Les critiques contre l’absentéisme des députés sont récurrentes, en particulier concernant leur assiduité en séance publique. […] Qu’une prise de position marquée par une ignorance des processus de décision vienne de personnes qui n’y connaissent rien et se fondent sur des mythes, je peux encore comprendre. Mais quand c’est le fait de députés, qui savent parfaitement à quoi s’en tenir, ou de personnes qui se présentent comme des « intellectuels », c’est plus dérangeant.
En gros c’est récurrent, partagé, mais la population n’est qu’ignorance, les élus savent mieux. Tout le cynisme de cette vision de la démocratie qui me gêne, mais tant pis : faisons abstraction et parlons du fond.
Arrive le passage en séance publique. En général, à ce stade, les choses se sont déjà cristallisées, les arbitrages ont été rendus et il s’agit surtout d’avaliser officiellement des choix déjà faits. Pour cela, il suffit juste que la majorité s’assure d’être en nombre suffisant pour emporter les votes. La séance publique est donc un théâtre, où les oppositions et les clivages se mettent en scène.
— Authueil, de l’instrumentalisation de la démagogie
Bref, ça ne sert à rien. Si on part par là, si c’est juste pour faire spectacle, alors profitons-en pour y mettre un terme, officialisons le vote en asynchrone sur une liste d’émargement ou je ne sais quel autre procédé simple, et arrêtons les séances publiques.
Ça ne serait pas choquant. Le travail est fait ailleurs, et on peut très bien imaginer se baser sur la synthèse des travaux qui sera soumise par le rapporteur ou par la majorité.
Franchement, je suis même foncièrement pour.
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Pour autant, il y a un autre sujet derrière tout cela. Il y a une question de représentation et de démission.
On ne parle pas ici d’une loi technique travaillée en parallèle à d’autres. On parle de modifier la constitution pour y envisager des périodes où l’exécutif a de plus forts pouvoirs, jusqu’à aller contre les droits de l’homme. On peut être pour ou contre, mais qu’on ne me fasse pas croire qu’un député puisse avoir mieux à faire.
Quitte à parler spectacle, même simplement montrer symboliquement aux citoyens qu’on est concerné, qu’on pèse son vote, que oui on vote pour/contre et que le résultat global correspond effectivement à la volonté du congrès, … rien que ça c’est plus important pour quelques jours que tout le reste du travail de député. Rien que ça.
À l’heure où on parle justement de modifier la constitution pour y ajouter une mesure sans efficacité à portée uniquement symbolique, difficile nier le symbole de l’absence de tant de députés à la séance publique.
Lundi 8 février au soir, il y avait 136 députés en séance publique. Pour un lundi soir, c’est exceptionnellement élevé, quasiment un record.
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Le symbole est une raison suffisante pour que l’absence de tant de députés hier soit scandaleuse, mais ce n’est pas le seul reproche.
Être absent c’est aussi bien pratique. Ça permet de ne rien assumer. Quoi qu’il se passe on pourra dire qu’on n’y a pas pris part.
C’est encore plus vrai quand on a une voix divergente avec son groupe. On évite de se griller des opportunités de carrière « pour rien ». Sauf qu’en faisant cela on passe sous silence l’absence d’unanimité, on oublie qu’un vote 80/20 et un vote 55/45 ça n’a pas la même portée. Question de respect des citoyens, encore une fois.
C’est aussi cautionner totalement le système où une poignée de chefs ont l’influence sur le groupe, qui lui même a la majorité de la majorité parlementaire, qui elle même a la majorité des députés, qui eux même n’avaient que la plus grosse minorité des votes exprimés, qui eux même ne représentent même pas la moitié des électeurs. Bonjour la démocratie !
Oui c’est comme ça que ça fonctionne mais, au moins une fois par mandature sur un texte aussi fondamental, couper deux ou trois indirections pour au moins revenir à « un député = un vote », ça n’est pas du luxe. Au moins là.
Sur les textes législatifs habituels je ferme ma gueule, mais là c’est non.
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