Je trouve intéressant tout ce qu’il s’est passé récemment. Je suis le fil de ma pensée mais les propos l’animateur eux-même ne sont pas ce que je veux aborder ici..
Il y a eu un témoignage précis, de première main, sur un fait d’intérêt public. À cette étape là personne n’en sait plus.
Ce témoignage s’est significativement diffusé. 2000 partages en 24h. On est très loin de ce qu’on peut qualifier de buzz sur Twitter, mais ce n’est pas rien non plus.
Il a fallu une vingtaine d’heures pour que les journalistes et les services du ministre recoupent suffisamment les faits puis montrent que le témoignage était faux.
Après avoir été confronté à ses dires par son encadrement, l’animateur est publiquement revenu sur ses déclarations en disant qu’il avait été induit en erreur.
S’ensuit une mini-polémique sur la diffusion de fausses informations.
Il est toujours bon de revenir en arrière pour en tirer les leçons en vue d’une prochaine fois. De ce que j’en lis autour de moi, on a toutefois tendance à juger les partages du témoignage d’origine à l’aune de la révélation du faux.
C’est là qu’à mon avis on fait erreur. Ce sont deux types d’information différents, à des niveaux différents.
Le premier niveau d’information c’est l’existence du témoignage et son contenu. Cette existence est une information à part entière. Même si ce n’est pas le scandale du siècle, elle est à priori d’intérêt public.
C’est ainsi que dans la presse vous trouvez des brèves reprenant une déclaration officielle, révélant un PV, pointant un fait qui pose question, etc. On les reconnait en ce qu’elles utilisent généralement des guillemets pour marquer qu’il s’agit d’une reprise.
Parfois la déclaration officielle est fausse ou trompeuse. Parfois les propos que rapportent le PV sont faux. Parfois la question posée a une réponse tout à fait légitime.
C’est malheureux quand ça arrive, on essaye de l’éviter, mais ça ne retire en rien l’intérêt public d’avoir relayé cette information en fonction de sa crédibilité et de l’intérêt public à ce moment là.
Ce qu’il s’est passé sur Twitter n’est pas différent. Il n’y a quasiment eu que des citations, avec ou sans commentaire. Les tiers ont tous vu les propos originaux, écrits au nom de cet animateur inconnu.
Tous ont pu se faire leur propre idée de la crédibilité du témoignage. Personne n’a été induit en erreur sur le fait que c’était un témoignage d’un inconnu et rien de plus.
Nulle part il n’y a eu présentation comme venant d’une source officielle, ou d’une quelqu’un ayant vérifié ou accrédité l’information.
Il n’y a pas eu tromperie ou fake news. Il y a juste eu le relai d’une information d’intérêt public, celle d’un témoignage potentiellement crédible mettant en cause une opération de communication.
Le second niveau d’information est venu de la presse. Je crois que c’est France Info qui a fait le premier article d’analyse (mis à jour depuis).
Ils ont fait ce qu’on attend d’eux. Ils ont vérifié, contacté les services du ministre, peut-être le camp de vacances. Les éléments relevés contredisent directement les déclarations de l’animateur.
On n’a toujours pas d’autres sources que les services du premier ministre concernant l’origine du dessin, mais on en a assez pour considérer que le récit de l’animateur était faux. Pas besoin d’aller plus loin sauf à ce que nouveaux témoignages apparaissent.
Cette information est différente de la première. On n’informe pas du témoignage, on va vérifier le fond.
Les deux niveaux ne se fusionnent pas et ne s’opposent pas forcément. Il est toujours vrai que l’animateur a fait ce (faux) témoignage, que ce témoignage semblait suffisamment crédible et d’intérêt public pour être repris. Il est tout aussi vrai qu’on sait désormais que les éléments principaux du témoignage étaient faux, et que donc il ne faut plus diffuser le témoignage d’origine ou ce qu’il prétendait.
Pourquoi est-ce important ? Parce qu’en assimilant les deux niveaux d’information on laisse penser que partager le premier témoignage revient à créer une fausse information. On oublie qu’il y a deux informations, à deux niveaux bien distincts.
Fallait-il attendre la vérification sur le fond avant choisir de partager l’existence du témoignage ?
Si dans l’idéal on ne peut être que d’accord, c’est oublier que la vérification n’a eu lieu que parce qu‘il y a eu cette diffusion significative préalable. Jamais ni les journalistes ni les services du ministre ne seraient intervenus sans le micro-buzz. Jamais les services du premier ministre n’auraient répondu à un citoyen non journaliste professionnel qui aurait voulu vérifier l’information.
