J’ai incité quelques personnes à aller dépouiller et on m’a demandé de raconter l’expérience. Voici donc.
Je ne donne toutefois que mon expérience personnelle de multiples dépouillements. De ce que j’ai vu, les opérations sont tout autant portées par les usages que par les textes règlementaires et les usages varient suivant les villes ou les bureaux de vote. Parfois les usages ne respectent même pas tout à fait les textes.
Bref, si vous avez quelque chose à ajouter, faites le.
Je me propose
Les scrutateurs sont théoriquement désignés par les délégués de chaque candidat parmi les électeurs présents à la fermeture du bureau de vote.
En pratique on prend généralement les premiers électeurs qui se proposent. Demandez simplement « avez-vous déjà suffisamment de monde pour le dépouillement ce soir ? » quand vous passez voter.
En théorie on notera votre nom et date de naissance au moins une heure avant la clôture du bureau de vote. En pratique on ne m’a jamais demandé ma date de naissance avant le début du dépouillement. Par contre on m’a toujours demandé mon numéro de téléphone pour m’appeler si jamais je suis en retard au dépouillement (cela dit je n’ai jamais vu personne s’en servir même quand il y a eu des absents).
Si vous arrivez en fin de journée, il est possible que la liste soit déjà finalisée. Si c’est le cas vous avez quand même le droit d’annoncer que vous restez en observateur.
Pour mes amis sourds ou muets, vous ne pourrez à ma connaissance qu’observer. La procédure impose une communication orale publique en plus de savoir lire et écrire.
Je me présente sur place
La seule règle est d’être présent à la fermeture du bureau de vote. Pour ne faire perdre de temps à personne, et parce que souvent la pièce est fermée une fois le vote clos, arrivez dix minutes avant.
À partir de là, restez neutre. Gardez pour vous vos avis sur les résultats ou sur les candidats ; mettez votre téléphone sur vibreur et gardez-le dans votre poche. Il n’est pas interdit de parler voire de faire des blagues mais il est d’usage de rester concentrés sur l’opération. Si quelqu’un gêne, le responsable du bureau de vote a l’autorité pour le faire sortir.
Détail pratique : La procédure peut durer plus d’une heure et ne pas commencer immédiatement. Sur place vous ne pourrez pas vous arrêter en plein milieu et vous n’aurez pas forcément de toilettes ou de point d’eau. Les rares sorties que j’ai constatées ont toujours été considérées comme définitives.
Je compte les votes
On commence par vérifier les comptes. Tout d’abord on regarde le compteur situé sur l’urne. Il donne normalement le nombre d’enveloppes déposées. C’est habituellement le président qui le fait et qui annonce le compte mais tout le monde peut demander à voir le compteur.
Ensuite un des membres du bureau reprend la liste d’émargement et compte le nombre de votants. En général il annonce le nombre d’émargement page à page et deux personnes font les sommes en face sur un smartphone. Là aussi, vous pouvez regarder, ou même demander à revoir la liste d’émargement (elle est publique) et recompter.
S’il y a une différence, il est probable qu’elle vienne d’une erreur de comptage dans la liste d’émargement. Il suffit de recommencer pour confirmer ce qu’il en est .
Tout doit être public. Rien ne doit se faire en dehors de votre vue. Vous avez le droit de regarder, poser des questions, et même vérifier vous-même (lire le compteur de l’urne, vérifier les émargements, etc.) tant que vous ne gênez pas la procédure. Attention à ne pas jouer l’emmerdeur de service non plus. Personne n’a envie de rester 3 heures sur place à cause de vous.
Je suis témoin d’un anomalie
En cas d’anomalie, comme par exemple des comptes qui ne correspondent pas, on continue tout de même la suite de la procédure. Il est toutefois de votre responsabilité de vérifier qu’on note ce qui a été fait et vu dans les documents officiels et non ce qu’on aurait du faire ou ce qu’on aura du voir. Toute anomalie doit être signalée dans dans le procès verbal.
En aucun cas il n’est acceptable de corriger un résultat silencieusement ou d’ignorer une erreur. Le rôle de tout le monde se borne à constater. Ce qu’il sera fait du constat est hors du périmètre des gens présents.
Si quoi que ce soit de sérieux vous gêne ou si vous croyez avoir vu quelque chose d’anormal, demandez à faire noter vos constatations sur le procès verbal du vote. Si on vous le refuse malgré votre insistance – polie et respectueuse – allez au commissariat le lendemain.
Je compte les enveloppes
Le président du bureau de vote ouvre l’urne et la renverse sur une table. On compte les enveloppes, généralement en faisant des paquets de 10, puis on les regroupe par centaines dans de grandes enveloppes qui sont ensuite scellées et signées. Si tout va bien on obtient le même compte que les deux précédents.
