Catégorie : Objectifs

  • Story points

    Points de complexité, points d’ef­fort, tailles de tshirt… J’ai vu des équipes travailler avec des comp­tages allant d’une mesure en heures de travail à des mesures au simple nombre de tickets.

    Je n’ai pas trouvé de réelle corré­la­tion entre la réus­site des équipes et leur façon d’es­ti­mer, ou même avec l’exis­tence ou non d’es­ti­ma­tions.

    Si je devais trou­ver un critère commun à la majo­rité des équipes que j’ai vu bien fonc­tion­ner, le voilà :

    Les esti­ma­tions de tâches indi­vi­duelles sont réali­sées au lance­ment du travail. Elles ne sont pas utili­sées au-delà de la courte période de travail concer­née pour laquelle elles étaient prévues. Elles ne sont pas utili­sées en dehors de l’équipe ou de son fonc­tion­ne­ment interne.


    Déci­der. On estime les epic, ces gros blocs qui recoupent géné­ra­le­ment plusieurs semaines voire plusieurs mois. Ces epic servent à faire des choix, déci­der de l’op­por­tu­nité de réali­ser, confron­ter les prio­ri­tés, savoir s’il est réaliste d’at­teindre l’objec­tif avant un événe­ment parti­cu­lier. Dans tous les cas on parle de stra­té­gie et de tactique.

    Les points de complexité n’ont aucun sens à ce niveau. On a juste besoin d’un ordre de gran­deur. Les esti­ma­tions se font au doigt mouillé et c’est très bien comme ça. 30% de marge d’er­reur c’est presque de la surqua­lité.

    Ces esti­ma­tions n’ont aucune valeur en dehors de la prise de déci­sion. Le péri­mètre n’est pas vrai­ment défini, la tech­nique en est à l’étude de faisa­bi­lité et aux pistes tech­niques crédibles ou non.


    Réagir. Et puis à partir de là on passe éven­tuel­le­ment en réali­sa­tion. Mesu­rer l’avan­ce­ment permet de ne pas se perdre, d’iden­ti­fier les blocages, de se rendre compte quand on patauge. C’est ce qui permet éven­tuel­le­ment de dire « on a un problème, il faut chan­ger quelque chose » ou « l’ordre de gran­deur qui a mené à la déci­sion de réali­sa­tion se révèle faux, est-ce qu’on conti­nue ou pas ? ».

    On peut mesu­rer en fonc­tion d’es­ti­ma­tions de travail ou en fonc­tion de ce qui est livré à la sortie. Les deux ont du sens et je vous invite à faire les deux. Côté scrum on parle de la burn-down qui trace le travail, limité à une itéra­tion ou à une date butoir, et la burn-up qui trace la valeur produite sur du plus long terme.

    Ces esti­ma­tions ne servent qu’à ça, iden­ti­fier d’éven­tuels problèmes pour agir en fonc­tion. Elles ne servent pas à savoir si l’équipe travaille bien ou pas. Ce sont de sacré­ment mauvais indi­ca­teurs pour ça.


    Et donc les problèmes arrivent quand on croise les deux.

    Les esti­ma­tions et les plans ne sont pas faits pour mesu­rer le succès et le travail d’une équipe. Il sont faits pour déci­der et réagir. Rien de plus.

    Un plan long terme ne se construit pas en jouant au puzzle à agen­cer plein de petits blocs ensemble pour les caser dans l’agenda. Ça ne fonc­tionne déjà pas pour les tâches de pure exécu­tion, parce que 18 tâches de 10 minutes ne prennent pas le même temps qu’une tâche de 180 minutes.

    Ça fonc­tionne encore moins dès qu’il y a une acti­vité de réflexion, de créa­tion, ou simple­ment l’in­ven­tion de quelque chose qui n’existe pas. On ne connait pas tout à l’avance, le puzzle sera explosé avant d’avoir atteint le premier quart. C’est vrai autant d’un point de vue fonc­tion­nel que tech­nique.