Empêchez le premier niveau d’information tant que la presse de métier n’a pas officiellement étudié le fond, vous couperez aussi énormément de faits avérés qui n’auraient jamais eu la visibilité suffisante. Tiens, toute l’affaire Benalla vient d’un buzz similaire sur une courte vidéo à la place de la contre-escarpe, et dont certains avaient contesté la légitimité d’en faire un buzz à l’époque.
On ne peut pas espérer que ces buzz initiaux ne se fassent que sur des faits qui se révèlent vrais. Ça revient à dire aux gens « agissez mais ne vous trompez pas ». Ça ne fonctionne pas.
Il n’y a aucun comportement qui permet à la fois de mettre en lumière le vrai et de laisser sous silence le faux. On fait forcément des erreurs des deux côtés, tout est une question de positionner le curseur intelligemment.
Il ne reste du coup que le jugement de chacun : Est-ce que l’information me semble à la fois assez crédible et assez intéressante pour être partagée ?
Visiblement 2000 personnes ont pensé que oui. Ça a suffit pour qu’un journaliste s’en empare (ce qui est déjà étonnant, 2000 partages twitter ce n’est pas grand chose) et qu’on ait le fin mot de l’histoire sur le fond.
J’ai ensuite vu les correctifs et articles de presse largement diffusés. Rien que ça est assez propre à Twitter. Si les correctifs sont bien souvent bien moins visibles que les polémiques de départ, ils le sont toujours beaucoup plus sur Twitter que sur la plupart des autres médias.
C’est malheureux quand on diffuse du faux mais quelque part tout s’est passé comme ça aurait du, ou pas loin.
Nulle part le témoignage initial n’a été présenté comme autre chose qu’un témoignage unique. Il n’y a pas eu retraitement, il n’y a pas eu masquage de la source, il n’y a pas eu présentation faussée. Le correctif lui-même est arrivé dans un temps relativement rapide et la diffusion du faux s’est immédiatement arrêtée.
On est là dans un espace totalement différent de celui de la fake news. Il n’y a d’ailleurs probablement même pas eu intention de tromper de la part de l’auteur d’origine.
Et donc, puisqu’on fait un retour arrière : Ce témoignage était-il suffisamment crédible pour mériter une diffusion ?
On entre dans le subjectif. Je ne peux que donner mon propre avis, forcément biaisé.
Dans l’histoire récente on a entendu des élus et hauts fonctionnaires mentir sous serment devant une commission d’enquête. On a une porte-parole du gouvernement qui a dit assumer de mentir pour protéger le président. On a un procureur qui a fait une fausse déclaration officielle pour éviter de contredire les propos du président. On a des ministres, élus et représentants de tous bords qui font des pirouettes verbales à la limite de la mauvaise foi pour justifier tout et n’importe quoi. On a des opérations de communication à gogo, et les mises en scène n’y sont pas si rares.
De fait, les paroles officielles sont assez peu fiables dès qu’on est dans l’opération de communication. C’est malheureux, grave pour notre démocratie, pas spécifique au gouvernement ou au parti au pouvoir, mais c’est ainsi.
On était justement dans une opération de communication. Croire qu’on ait pu préparer une belle image à présenter à la presse n’est pas totalement délirant au regard de ce qui précède. Impossible de savoir si c’était vrai sans faire un travail de journaliste, mais c’était crédible et vraisemblable.
Le reste du récit, le vrai mpte personnel pas créé pour l’occasion ni réservé au militantisme, la façon de raconter, les détails sur d’autres points, disons qu’il n’y avait pas beaucoup de voyants au rouge.
À mon avis, si vous avons un problème majeur à régler, ce n’est pas tant de limiter la diffusion de fausses informations que de restaurer la confiance dans ce qui vient de nos élus, de notre administration et des personnes en position d’autorité.
Les deux sont liés. Si on ne peut plus croire ces sources là, on finit par ne plus rien croire, douter de tout ou prêter foi à tout, ce qui revient au même.
Malheureusement restaurer la confiance va être difficile et long, parce qu’aujourd’hui les pratiques sont au plus bas. Elles ont plutôt tendance à entamer ce qui reste de confiance qu’à restaurer ce qui manque.
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