Quelle réponse donner au blocage administratif décidé par le gouvernement français ? […]
Le site islamic-news.info a été fondé en mai 2013. Je l’ai créé quelques mois après ma sortie de l’université, mon diplôme de droit international public, diplomatique et consulaire en poche.
Et là déjà on peut motiver et discuter de l’urgence, pour un site qui a déjà deux ans et pour lequel rien n’a été fait jusqu’à fin mars 2015. Vraisemblablement passer par une procédure judiciaire n’aurait pas été délirant. On ne parle pas d’un site obscur et caché :
Le site était dirigé par un seul homme, qui vit en Europe et qui est inscrit légalement sur les registres d’OVH et qui paie avec son propre compte en banque le serveur qu’il loue auprès du numéro 1 français. Aucun cryptage de données n’est utilisé.
Bref, passer par le judiciaire ne présentait aucun obstacle. Mais surtout, la question se pose sur le fond. Est-ce que jugement un juge aurait accepté une telle mise hors ligne avec si peu de motivation ?
L’incitation ou la provocation au terrorisme n’a aucun sens pour moi, aucun intérêt. Je suis convaincu que mille mots sont plus efficaces que tout acte de violence. C’est ma conviction personnelle.
[…] La meilleure manière de prouver cela est de citer un article que j’ai écrit début 2014. J’avais vivement dénoncé les propos d’un combattant en Syrie qui encourageait à commettre des attentats en Europe. J’avais souligné le danger de ce genre de message et ses conséquences néfastes sur la population musulmane en Europe, qui n’a vraiment pas besoin de ça en ces moments.
[…] J’aimerai également attirer votre attention sur l’un des articles les plus influents que j’ai écrit. J’avais abordé la question des jeunes européens qui s’engageaient en Syrie pour mener le djihad. J’avais fait un appel public pour qu’ils n’aillent pas se faire tuer pour rien en Syrie dans une guerre qu’ils ne comprennent pas.
Apologie alors ?
En résumé, c’est défendre les actes de terrorisme commis et se féliciter de leur survenance. Rien, absolument rien, dans ce que j’ai écrit ne fait passer les actes terroristes sous un jour favorable ni ne les légitime. Et puis de quels actes de terrorisme parle-t-on ? Je n’ai pas écrit un mot sur la tuerie de Charlie Hebdo, pas un mot sur les décapitations de l’Etat islamique, pas un mot sur le jordanien brûlé vivant, pas un mot sur les soldats alaouites et chiites massacrés. Bref, j’ai sciemment évité les sujets polémiques qui pourraient être mal interprétés.
En outre, et contrairement à ce qu’avance le ministre de l’intérieur, je n’ai jamais diffusé la moindre vidéo de l’Etat islamique sur mon site.
C’est bien évidemment un seul point de vue, mais qui a le mérite d’être argumenté. Je n’ai aucun jugement sur le fond, car pas assez d’élément pour cela, mais ça mérite forcément mieux qu’une censure administrative sans débat contradictoire, sans intervention d’un juge indépendant. Dans un État de droit, ce serait le minimum.
Mais alors sur quoi le gouvernement français a-t-il fondé son blocage ? Je pense que la raison est politique. Ma position peut choquer à partir du moment où je vise davantage les opposants de l’Etat islamique plutôt que lui-même. […]
Je pense donc que j’ai payé mon engagement politique à la fois contre l’interventionnisme militaire arabo-occidental et chiite dans la région et contre les groupes armés soutenus par les acteurs précités. Ce qui a fait dire au Monde que je suis contre la « propagande chiito-occidentale ». Absolument, je me décris comme un opposant de la propagande chiito-occidentale et il me semble que cela est mon droit de l’être, quitte à ulcérer certains. Être contre cette propagande n’est pas illégal. C’est même la règle du jeu. Cela ne signifie pas non plus un anti-occidentalisme primaire. Les va-t’en guerre aux commandes des Etats occidentaux ne représentent pas l’occident dans sa globalité.
Combien est loin le soit-disant esprit du 11 janvier où on glorifiait le droit à avoir des propos qui dérangent, à provoquer…
À lire la lettre complète de l’auteur du site Islamic News, récente victime de la censure administrative en France. Ne connaissant pas le site préalablement, je suis bien à mal de juger du fond. Sur la forme, par contre, il parait évident qu’il y a maldonne et que nous avons pris un chemin très dangereux.
Mise à jour : Il semble que ce qui a été reproché est la citation, avec fichier verbatim audio, d’un discours du leader de l’État Islamique. On ne reproche visiblement pas au site d’avoir soutenu ce discours ou de l’avoir mis dans une lumière favorable, juste d’y avoir donné accès. Je reste très dubitatif sur le contexte, qui est celui d’un site de presse, si on se doit de cacher l’information source et de ne pas y donner accès. Les conséquences peuvent être dangereuses. – Mais là aussi, c’est à un juge de décider, après un débat public et contradictoire, parce que c’est ce qui différencie une dictature d’un État de droit.
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