Encore une fois, je vois un comparatif de charges, taxes et impôts. Le sous titre « Je crois que le constat est clair » laisse à penser que nous sommes écrasés sous les prélèvements là où les autres en sont loin.
Si on regarde les chiffres de plus près
Moi je crois que le constat est loin d’être clair au contraire. Bon, déjà c’est bourré d’erreurs. La plus flagrante est l’IR Suisse qui est indiqué de 0 à 13%. Ça interpelle. En fait je ne sais pas à quoi correspondent ces chiffres. Il faut compter les impôts fédéraux, ceux du canton, ceux de la commune, qui sont tous les trois dépendants du revenu. Leur répartition est différente de la France. Le taux d’imposition moyen est de 40%, rien d’exceptionnel en fait. La France est de 41%. Autant dire que le tableau est trompeur.
Maintenant la comparaison telle quelle n’a aucun sens en soi. Il faut parler d’assiette, de déductions et de franchises diverses. Qui paye l’impôt ? En France c’est de l’ordre de la moitié de la population qui ne paye pas d’IR, on ne peut pas dire que la question soit négligeable. Même chose pour les tranches : À partir de quel niveau de revenu monte-t-on dans les tranches ?
Tel quel ça peut vouloir dire tout et son contraire. Pour une comparaison honnête, il faudrait comparer des taux moyens, ou des % du PIB. On l’a vu pour la Suisse.
Oh, mais les prestations sont-elles les mêmes ?
Même une fois qu’on étudie en % du PIB, la plus grande arnaque est que nous comparons des prélèvements sans comparer ce que nous obtenons avec ces prélèvements. Il suffit de séparer dans les prélèvements ce qui a trait à l’administration et ce qui a trait à la sécurité sociale. Contrairement aux attentes, nos prélèvements liés à l’administration sont largement en dessous de la moyenne. Nous prélevons finalement moins que la plupart des pays.
Au temps pour les pré-jugés : Nous avons peu d’impôt (hors sécurité sociale).
Bien entendu, ça veut dire qu’à l’inverse nous avons un prélèvement record pour la partie sécurité sociale, et c’est confirmé par les mêmes chiffres. Là aussi attention aux comparaisons hâtives : Il faut aussi comparer ce que nous obtenons en échange.
Il est facile de moins prélever par l’État et les collectivités si c’est pour reporter les paiements au niveau individuel. La première question est donc de savoir si globalement nous payons plus pour notre santé que nos voisins.
Résultat : En comptant les dépenses publiques et privées, nous dépensons pas mal, mais à peu près autant que l’Allemagne ou la Suisse, et 50% de moins que les États Unis (en % du PIB).
Serait-ce plus pertinent de ne pas imposer mais de laisser payer plus en privé ? Sans compter la vraie question sociale de la répartition et de l’assistance aux plus faibles revenus, dont on sait qu’elle finit par coûter cher à l’État quand on l’oublie (en ne se faisant soigner qu’en dernier recours, on finit par payer bien plus cher, et je ne parle même pas de l’espérance de vie pour certaines catégories sociales en Allemagne qui baisse au lieu d’augmenter). Plus qu’une question de niveau de prélèvement, il y a une question de choix de société et de répartition.
Nous avons pris la sécurité sociale (au sens large, avec les indemnités maladie, allocations familiales, la retraite,…) mais on peut aussi parler de l’éducation qui coûte finalement peu cher en France parce que gérée collectivement, des subventions diverses, du niveau d’infrastructure publique…
Sur le sujet (source des graphes) : Les crises – Prélèvements obligatoires.
Au final, qu’en est-il ?
- Oui nous payons beaucoup d’impôts, taxes et cotisations
- Mais comparer n’a de sens qu’en explorant ce qu’on obtient en retour et ce que couvrent ces impôts, taxes et cotisations
- À prestations égales nous sommes très loin d’être mal lotis par rapport aux autres (qui eux aussi trouvent qu’ils payent trop d’impôts, bien entendu)
- La vraie question est celle du modèle de société : qui paye ? collectif ou individuel ? Mais dans les deux cas on finit toujours par payer la même chose au niveau du pays.
7 réponses à “Je crois que le constat est clair”
En effet, on a une sécu au top (comparé à d’autres pays), mais il n’empêche que dans l’absolu, on paye plus pour un système de protection dont on n’a pas toujours l’usage.
C’est un peu comme les assurances, tu payes mais elles te servent rarement… Mais oui, quand t’en as besoin t’es bien content de l’avoir (même si les dépenses engendrées n’atteignent pas toujours les sommes « investies »).
Concernant l’éducation, il faut également mesurer son efficacité. De plus, personnellement mon fils (puis plus tard son frère) va en école privée hors contrat. Du coup, je trouve injuste de payer (au milieu de mes impôts) une part attribuée au système scolaire que je n’utilise pas…
Après, le souci avec ce genre de sujet, c’est qu’il est impossible (ou très complexe) d’être totalement exhaustif dans la comparaison :/
Justement non, on ne paye pas plus. On paye même moins que pas mal de pays qui ont un système bien moins bon. Le Canada (je crois que ce sont eux) l’ont redécouvert récemment avec une étude : Avec un système de santé individuel et incitant à ne pas se soigner, on attend le dernier moment, ce qui au final coute plus cher à la société.
