Le travail ne manque pas, c’est l’emploi qui se fait rare. Si l’indemnisation chômage était payée sur le même budget que la protection des forêts, des rivières, sur le maintien des infrastructures publiques, sur l’accompagnement des exclus… On aurait vite trouvé qu’employer les gens à travailler pour le commun est un surcoût largement rentable pour tout le monde : que ce soit pour les communs concernés mais aussi pour les finances publiques.
À segmenter les finances et en complexifiant la fiscalité comme la redistribution, nous créons des monstres. Il coûte trop cher de maintenir et d’employer. Nous préférons générer de l’exclusion qui nous coûte encore plus cher, humainement comme économiquement, mais sans apporter le bénéfice d’un travail utile.
Mesdames, Messieurs,
Le chômage de longue durée poursuit une hausse ininterrompue, notamment depuis le début de la crise de 2008. Presqu’un chômeur sur deux est inscrit à Pôle emploi depuis plus d’un an, soit plus de 2,2 millions de personnes. Surtout, 705 000 personnes sont au chômage depuis plus de trois ans et ce, alors même que la durée des allocations versées par l’Unédic est de deux ans maximum pour les demandeurs d’emploi de moins de cinquante ans, et de trois ans pour les plus de cinquante ans. Ce sont autant de personnes qui basculent soit dans les minima sociaux, soit ne perçoivent plus aucune allocation.
Il faut aussi rappeler que la moitié des chômeurs de longue durée exerce une activité réduite longue (supérieure à 78 heures). En effet, plus la période de chômage est longue, plus l’exercice d’une activité réduite est répandu. À titre d’exemple, sur la période 2000 – 2011, les allocataires ayant été couverts au moins 120 mois (10 ans) durant ces douze années (et représentant 0,14 % des allocataires) ont pratiqué 3 mois sur 4 une activité réduite. À titre de comparaison, les allocataires ayant été couverts moins de 24 mois (2 ans) ont eu recours au dispositif d’activité réduite seulement 1 mois sur 4 en moyenne.
Ceci conduit à penser que leur éloignement durable de l’emploi n’a pas fait perdre à ces chômeurs de longue durée le goût d’une activité utile, mais ce qui leur fait défaut c’est que leur soit proposée une activité qui puisse être exercée par eux et qui constitue un chemin leur permettant de reprendre pied sur le marché du travail.
Ce projet a pour objectif de montrer qu’il est possible de viser à supprimer ce chômage de longue durée ou plus largement « la privation durable d’emploi », par l’offre d’emplois utiles et accessibles à toutes ces personnes. Cette démonstration devrait s’opérer en trois étapes : à titre expérimental d’abord sur plusieurs petites circonscriptions ou bassins d’emplois, c’est l’objet du présent projet de loi. Il conviendra ensuite de démontrer que ce qui a été possible sur des terrains en nombre limité peut être diffusé plus largement en transmettant et en formalisant le savoir-faire ainsi acquis. Enfin il faudra à partir de ces deux séries d’expérimentations en définir les conditions de généralisation.
Ce projet repose sur trois convictions :
– Il est possible au niveau local et en plein accord avec les acteurs de la vie économique d’identifier des activités utiles (biens et services) susceptibles d’être exercées par des personnes privées d’emploi et de se développer de façon complémentaire de l’activité économique.
– Il est possible de gérer ces emplois cofinancés par la collectivité dans des conditions d’efficacité suffisante pour assurer l’équilibre économique de ces activités, le montant du financement apporté par la collectivité n’étant jamais supérieur à l’économie réalisée par les finances publiques du fait que les intéressés sont rémunérés en contrat à durée indéterminée (CDI) et au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC).
– Il est possible de proposer ces emplois aux chômeurs de longue durée dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, sachant que ceux-ci restent disponibles pour toute proposition adaptée qui pourrait leur être faite de rejoindre plus ou moins rapidement le marché principal du travail.
Pour que ces trois convictions soient effectivement mises en œuvre, il faut sur le terrain un pilotage fort exercé par un comité local présidé par un élu et doté d’un directeur qui en est l’animateur. C’est ce comité qui est responsable de la construction du consensus avec les acteurs de la vie économique, qui veille à la performance dans l’organisation de l’activité. Enfin il doit aussi rechercher toutes les possibilités qui peuvent permettre un renouvellement naturel de ce personnel, ce qui marquera le véritable succès de l’action et ouvrira la possibilité d’accueillir autant que de besoin de nouvelles personnes privées d’emploi.
Un fonds national associant les acteurs économiques, les élus, les associations et les acteurs publics sera le gardien de la méthode et de sa diffusion et le responsable du conventionnement des terrains d’expérimentation après avoir vérifié que les conditions locales existent pour un pilotage fort et responsable. En effet sans pilotage fort, on ne pourrait que constater des situations de concurrence avec l’économie marchande, une mauvaise utilisation du subventionnement et une absence de perspectives d’avenir pour les personnes concernées.
Ainsi, dans ces zones expérimentales, on peut viser à ce que toute personne au chômage de longue durée (plus d’un an) ou durablement privée d’un emploi stable, puisse obtenir un contrat en durée indéterminée.
L’objectif final est que tous les territoires de la République puissent finalement « opter » de sorte qu’une loi puisse être « étendue » au territoire national, manifestant en cela la préférence de notre pays pour l’emploi et contre le chômage de désespérance social.
Une expérimentation « à budgets constants » par réallocation.
Compte tenu de l’état des finances publiques, ce droit d’obtenir un emploi devra être réalisé « à budgets constants », dans les lieux d’expérimentation visés au paragraphe précédent du présent exposé des motifs, par le financement de la création d’emplois supplémentaires, à proportion des besoins d’emploi de la population locale, grâce à la réallocation de dépenses publiques existantes induites par la privation durable d’emploi (il s’agit de réallouer la part de chaque budget qui sera devenue mécaniquement « sans objet », parce que les personnes bénéficiaires auront retrouvé un emploi).
Cet objectif devra être atteint autant que possible dès la première série d’expérimentation. En tout état de cause la loi autorisant la seconde phase d’expérimentation devra mettre en place un mécanisme expérimental de financement qui implique ce transfert financier à budget inchangé dans des conditions administratives simplifiées.
Dans cette perspective, tous les budgets publics (à tous les échelons décentralisés ou national) qui auront été reconnus comme devant bénéficier directement ou indirectement, immédiatement ou à terme, de l’expérimentation locale « zéro chômeurs durablement privés d’emploi », devront contribuer au financement de ces emplois supplémentaires, sans augmentation de leurs dotations respectives. C’est pourquoi les clés de répartition des contributions publiques définies par décret le seront sur la base d’une étude économique du coût de la privation durable d’emploi.
Les territoires d’expérimentations, visés par la présente loi, seront confirmés sous la condition bien sûr que les assemblées délibérantes des collectivités territoriales concernées confirment, après promulgation de la présente loi, leur engagement de se contribuer financièrement à l’expérimentation.
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