J’ai vu quelques messages défaitistes ou pessimistes sur la démocratie en Libye et l’application potentielle de la Charia. Je ne m’en cache pas, je suis loin d’être moi-même optimiste, mais j’ai l’impression ici qu’on se méprend sur ce qu’on attend d’une démocratie.
Démocratie : le pouvoir au peuple, ou la souveraineté au peuple. Mon seul critère est donc que le peuple, dans son ensemble soit capable de décider de ce qui s’applique à lui-même.
La démocratie ne se juge pas à la phase transitoire
Notre démocratie est elle-même largement critiquable par bien des aspects. Nous l’améliorons jour après jour. Juger de l’instauration de la démocratie d’un peuple à l’ensemble des lois qui est mise ou non en avant dans l’étape préalable avant tout vote me paraît hors de propos.
La démocratie se jugera sur la capacité du peuple à faire vivre ou changer le système en place, pas à la phase transitoire obligatoire. Cette phase est par nature forcément non-démocratique.
En allant même plus loin, il est illusoire de croire qu’une démocratie parfaite puisse prendre pied après une dictature. Cela ne demande pas que des institutions mais aussi une confiance et un changement de mentalité qui prend du temps. La dernière chose que je leur souhaite c’est l’apparence d’un système démocratique qui en fait ne se base pas sur un réel exercice de la part du peuple. C’est ainsi que naissent nombre de dictatures.
La démocratie ne se juge pas à la comparaison avec notre propre vision
J’ai aussi mal quand je sens l’odeur d’un jugement de comparaison avec notre démocratie et comment nous la pensons. Ce serait quand même un énorme égo que de croire que notre vision est la seule envisageable.
Il peut y avoir des démocraties basées sur des valeurs et des principes différents des nôtres. Il peut y avoir des démocraties dont la souveraineté est exercée différemment de la nôtre. C’est d’autant plus vrai que nous sommes loin d’être des modèles, que ce soit sur les valeurs ou sur la réalité de l’exercice démocratique.
Je fonctionnerai même par l’absurde : S’ils étaient obligés d’emprunter notre vision pour se qualifier de démocratie, alors par définition ils ne seraient pas une démocratie, parce que la décision serait notre et pas leur.
À quoi juger de la démocratie ?
Seront-ils capables de faire une démocratie ? je n’en ai aucune idée. Je partage le pessimisme, mais je refuse le jugement. Nous pourrons juger quand le système sera mis en place et après les premières manœuvres et premiers essais.
Le jugement par comparaison ou sur les prémisses mis en place aujourd’hui ne peut que renforcer les radicaux et donner de fausses impressions sur le futur. Cela ne doit pas nous empêcher de critiquer, mais si au moins on pouvait s’abstenir de faire des jugements trop rapides…
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