voir si en étant en même temps auteur et éditeur et si votre maison d’édition n’édite que vous, certains ne considèreront pas que vous êtes à compte d’auteur plutôt qu’à compte d’éditeur (et là : finie la fiscalité d’auteur).
Pas dans les BNC
Certains tentent visiblement de déclarer les ventes en BNC (bénéfices non commerciaux) mais ça me semble hautement discutable. Le fisc avait exclu la chose quand j’avais posé la question de l’auto-édition il y a quelques années, vous êtes prévenus (et un rappel de cotisations sociales ça peut faire très mal).
Ça ne serait valable que si l’activité n’est pas conçue comme une activité professionnelle.
Quelle est votre intention d’auteur ? Si vous vivez ça comme une activité professionnelle en cherchant à vendre et en écrivant pour vendre, vous avez à priori une activité professionnelle. Le fait d’échouer à avoir un volume de vente significatif n’est à priori pas un critère pour entrer dans les BNC.
Est-ce que vous faites de la promotion, de la publicité ? Cherchez-vous à en tirer votre revenu principal (ou un revenu significatif par rapport à votre revenu principal) ? Vous présentez-vous comme « auteur » quand on vous demande votre activité professionnelle ? Y passez-vous vos heures ouvrées en semaine ? Ça peut être autant d’indices que vous le vivez à priori comme une activité professionnelle.
Si effectivement vous écrivez comme une activité de loisir et avez choisi de finalement proposer le résultat à la vente pour voir, de façon accessoire sans que ce ne soit l’objectif initial, et qu’en plus les gains sont peu significatifs, alors pourquoi pas. Mais dans ce cas vous ne vous considérerez à priori pas comme auteur indépendant (ce qui est l’objet du billet), pas plus que celui qui a fait de la gouache le week-end dernier ne se considère artiste-peintre.
Et sans se déclarer ?
À ma connaissance, il faut oublier (et c’est aussi ce que m’avait répondu le fisc il y a quelques années). Toute activité professionnelle doit être déclarée en entreprise (l’auto-entrepreneur n’est qu’un sous-cas d’entreprise individuelle), sans exception, quel que soit le montant des gains. Le reste ça s’appelle du travail au noir.
Surtout pas d’association loi 1901
Tourne en ce moment le retour de quelqu’un qui a monté une association « loi 1901 » pour son activité d’auto-édition, en se rémunérant en salarié de cette association.
Le problème est dans l’objectif de l’association, qui doit être absolument non-lucratif. Or monter une association dans l’objectif de vendre ses propres livres et d’en tirer une rémunération c’est typiquement une volonté commerciale et lucrative.
Tenter de formuler astucieusement l’objet de l’association ne trompera personne et fera tomber tout argument de bonne foi dans le cas d’un contrôle ou de la plainte d’un auteur ou éditeur inamical.
On peut tout à fait monter une maison d’édition via une association. Être salarié de sa propre association me semble plus que borderline. Si tant est que ça puisse être légal, ça demanderait de séparer très fortement l’activité salariée de la gestion de l’association.
Si par contre se salarier est dès le départ l’objectif et non le moyen, là on tombe non seulement dans le lucratif, mais dans l’exploitation de l’association au bénéfice de ses gérants, et ça peut faire très mal (on parle de prison).
Pour moi c’est peut-être le pire des montages à faire. La déclaration de BNC ou le simple report dans « traitements et salaires » sur la déclaration de revenus me semblent presque moins risqués car on peut au moins arguer de sa bonne foi si les montants sont faibles. Contrairement au détournement du statut associatif, ça se résolvera au pire sous forme d’un douloureux rappel de cotisations sociales avec pénalités.
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