Dans l’histoire des fadettes, les curieuses pressions du procureur Courroye sur les policiers font parler en ce moment, et c’est justifié. Comme scandale d’État on a probablement déjà vu mieux, mais il est étonnant qu’il n’y ait pas eu de démissions jusqu’au plus haut niveau, et j’entends par là le plus haut niveau de notre État.
Lisez Mediapart et vous verrez que ce n’est que le sommet émergé de l’iceberg. DCRI, espionnage, on se croirait dans un polar complotiste. Ajoutez un soupçon de rétro commissions, financement illégal de partis, corruptions, ventes d’armes, et l’actualité devient brulante.
Ce qui m’interpelle c’est surtout ce que je lis dans l’article du Monde : Les fonctionnaire ont répondu par deux fois que c’est illégal, mais ils finissent par le faire quand même, simplement en se couvrant par « c’est notre hiérarchie qui demande ».
Je trouve cette déresponsabilisation, qui finalement existe aussi dans le privé, très dangereuses. Par peur de l’histoire, toute dénonciation de délits ou de crimes est vue comme une délation. Le résultat c’est qu’une fois renforcé, cette idée pousse à une autre dérive : mettre au rencart toute éthique et tout état de droit pour ne laisser subsister que la soumission au puissant.
Alors un rappel :
« (…) Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »
Un fonctionnaire a non seulement le droit de ne pas exécuter un ordre illégal, mais aussi un devoir de ne pas le faire. Je n’ai plus le lien sous la main mais je me rappelle avoir lu il y a peu que deux militaires avaient été condamnés récemment. Ils n’ont fait qu’obéir aux ordres, mais il avait été établit qu’ils avaient obéit en toute connaissance de l’illégitimité de cet ordre.
Alors quand un fonctionnaire vient se répandre dans la presse qu’il a mené des actes illégaux et graves pour la démocratie et l’État de droit sous prétexte qu’il en a reçu l’instruction explicite, je me demande pourquoi lui même n’est pas poursuivi.
4 réponses à “Fadettes : les curieuses pressions du procureur Courroye sur les policiers”
Ça n’est pas si récent que cela, mais je vois au moins 2 exemples:
– L’affaire des paillottes
– L’affaire de écoutes de l’Élysée
http://www.ldh-ales.net/spip.php?article28
En fait, tout repose sur la théorie de la « baïonnette intelligente » qui stipule que l’engagement (d’obéissance) du militaire ne le dispense pas de la réflexion et de la responsabilité de ses actes (http://fr.wikipedia.org/wiki/Ba%C3%AFonnette_intelligente).
Le problème à mon sens et que le maintien dans un poste, voire même l’avancement est à présent soumis à l’obéissance aveugle.
De plus, les critères pour définir un « ordre manifestement illégal » n’existent pas. Il est donc difficile pour un fonctionnaire (ou assimilé car les militaires ne sont pas fonctionnaires) de juger, dans le feu de l’action et sans recul possible (ormis des exemples flagrants comme l’affaire des paillottes), de la légalité (ou pas) d’un ordre.
Enfin, la règle par défaut est celle de la confiance, notamment envers sa hiérarchie. Commençons donc par taper très fort sur les donneurs d’ordre car ce sont eux qui provoquent d’une manière ou d’une autre les agissements illégaux. Lorsque la hiérarchie cessera de donner des ordres illégaux, les subordonnés cesseront de les appliquer.
Ces articles de loi ne sont à mon sens là que pour dédouaner les chefs. Ils peuvent alors demander tout est n’importe quoi et transfère la responsabilité de l’appréciation sur leurs subordonnés. De par leur position, ils ne sont souvent pas à même de déceler l’illégalité de l’ordre.
Il peut y avoir débat sur ce qui est manifestement licite ou pas, mais ça ne dédouane en rien les chefs. Au contraire dirais-je même puisque dès qu’il y a refus explicite, l’ordre illégal devient officiel et la hiérarchie est obligée de prendre position. En rien le donneur d’ordre n’est déresponsabilisé. Il est même obligé de formaliser l’ordre par écrit s’il veut reprocher la désobéissance au subordonné.
Pour reprendre tout de même le cas présent : Nos policiers savent faire quelque chose d’illégal. Ils tentent même de ne rien faire en espérant que ce soit oublié. Par contre ils se déresponsabilisent dès qu’ils ont un ordre explicite. « pas ma faute, on m’a demandé de… »
Il me semble d’ailleurs que dans le cas d’une entreprise qui aurait violé la confidentialité des données personnelles d’un collaborateur (par exemple exploitation de logs corrélés à l’identification d’une personne, lecture de mails, etc.), c’est la responsabilité de l’employé qui fait ces corrélations qui est en cause.
Ce qui semble cohérent avec l’article de loi que vous rappelez.