Après oui, c’est un système assurantiel. Évidemment que les dépensent n’atteignent pas toujours les sommes investies. C’est même le principe de base. Je dirai même plus : Le système est fait pour gérer les gravités exceptionnelles donc ceux qui sont « rentables » sont une petite minorité.
Vouloir payer un système commun seulement s’il est rentable c’est ne pas comprendre ce qu’est un système commun.
On peut aimer l’idée par peur de soi même se retrouver dans le cas grave, mais on peut aussi voir plus loin : Il est bénéfique pour la société, et pour tout le monde individuellement, de vivre dans une société où les gens ont une sécurité sur le système de santé.
Ce raisonnement se voit très bien justement avec l’exemple éducatif : Est-ce certain que tu ne profites pas du système scolaire ? J’en suis bien moins certain. Le système scolaire il joue pour que ton entreprise puisse recruter des gens compétents, ou tes fournisseurs, ou tes clients. Il joue globalement pour que toute notre société ait un niveau plus haut ce qui lui permet d’aborder des problématiques plus complexes et de les résoudre. Indirectement sans ça nous n’aurions pas les mêmes routes, les mêmes services, les mêmes hôpitaux (justement), et le système économique serait en bien plus grande difficulté.
L’éducation c’est un des premiers leviers dans les pays « à la traine » économiquement, et ce n’est pas pour rien. Aucun pays avec faible niveau d’éducation n’offre à ma connaissance de bon niveau de vie.
Reste après que pour payer l’école privée de ton fils il faut que tu aies toi même une bonne rémunération, donc probablement un niveau d’éducation correcte, et ainsi de suite. Sauf à accepter qu’il puisse y avoir une élite minoritaire qui se perpétue par héritage et transmission filiale, on voit bien un problème.
Sans compter que si tu désertes le côté éducatif, d’autres déserteront le côté transport que toi tu utilises peut être beaucoup (remplaces « transport » par ce que tu veux) et au final tu y perdras sur ce point. L’idée c’est qu’en assurant un niveau d’infrastructures et de service adéquat partout et pour tous, on y gagne collectivement. C’est la part confort ou « bonus » qu’on paye collectivement (parce que bon, il ne s’agit pas forcément de passer au comunisme non plus)
Bref, on tourne bien autour du choix de société : individuel ou collectif. L’individuel est toujours tentant quand on est dans le décile le plus haut. Il est pourtant loin d’être évident que même les plus favorisés y gagnent.
Merci pour ces précisions. Je n’avais, en effet, pas poussé le raisonnement aussi loin.
Mon fils est dans une école « particulière » car nous ne sommes plus d’accord avec le système éducatif public (ni le privé sous contrat, qui applique la même pédagogie). Je ne suis pas aisé (et encore moins riche).
Mais il est vrai que j’ai bénéficié du système public, je ne peux le nier. Seulement, ce système scolaire a évolué dans le mauvais sens à mon goût, mais c’est un tout autre débat (je ne vais pas polluer ce post avec mes revendications éducatives ;-) ).
Merci pour tes points de vue éclairé et tes articles tous plus intéressants les uns que les autres.
Pour la santé, tout le monde utilise un système assurantiel, qu’il soit géré par l’État (en France) ou par des mutuelles privées (aux États-Unis), cela reste un moyen de répartir les dépenses ponctuelles en les répartissant sur tout le monde. Il suffit de comparer le prix des mutuelles américaines pour se rendre compte que le système est finalement similaire (en pratique, le cout aux US est supérieur, mais c’est plus lié au pouvoir des labos qu’au système de remboursement).
Pour l’éducation c’est différent. Il ne s’agit pas de répartir une dépense ponctuelle entre plusieurs personnes, il s’agit d’un investissement. C’est à dire dépenser aujourd’hui pour se rembourser demain. C’est un problème aujourd’hui en France dans le supérieur car la « gratuité » des études incitent les étudiants à partir trouver du travail à l’étranger, où ils seront mieux payés. Mais ce départ impliquent que la France ne touchera pas son investissement initial, c’est de la perte pure (hormis l’éventuel « prestige » français).
Sur la scolarité privée spécifiquement, effectivement il faut payer 2 fois. Mais considérons l’alternative : que chacun choisisse entre le mode d’éducation public ou privé. Il s’agirait ni plus ni moins que d’une ouverture à la concurrence sur le marché de la scolarité. C’est un vrai choix important de société qui nécessiterait une profonde restructuration du système éducatif.
Mince, t’es en train de me dire que je paye pour mon gamin qui ne va pas dans le public (ou privé sous-contrat) et qu’en plus ce que je paye « pour les autres gamins » n’aide même pas mon pays … :D
L’impôt peut être vu comme un investissement dont on attend un retour, c’est l’angle de vue pris dans ce billet.
Mais aussi comme une marque de solidarité envers la société à laquelle on appartient, au travers notamment de sa fonction de redistribution. Cette vision n’est pas si vieille : l’impôt sur le revenu date de 1914 en France, après avoir été adopté dans es années précédentes je crois (je ne suis plus sûr, il faudrait vérifier) en Amérique et en Angleterre.
Et les deux points de vue sont valides.
On ne fait donc pas que payer pour un service qu’on n’utilise pas lorsqu’on paye des impôts et qu’on va à l’école privée hors contrat, on est aussi dans la fonction de redistribution et de solidarité, presque de cohésion…
[…] rapprocher d’un billet récent sur la fiscalité. Quand on mesure le poids des impôts, il est nécessaire de regarder ce qu’on a en retour. […]