Nos deux gros partis poli­tiques ont peur

Les citoyens ne votent plus vrai­ment pour eux, mais d’abord contre un autre. Demain cela pour­rait ne plus fonc­tion­ner. Peu probable que l’af­freux gagne, telle­ment il y a rejet d’une majo­rité de la popu­la­tion, mais les votes pour­raient tout à fait se repor­ter sur n’im­porte qui, voire sur un petit nouveau. Le pouvoir pour­rait bascu­ler à tout moment, chan­ger de main.

Que faire ? Verrouiller le système, donner plus de poids aux partis actuel­le­ment au pouvoir.

Trois chan­ge­ments

1/ Réduire l’obli­ga­tion de suivi des comptes de campagne de moitié, de 12 à 6 mois.

Avant ? c’est open bar. Autant dire qu’on favo­rise grave­ment les gros partis en place, surtout quand on se rappelle que l’UMP avait les moyens en 2012 de dépen­ser quasi­ment deux fois le plafond légal de 21,5 millions. Il faut dire que l’es­sen­tiel du finan­ce­ment vient de l’État, en fonc­tion du nombre et du type d’élus en place.

Comme verrouillage pour éviter un renou­vel­le­ment, c’est juste génial. Ce n’est d’ailleurs pas que finan­cier :

L’obli­ga­tion des comptes forçait les élus à diffé­ren­cier leurs acti­vi­tés liées à leur mandat et celles liées à la campagne. Un semblant de contrôle étant opéré, on évite les abus les plus mani­festes. Plus de contrôle des comptes, moins de contraintes pour profi­ter de l’avan­tage des mandats déjà déte­nus.

2/ Réduire l’éga­lité stricte du temps de parole aux deux dernières semaines de campagne, au lieu des cinq dernières actuel­le­ment.

Autant dire quasi rien. L’objec­tif est d’ailleurs expli­ci­te­ment de permettre à la télé­vi­sion d’or­ga­ni­ser des débats avec unique­ment les deux ou trois gros partis.

Bonus, le reste du temps c’est l’équité tu temps de parole qui compte, c’est à dire un temps de parole basé sur les élus et résul­tats aux élec­tions précé­dentes. On vient juste d’op­ti­mi­ser le système pour qu’il s’auto-entre­tienne un peu mieux.

3/ Publier tous les parrai­nages et pas juste un échan­tillon, et en temps réel.

On peut faire mieux : bloquer les pertur­ba­teurs avant-même qu’ils ne parti­cipent à l’élec­tion. Ce sont déjà les élus en place qui permettent à un candi­dat de se propo­ser à l’élec­tion prési­den­tielles. Certains ne jouent pas le jeu de leur parti et parrainent des tiers.

On peut les mena­cer de leur reti­rer l’in­ves­ti­ture à la prochaine élec­tion mais tous les noms des parrains n’étaient pas publiés. Même quand ils le sont, c’est beau­coup plus diffi­cile à justi­fier après l’élec­tion (si le nouveau venu a fait un petit score on peut défendre que ça n’a rien changé, et s’il a fait un gros score on peut défendre que c’était justi­fié de le parrai­ner).

Là, avec publi­ca­tion en temps réel de tous les noms, la menace est bien plus présente dans le débat. Élus en poste, votez suivant les direc­tives de votre parti.

Un vrai putsch

Ce n’est ni plus ni moins qu’un putsch pour garder le pouvoir. Pour­tant, le système était déjà très forte­ment biaisé avec tant d’élec­tions non propor­tion­nelles où la plus grande mino­rité – avec géné­ra­le­ment moins de 30% des inten­tions de vote au premier tour – rafle une majo­rité des sièges, du temps de parole et du finan­ce­ment qui vont avec. Pour l’As­sem­blée natio­nale on a même une surcouche qui s’ajoute où il faut avoir assez d’élus pour consti­tuer un groupe si on veut vrai­ment du finan­ce­ment et du temps de parole, histoire d’être certain que les petits partis n’au­ront pas voix au chapitre.

On ne fait qu’ajou­ter des verrous, des avan­tages aux élus en poste et aux gros partis au pouvoir. S’ils ont d’autres idées, comp­tez sur eux pour les mettre en œuvre.

On peut croire qu’ils n’ont rien compris. Moi je pense qu’ils ont au contraire tout compris, et qu’ils ont peur de perdre leur place. Mieux : ils profitent de notre peur du FN pour se renfor­cer eux comme seule alter­na­tive.

En lais­sant faire nous nous tirons une balle dans le pied, car ça ne peut finir que mal.


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