Quand on parle de contrôle au faciès, il y a toujours quelqu’un pour dire que tout ça n’est pas très factuel, que les récits sont partiaux et que je suis surtout l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours.
Sauf que non, pas tout à fait.
La réalité c’est que je n’ai pas souvenir d’avoir vécu un seul contrôle d’identité. Pas un seul. C’est peut-être déjà arrivé, mais dans ce cas ça a été suffisamment rapide, poli et basique pour ne laisser aucune trace. On ne m’a jamais fait de palpation de sécurité, de fouille, jamais emmené au commissariat, etc.
J’ai même passé une frontière France -> Suisse avec une déclaration « j’ai oublié ma carte d’identité chez moi », oui (mais j’imagine que ça ne passerait plus aujourd’hui). C’est dire…
Les seuls contrôles dont j’ai souvenir ce sont les contrôles aux frontières (à l’aéroport ou les équipes de douane proches de Genève), trois contrôles routiers (deux où ils arrêtaient tout le monde sans exception et un où j’ai visiblement grillé un feu rouge sans m’en rendre compte et où on m’a juste dit « attention, ce n’est pas bien »), ou les contrôles de billets lors des transports en commun (je les compte parce qu’ils sont parfois accompagnés par les forces de l’ordre mais ces derniers ne m’ont jamais demandé quoi que ce soit à cette occasion).
Le seul contrôle poussé et un peu agressif (arrêté, déplacé dans une pièce, voiture et personne fouillés, démonté mon téléphone), à la frontière de Genève, était dans un groupe d’amis moins blancs que moi.
Aucun contrôle d’identité. Cette même histoire est assez fréquente chez mes amis en situation similaire: j’ai 37 ans, homme, cis-genre, blanc, centre ville aux heures de début et fin de journée de travail, CSP+ style plutôt « vêtements de bureau » que sportwear.
À l’inverse, tous les amis s’habillant plus sport ou ayant une peau moins blanche que moi et à qui j’ai posé la question se sont fait contrôlés dans l’année passée. Je n’ai pas demandé à tout le monde, mais je n’ai eu aucune exception. Aucune.
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Statistiquement l’échantillon ne vaut peut-être rien, mais j’aimerai quand même qu’on m’explique.
Qu’on m’explique pourquoi lors des contrôles on me dit « pas vous » alors que les autres sont stoppés parfois agressivement, parfois palpation et vidage de poche main contre le mur comme dans les séries américaines. La seule différence quasi systématique est la couleur de peau ou la présence d’un sweater à capuche.
Qu’on m’explique pourquoi j’ai vu des amis changer de chemin par lassitude d’être contrôlés en voyant une patrouille, alors que ça ne me serait même jamais venu à l’esprit. La seule différence notable que j’y ai vu est qu’ils sont basanés.
Qu’on m’explique pourquoi quand je demande des informations à un policier en opérations j’ai une réponse polie alors que la même personne derrière moi se fait parfois refouler à la limite de l’insulte. Là aussi, même si ce n’est que du ressenti, je n’y vois qu’une différence de faciès.
Tout ça je l’ai vécu. On ne parle pas de on-dits.
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Je ne vois que ce qu’il se passe autour de moi, en centre ville bien propre aux heures de transit des employés de bureau. Les récits tiers sont bien moins superficiels que ce que j’ai vu de mes yeux.
Je trouve ça un peu facile de parler de partialité, que tous ces jeunes et non-blancs n’ont en fait rien à reprocher, qu’ils se font des idées voire sont de mauvaise foi. C’est rassurant, tranquillisant, mais quand même difficile à croire. D’autant plus difficile que quand les polices anglaises et espagnoles ont réellement travaillé la question, elles ont vu qu’elles avaient effectivement des pratiques illégitimes.
Il faut croire que nous avons la police parfaite mais juste beaucoup de paranoïaques et d’hypocondriaques du contrôle dans la population.
Même en supposant cette police parfaite, je ne vois pas ce que ça change. Que la population ait un ressenti de contrôle au faciès est un problème en soi, peu importe que les faits soient avérés ou pas. La réalité des faits est presque une question secondaire : Le problème suffisant pour mettre en place tous les outils de contrôle et d’assurance nécessaires, suffisant pour faire comme si. Au pire ça permettra de faire taire ces fausses victimes et d’éliminer le mauvais ressenti.
Bon, bien évidemment on risque aussi de se rendre compte que le problème est réel. Visiblement nos politiques ne sont pas prêts à prendre ce risque.
Il faut dire qu’on parle de récépissé pour les contrôles d’identités alors qu’on n’est même pas capables de faire respecter l’obligation d’affichage du numéro RIO sur les policiers en uniforme. Ça n’aide pas à crédibiliser ceux qui luttent contre le récépissé.
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Le récépissé en cas de contrôle d’identité ce n’est pas la mesure parfaite, et je crains que certains policiers refusent la délivrance du papier de la même façon qu’ils refusent de donner leur RIO.
Pour autant c’est une mesure relativement simple, applicable, qui renverse la confiance et permet de redonner quelque chose dans les mains de ceux qui se disent et qui se sentent victimes. Mieux, c’est une mesure qui a fait ses preuves ailleurs.
Et si on arrêtait de se regarder le nombril ?
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