    Mais surtout, le plan est fait pour être changé. Mesu­rer la réalité par rapport au plan c’est dire que le chan­ge­ment et l’im­prévu doivent être vali­dés en amont, qu’ils sont anor­maux, qu’en que si la réalité ne corres­pond pas au plan c’est la réalité qui a tort et que le problème se situe donc au niveau de ceux qui suivent le plan.

    Malheu­reu­se­ment essayer de tordre ou de contes­ter la réalité ne fonc­tionne que à ma connais­sance que dans les livres et les films de science-fiction (et encore : même là, en géné­ral, on a les problèmes qui nous sautent au visage dès qu’on essaie).

    Par­fois il y a aussi des problèmes au niveau de ceux qui suivent le plan, mais savoir si la réalité est conforme au plan est tout sauf le bon indi­ca­teur pour ça.

  • Respect du plan­ning et du péri­mètre

    Je lis les fiches de poste, je discute. Visi­ble­ment ce que les DG attendent prin­ci­pa­le­ment de leur direc­tion tech­nique c’est d’avoir de la visi­bi­lité sur la road­map et de garan­tir les délais de réali­sa­tion.

    Ne tape­rait-on pas un tout petit peu à côté ?

    Quand ça commence comme ça j’ai l’im­pres­sion que le boulot prin­ci­pal va surtout être de faire évoluer la DG, ou de s’as­su­rer que jamais oh grand jamais elle ne soit déci­sion­naire sur l’opé­ra­tion­nel.

    * * *

    Ce n’est pas ce qui était prévu ? Ça a pris plus ou moins de temps que prévu ? Ça couvre un péri­mètre fonc­tion­nel plus ou moins impor­tant que prévu ?

    Et alors ?

    Tant que les équipes livrent des réponses adéquates à un rythme correct, le reste n’est même pas secon­daire, c’est juste sans objet.

    On aurait peut-être pu faire une meilleure prévi­sion, mais peut-être pas. Ce qui est certain c’est qu’il y a quarante-douze trucs à plus forte valeur ajou­tée que de faire comme c’était prévu.

    Je préfère l’adé­qua­tion au besoin à l’adé­qua­tion au plan. Je préfère parler péren­nité, adap­ta­bi­lité, coût, inves­tis­se­ment, dette tech­nique, qualité, exper­tise ou capi­ta­li­sa­tion que meilleures esti­ma­tions.

    Et si le besoin est lié à une date précise, alors on livrera quelque chose à la date précise, du mieux qu’on le peux pour les ressources allouées. Peut-être pas ce qui est prévu ou espéré, mais quelque chose d’utile et perti­nent.

    * * *

    Si vous avez des problèmes de respect du plan­ning, ne commen­cez à pas à cher­cher des chan­ge­ments dans les équipes opéra­tion­nelles. Envi­sa­gez d’abord de faire chan­ger le fonc­tion­ne­ment de la direc­tion. Souvent le problème se situe là.

  • « Visons la lune », points de contrôle avant départ

    Pour obte­nir des résul­tats excep­tion­nels il faut des objec­tifs excep­tion­nels.

    Sérieu­se­ment, visez la lune. Les équipes ne demandent que ça et, si les condi­tions sont réunies, ça finit souvent par donner des choses inté­res­santes.

    Souvent, pas tout le temps, et unique­ment si les condi­tions sont réunies.

    Le problème du mana­ge­ment à la française c’est de se conten­ter d’ap­pliquer des objec­tifs irréa­listes, croire que ça va tirer les gens vers le haut, et renvoyer ensuite un feed­back néga­tif sur les résul­tats pas à la hauteur. Non seule­ment ça ne fonc­tionne pas mais en plus ça donne des résul­tats oppo­sés.

    Points de contrôle avant départ

    • L’objec­tif intro­duit-il une rupture, un rêve, ou un mur à abattre ? quelque chose d’ir­réa­li­sable dans sa nature et pas juste un chiffre plus impor­tant que d’or­di­naire ?
    • L’objec­tif motive-t-il en lui-même et non simple­ment par la satis­fac­tion de la direc­tion, voire par crainte de l’al­ter­na­tive ou de l’échec ? L’échec est-il possible ? bien accepté ? L’objec­tif est-il complé­men­taire à un bon fonc­tion­ne­ment de la société ?
    • L’équipe est-elle sur une dyna­mique posi­tive, avec des résul­tats posi­tifs et célé­brés comme tels ?
    • L’équipe a-t-elle des ressources humaines et maté­rielles dispo­nibles qu’elle peut utili­ser à cet objec­tif complé­men­taire ?
    • L’équipe a-t-elle une pleine liberté d’ac­tion et de déci­sion ?

