Le fossé se creuse chaque année entre la classe politique et le peuple. D’ailleurs le simple fait de parler de classe politique et de la séparer du peuple est en soi un symptôme assez grave pour une démocratie.
Cette semaine le collectif Regards Citoyens publie son étude annuelle sur l’absentéisme des députés en commission et aux votes solennels en hémicycle. Le résultat laisse apparaître que l’absence de nombreux députés, et certains même qui n’ont jamais fait acte de présence dans leurs commissions.
La démocratie est bien comprise
Bien entendu les premières défenses fusent avec « vous n’avez rien compris à la démocratie » ou « ce n’est pas le travail d’un député ».
J’ose penser que dans une démocratie c’est au peuple de justement définir ce que ses représentants doivent faire et qu’elles en sont les fonctions. Dire au peuple qu’il n’a rien compris à la démocratie ou que ses représentants savent mieux que personne comment interpréter la notion et leur rôle, c’est une contradiction fondamentale.
Le peuple peut ne rien comprendre, mais ce qu’il exprime est forcément démocratique, par définition.
Le député inutile
On trouve plusieurs excuses aux absences des députés mais celle qui m’agace le plus est celle des partisans d’Arnaud Montebourg : Siéger ne sert à rien puisqu’il est dans l’opposition et que toutes les lois de l’opposition sont de toutes façons rejetées.
On me dit que cette inutilité date de la réforme du parlement, qu’il a fortement combattue. Le site nosdeputes.fr ne relève en effet pas son nom dans le premier listing qui date d’avant le changement. Ceci dit, s’il pense réellement être inutile dans son rôle de député, qu’il en prenne acte et démissionne.
Comprenons bien que de nombreux autres députés de l’opposition, moins en vue, ont eux une présence respectable dans leurs attributions au parlement. Est-ce à dire qu’ils viennent uniquement pour la lumière ou le chauffage ?
Le rôle du député
Selon ses défenseurs Arnaud Montebourg se trouverait plus utile à militer et faire émerger des idées. Exactement, il fait campagne. L’activité est utile, respectable, et il est tout à fait qualifié pour cela.
L’idée est intéressante, sauf qu’il n’est pas nécessaire d’être député pour faire émerger des idées ou militer. D’autant que trois ans de campagne (2009–2010, 2010–2011, et le 2011–2012 à venir) sur cinq ans de mandat, on ne peut considérer cela comme une façon acceptable de remplir son mandat.
L’élu a un rôle de représentation et s’il est une bonne chose qu’il ait des idées, on ne lui en a pas délégué la responsabilité. C’est un rôle qu’il peut tenir dans le parti, ou même en dehors. J’ose même avancer que l’Assemblée Nationale est probablement le mauvais endroit pour faire émerger des idées qui n’ont pas été pensées et débattues ailleurs.
Le rôle des députés est, d’après la constitution, de voter les lois, de contrôler l’action du gouvernement, et d’évaluer les politiques publiques. Les notions de militantisme ou d’émulsion d’idées sont totalement absentes de l’article 24 de la constitution.
Le financement
Le député perçoit un salaire, un titre qui lui ouvre des portes, des remboursements pour ses déplacements, le financement de ses collaborateurs. Rien d’anormal et même rien d’extravagant contrairement aux colportages des mauvais journaux.
Si on ne vote pas parce que c’est inutile pour l’opposition, et qu’on ne siège pas en commission où sont réalisés les travaux de contrôle et d’évaluation, ce financement est finalement utilisé à des fins tierces, qui ne sont pas celles du mandat de député.
Je n’irai pas jusqu’à vouloir y coller l’étiquette d’abus de biens sociaux mais ce qui est certain c’est que ça me gêne personnellement. L’émergence des idées et le militantisme (et à fortiori encore plus si c’est faire campagne pour une élection suivante) le parti ou d’autres groupements peuvent le financer. Si cela peut faire partie des activités du député, cela n’est pas sa fonction et cela ne peut être l’occupation essentielle.
Le nombre
Si l’excuse des partisans d’Arnaud Montebourg m’agace d’autant plus c’est que ce dernier est à l’origine de beaucoup de propositions sur la réforme de nos institutions. Le simple fait qu’il puisse abuser des institutions actuelles me freine du coup d’autant plus pour lui faire confiance (et c’est dommage parce que beaucoup de ces pistes m’apparaissent comme pertinentes).
Arnaud Montebourg, vos idées valent mieux que l’exemple que vous donnez au parlement. Changez d’attitude (il ne vous reste qu’un an à tenir) ou, si vraiment comme vous l’avez dit hier vous ne pensez pas avoir d’autre rôle que celui de potiche, démissionnez. Personne ne vous oblige à garder un mandat que vous ne remplissez plus. Pour quelqu’un qui souhaite un renouveau de politique c’est assez peu compréhensible.
Mais en même temps, je n’oublie pas qu’il n’est pas seul, et qu’à la limite il y a pire. Que, par exemple, Laurent Fabius ne soit là que pour signer le registre sans même être présent aux commissions me gêne finalement encore plus parce qu’il y a là un problème d’honnêteté et de transparence. La droite n’est pas plus à l’abris de ces questions, c’est d’ailleurs plus lié aux personnes qu’aux partis ou aux idées.
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