Une ou deux fois le comptage a été fait par les membres du bureau et non par les scrutateurs mais dans tous les cas ça ne doit pas être fait derrière votre dos et vous ne devriez jamais être obligés de perdre de vue une seule enveloppe.
C’est peut-être le moment où échanger des enveloppes est le plus simple. Rien d’autre ne doit être sur la table et les enveloppes ne doivent pas quitter la table.
Pour vous donner un exemple, j’ai fréquemment vu le président montrer ses manches comme un prestidigitateur avant d’ouvrir l’urne pour montrer qu’il n’y a pas embrouille. Hier il a demandé l’approbation de tout le monde avant de mettre sa main dans l’urne pour faire descendre les quelques enveloppes collées au fond.
J’ouvre les enveloppes
Ça se passe par table de 4 personnes. Une ouvre une enveloppe, déplie le bulletin, le regarde et le passe à la personne d’en face. La seconde regarde à son tour le bulletin annonce à haute voix le nom inscrit et le range sur la pile correspondante.
Les deux autres scrutateurs ont une grande feuille avec une colonne par candidat. À chaque nom, ils mettent une barre dans la colonne correspondante.
Tous les 10 bulletins du même nom, les deux qui notent devraient terminer une ligne sur leur feuille et l’annoncent. La personne qui range les bulletins par pile compte et confirme à son tour qu’elle vient de terminer un paquet de dix.
L’idée c’est qu’un bulletin est toujours visible par tout le monde et que chaque résultat est au moins constaté par deux personnes sur les quatre. Les vérifications aux dizaines permettent de confirmer qu’on est tous sur le même décompte.
Je vois des blancs et des nuls.
Les bulletins blancs et nuls sont eux aussi comptés dans leur propre case, avec la même procédure que les autres. La seule différence c’est que le président du bureau se déplace pour constater chaque blanc et chaque nul. L’enveloppe concernée est signée et mise dans une grande enveloppe à part. Je suppose, sans le savoir, que les nuls sont ensuite parfois inspectés par un ministère ou un service quelconque pour faire des stats.
Pour ceux qui ne savent pas, un vote blanc peut se faire soit avec un papier blanc proprement découpé, soit simplement avec une enveloppe vide.
Sont nuls tous les votes qui ne correspondent pas à un des bulletins proposés, ou qui ont une inscription quelconque, ou qui sont reconnaissables d’une façon ou d’une autre, ou qui contiennent plusieurs bulletins différents (une enveloppe avec plusieurs bulletins identiques est bien affectée au candidat).
J’enchaîne les centaines
Les enveloppes sont ainsi ouvertes par centaines (les grandes enveloppes qu’on a scellées et signées lors du comptage). Une seule grande enveloppe est ouverte à la fois pour chaque table de dépouillement.
Une fois la centaine terminée, on fait le compte de chaque colonne (les candidats) et on vérifie que la somme fait bien 100 (ou le nombre d’enveloppes prévu si la centaine n’était pas complète).
On remet ensuite tous les bulletins dans leur grande enveloppe pour un éventuel recomptage plus tard et on passe à la centaine suivante. Généralement les scrutateurs changent de rôle sur leur table avant de passer à la suivante.
Je fais les sommes
Vous avez fini toutes les centaines, tout est rangé. Il suffit désormais d’additionner les décomptes de chaque centaine. Les différentes feuilles de décompte d’enveloppe sont ensuite signées par les scrutateurs.
Après une dernière vérification que les sommes de chaque candidat correspondent bien à la somme des bulletins ouverts, vous avez les résultats définitifs de votre bureau de vote. Ce sont ces résultats, avec les enveloppes, qui sont remontés ensuite à la ville puis au ministère (probablement en passant par le département puis la région, mais je n’en sais rien).
Je suis garant
Vous vous avez pu témoigner de chaque étape, vérifier que personne n’a remplacé, supprimé ou ajouté de bulletin, que les chiffres transmis correspondent bien à ce qui a été ouvert, et qu’il n’y a rien eu de louche sur place.
Faites-le, parce que sans ça nos élections n’ont plus grande valeur. Le pire qui puisse arriver c’est que les bureaux de vote manquent de bonnes volontés et qu’on finissent tous avec des ordinateurs de vote. Là plus personne ne pourra rien vérifier.
Je le fais
Faites-le. Vous avez une occasion rêvée dans deux semaines. Comme il n’y aura que deux candidats, le comptage risque en plus d’être rapide. Encore mieux : Emmenez vos parents ou vos enfants pour observer.
Vous n’avez pas besoin de retenir tout ce que j’ai dit ici. Sur place il y en a toujours une moitié qui n’ont jamais fait ça, et les membres du bureau de vote seront là pour tout expliquer.
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