Pour une gifle

Scan­da­lisé. Le juge­ment de ce maire qui a giflé un jeune qui lui a manqué de respect est passé en cour d’ap­pel. Après une peine symbo­lique en première instance (amende avec sursis et 250 € de dommages et inté­rêts), il y a eu relaxe lors de l’ap­pel.

Un adoles­cent se trouve dans la cour privée et fermée d’un bâti­ment public, avec un ballon. Il répond avec un manque de respect clair quand le maire le remarque et le rappelle à l’ordre. Le maire soutient que la formu­la­tion est « qui va m’em­pê­cher d’al­ler cher­cher mon ballon, c’est quand même pas toi. Pour qui tu te prends ? casse toi ! », éven­tuel­le­ment complé­tée par « batard », suivant les versions du maire (l’en­semble de la phrase est contes­tée par l’en­fant). Ce maire a réagi par une gifle, assu­mée. Ce qu’il s’est passé ensuite n’est pas rose, mais c’est hors sujet ici.

Je ne critique­rai pas l’is­sue du juge­ment lui-même, d’autres biens plus compé­tents que moi l’ont déjà fait. Je dirai juste qu’il n’est pas néces­saire d’avoir plus d’un euro symbo­lique pour que les choses soient saines. Par contre, les moti­va­tions de ce juge­ment d’ap­pel me fait bondir.

Le juge parle de violence des outrages, d’atteinte inac­cep­table, et même de termes parti­cu­liè­re­ment odieux. On parle là des paroles (contes­tées) du jeune. Je ne cache pas que les termes sont inac­cep­tables – et il a même été condamné pour cela – mais ils me semblent au contraire rela­ti­ve­ment légers pour une insulte. Nous sommes même dans le voca­bu­laire courant que pas mal de jeunes utilisent entre eux en toute amitié. Le juge ose même quali­fier la gravité par le fait qu’il y ait tutoie­ment. Aussi inac­cep­table que cet outrage soit, je trouve les super­la­tifs parti­cu­liè­re­ment mal avisés.

La dispro­por­tion est flagrante quand la gifle du maire est elle quali­fiée d’inof­fen­sive. Il semble clair que le juge­ment ne vient pas de l’acte ou des paroles mais de qui les faits. Comment voulez-vous que ce jeune ait foi en la justice et en l’au­to­rité si on a une telle diffé­rence de trai­te­ment ?

Encore plus choquant, le fonde­ment de l’ar­gu­men­ta­tion du juge tient beau­coup autour du fait qu’il y a eu remise en cause de l’au­to­rité et manque de respect, que c’était en public, avec l’ar­gu­men­ta­tion impli­cite que du coup on ne pouvait pas lais­ser passer. Là où dans les textes le fait qu’une violence soit faite par un repré­sen­tant est norma­le­ment une circons­tance aggra­vante, elle passe ici comme atte­nante.

Le meilleur est quand le juge quali­fie la réponse comme adap­tée. Là on entre dans l’idée qu’il est légi­time et même légal de répondre physique­ment à un manque de respect. Je rappelle que les profes­seurs subissent des agres­sions verbales bien plus fortes que celle dont on parle, et ça très régu­liè­re­ment. Est-ce que nous accep­te­rons que ces derniers puissent donner des gifles à des lycéens en réponse ? Est-ce que ce même jeune aura droit de gifler le maire quand ce dernier lui manquera de respect en le tutoyant ?

On peut trou­ver à cette gifle un bon sens des familles, mais pas en faire un tel trai­te­ment judi­ciaire. Là c’est une farce à deux poids deux mesures,  indigne de l’objec­ti­vité de notre justice.


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