J’ai fait deux billets sur des chiffres parce que les réactions me semblaient à côté de la plaque, mais j’ai l’impression que ce sont mes propres écrits qui se sont trompés d’argument.
Dites, entrepreneurs, êtes-vous certains de ne pas vous tromper de combat quand vous attaquez le projet fiscal ?
Il y a la réalité des chiffres. Quelques uns l’ont discuté, on a trouvé une petite différence qui a été mise à jour. Il y a visiblement encore une question à régler dans la gestion des parts fiscales. Dans l’ensemble mes billets étaient là dessus.
Mais justement, en discutant les gens sont rapidement partis sur des positions en dehors des chiffres sur les risques, sur les difficultés, sur le manque d’incitation, et sur le manque de soutien voir l’acharnement.
La vie de l’entreprise
Ces points là je les entends. Luttez pour que l’État retire les emmerdements, arrête de mettre des bâtons dans les roues, soutienne voir finance au besoin. Il y a eu un soutien au CIR et au JEI récemment, c’est certainement dans ces esprits qu’il faut travailler. On peut aussi inciter à l’innovation et à l’entreprenariat dans les universités. On peut aussi parler du chômage ou du filet de sécurité des entrepreneurs quand ils échouent (vu qu’on parle de risques). On peut parler des charges fixes des TPE et PME. On peut même parler du moyen de rémunérer par anticipation l’entrepreneur qui créé sa société quand elle n’est pas encore bénéficiaire.
Là dessus je pense que vous aurez le soutien de la plupart des gens à condition de ne pas abuser et de ne pas réclamer la survie sous injection publique de sociétés qui n’ont aucun espoir de fonctionner seules.
Bref, si vous parlez de faire en sorte que l’entreprise vive et se développe, c’est dans l’intérêt collectif plus que certain et la légitimité ne sera pas contestée.
La rémunération des investisseurs
Par contre, si vous parlez de la taxation de la revente des quelques très rares créations qui réussissent au point de générer des millions de plus-values, non seulement ça concerne très peu de monde mais en plus il s’agit d’intérêts particuliers. Il va être très difficile de justifier que ces revenus ne soient pas taxés au même barème que les autres.
D’après moi c’est à juste titre parce que le risque et la difficulté sont compensés par l’importance du gain potentiel. Cet équilibre n’a pas à être compensé par l’ensemble du pays. Ceux qui gagnent leur pari d’investissement n’ont pas de raison d’être plus exonérés d’impôts qu’un autre.
C’est d’autant plus vrai si l’entreprise a bénéficié au cours de sa vie des dispositifs d’aide, d’exonération, de soutien, de plafonnement ou de franchise de l’État (et même si ces dispositifs peuvent être mauvais ou insuffisants, ils existent et nous en profitons).
C’est sans compter aussi que vous êtes une petite minorité. La très grande majorité se lance pour vivre eux même ou faire vivre l’entreprise, pas dans l’objectif de plus-values à la revente. Considérer limiter les impôts comme solution à l’entreprenariat c’est oublier la très grande majorité qui galère aussi et qui elle ne gagne pas assez pour s’offusquer d’un barème d’imposition des plus-values.
Le pire c’est quand, en ce moment, certains entrepreneurs justifient le fait d’être moins imposés par le risque de se retrouver à la rue sans chômage. C’est oublier que quand l’entrepreneur échoue les salariés aussi sont à la rue, quand il réussit eux ne touchent pas des millions et ne sont pas concernés par les taux maximum d’imposition sur le revenu. Certes, rien n’est comparable, mais au moment où on parle de milliers de vies dans la galère avec des fermetures d’usine et où il est évident que le chômage n’est pas une garantie contre la galère, mettre ça en avant pour justifier des faibles taux d’impositions sur de fortes sommes, c’est juste indécent.
Changer de combat
Et si vous changiez de combat ? si vous reconnaissiez qu’il n’est pas illégitime que chacun participe à hauteur de ses capacités qu’il soit salarié, investisseur ou entrepreneur ?
Si plutôt que vous battre sur l’imposition des plus-values vous vous battiez pour tout ce qui gêne la création, le développement et le maintient de vos entreprises ? Si vous réduisiez le risque et la difficulté au lieu de chercher à augmenter les profits de quelques rares exceptions ?
Ce combat ne vous semblerait-il pas plus efficace finalement ? Ne serait-il pas aussi meilleur pour l’innovation, pour l’économie, pour vous-même et pour la société dans son ensemble ?
Et parce que certains parlent mieux que moi
Je vous invite à lire Henri Verdier qui, s’il s’agit de ranger les gens dans des cases, est clairement « du côté des entrepreneurs » (je le suis aussi mais j’ai du mal à ce que ce soit compris).
Lui montre clairement que plutôt que de lutter en bloc et ainsi, il vaut mieux s’attacher aux points anormaux dans le texte et proposer/soutenir des amendements, que la forme actuelle est plus que contre-productive.
Et il exprime très bien pourquoi j’ai eu un ras le bol qui m’a incité à écrire aujourd’hui :
Le discours sur l’entrepreneur généreux, seul créateur de valeur, qui devrait obtenir tous les privilèges dus à son rang est un discours lassant. Et je ne parle même pas des relents libertariens et des accents dignes du Tea Party. Il agace à gauche mais aussi l’ensemble des anciennes industries qui font face à une crise ultra-violente. Ne vous y trompez pas, mes amis, c’est sans doute dans cette ancienne économie que vous trouverez vos pires détracteurs. Ceux qui vous accuseront d’être une économie de la spéculation et de surfer sur une bulle…
Il y a des gens qui souffrent plus que nous, dans ce pays comme ailleurs et je crois qu’il fait meilleur être entrepreneur en France que salarié d’Arcelor.
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