    Il s’agit plus d’oser faire diffé­rent, autre­ment, sans se préoc­cu­per de ce qu’on croit possible ou non. Si l’ému­la­tion est là, que les voyants sont au vert, il est possible de faire tomber énor­mé­ment de barrières jugées infran­chis­sables.

    Parce qu’il y a d’autres voies

    Si par contre vous répon­dez « non » quelque part ou si vous biai­sez un peu, proba­ble­ment ne faut-il pas cher­cher un objec­tif ambi­tieux.

    Il y a d’autres chemins possibles, peut-être plus adap­tées à la situa­tion :

    Si tout est contraint, qu’il n’y a pas de moyens ou de liber­tés, mieux vaut envi­sa­ger des petits pas qu’on pourra réus­sir pour cher­cher un peu plus de souffle à l’ave­nir.

    Si la dyna­mique n’est pas bonne mais qu’il y a moyens et liber­tés, mieux vaut cher­cher des prises de risque faibles mais suffi­sam­ment diffé­rentes des objec­tifs habi­tuels, le temps de retrou­ver un collec­tif posi­tif.

    Si le mana­ge­ment n’est pas capable de libé­rer des ressources, de donner la liberté à l’équipe ou d’ac­cep­ter que l’objec­tif ambi­tieux ne sera pas atteint : chan­gez de mana­ge­ment, vite :-)

    Et si vrai­ment rien n’est à même de faire rêver, aucune rupture à créer, c’est à vous de voir suivant vos objec­tifs de vie mais il y a peut-être des rêves à accom­plir ailleurs.

    Quelques scéna­rios trop vus

    Quitte à enfon­cer les portes ouvertes, la diffé­rence entre des objec­tifs ambi­tieux et des objec­tifs irréa­listes tient beau­coup de la percep­tion et du contexte.

    Il ne suffit pas d’un mana­ge­ment qui répète sa confiance avec force. Voici des cas chacun vu plusieurs fois, soit person­nel­le­ment soit dans des équipes proches. Ne faites pas ça, ne vous lais­sez pas embarquer dans ce qui ne sont que des objec­tifs irréa­listes :

    « On va mettre des objec­tifs élevés pour que les gens se dépassent » avec simple­ment des chiffres diffi­ciles à atteindre. Démo­ti­va­tion par l’échec, perte de confiance dans la vision du mana­ge­ment, au mieux un essouf­fle­ment parce qu’on a pris l’al­lure du sprint pour faire un mara­thon.

    « Pour que la société survive, il faut réus­sir à faire deux fois plus que l’objec­tif que nous avons échoué la dernière fois » accom­pa­gné d’une perte de liberté déci­sion­nelle parce qu’on ne peut pas échouer. Bonus pervers quand on sait qu’on n’y arri­vera pas et qu’on aura un plan B.

    « Nous voulons gros­sir et pour ça il faut faire beau­coup plus » en oubliant que c’est une bonne moti­va­tion pour les diri­geants ou les action­naires mais peu moti­vant sur la durée pour ceux qui réalisent.

    « Visons la lune » mais en réser­vant l’es­sen­tiel du temps et des ressources sur le courant et les objec­tifs de fonc­tion­ne­ment. Démo­ti­va­tion par senti­ment d’in­ca­pa­cité, qu’il soit justi­fié ou non.

    « Qu’est-ce que vous voudriez faire ? » avec une vraie volonté de mettre en capa­cité malgré les compro­mis à faire, mais après des projets qui ont systé­ma­tique­ment été décrits par le mana­ge­ment comme échoués, trop lents ou insa­tis­fai­sants. Manque soit d’adhé­sion au mana­ge­ment, de confiance et donc de moti­va­tion, soit manque de confiance de l’équipe en elle-même qui ne verra que les murs devant elle.