Je me fais interpeler sur la véracité des histoires (et c’est une bonne chose tant que c’est fait avec respect et bienveillance, ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas).

Vérifier des faits c’est un métier. Je n’en ai ni le temps ni l’expérience. C’est annoncé très explicitement en préambule. Je me contente de la vraisemblance du témoignage via quelques règles simples et je laisse les journalistes faire leur travail. Si d’aventure un témoignage est explicitement infirmé par un journaliste, alors je le retire.

Pour autant je vois certains chasser les incohérences des témoignages et ça me parait bien plus complexe que ça.

Voir https://n.survol.fr/n/la-veracite-du-recit

Personne n’est une machine et il y a des pertes et transformations à chaque étape, en plus d’angles de vue différents. C’est normal, surtout pour quelque chose qui a été vécu comme fort émotionnellement (comme une agression, une injustice, un abus, etc.).

Pour reprendre deux exemples :

1/ Un témoignage parle d’amende à 360 €. Ce montant n’existe pas. Visiblement certains rejettent le témoignage et le considèrent par principe comme faux. Ca me parait plus complexe.

Peut-être est-ce aussi un faux de bout en bout, mais pas forcément. Peut-être qu’on lui a effectivement parlé de 360 € pour lui faire peur. Peut-être qu’on lui a donné ce chiffre comme le montant en cas de récidive et que l’erreur vient du policier. Peut-être que ce n’est pas ce que le policier a dit mais ce qu’elle a entendu dans le brouillard de l’indignation. Peut-être que le chiffre n’a même pas été évoqué mais qu’on lui a parlé d’amende et que dans sa tête c’était 360 € et elle a retranscrit ça ainsi. Peut-être a-t-elle voulu en rajouter tellement elle était indignée.

Bref, le chiffre est faux mais ça me semble une erreur d’en tirer de trop grandes conclusions. Le métier de journaliste est plus complexe que de dire « ahah le montant est faux, c’est encore un fake fait pour décrédibiliser les forces de l’ordre ». Je vais les laisser le faire.

Pour l’instant j’ai choisi de laisser le témoignage. Pourquoi ? Parce qu’il est crédible, repris par des journalistes de métier, et qu’on a vu *par la suite* un enregistrement vidéo des propos similaires (avec des bouteilles de coca plutôt que des paquets de gâteaux). Bref, ça vient renforcer la crédibilité du « il s’est passé quelque chose », sans dire pour autant que chaque mot est « la vérité qui ne peut pas avoir d’autres angle de vue ».

Que la concernée, dont ce n’est pas le métier, ait retenu 360 € là où la majoration fait 375 € (prononcez les deux nombres, vous comprendrez), ça m’indiffère totalement dans l’histoire.

2/ À l’inverse vous ne trouverez pas ici l’histoire du corbillard. Un journaliste a fait des vérifications. J’aime bien cet exemple parce que ça montre de nouveau les deux points de vue.

Dans le témoignage on parle d’un conducteur de corbillard. Il n’avait pas son attestation mais baladait endimanché un macchabée dans le coffre en direction du lien de crémation. La famille du défunt suivait.
On peut imaginer qu’il prenne très mal d’être arrêté et qu’on lui fasse la leçon.

Le journaliste rapporte aussi la version de la police : Un fourgon sans signe distinctif, et une conversation qui s’envenime, probablement suite à non seulement l’absence d’attestation mais aussi l’oubli du permis de conduire. La version du policier est qu’il n’a pas été verbalisé.

Si on oublie la question de savoir s’il y a bien eu verbalisation, les deux histoires sont totalement opposées mais peuvent bien être vraies toutes les deux. On a juste deux points de vue d’un même événement, vécu différemment par chacun.

Considérant que c’est probablement plus un différent et une incompréhension standard qu’un abus de contravention, vous ne trouverez pas ce témoignage ici. Il est pourtant vrai, alors que le précédent avait une erreur grossière et j’avais choisi de le garder. Je vous avais dit que c’était complexe.

Et est-ce qu’il y a eu verbalisation ici ? Je n’en sais rien. Le chauffeur a dit que oui. La hiérarchie policière dit que non. Il est tout à fait possible que le chauffeur ait compris qu’il recevrait une amende alors que le policier lui ait juste dit que c’est ce qu’il devrait faire (mais sans le faire). Intuitivement c’est ce qui me parait le plus probable.

Il n’est bien entendu pas totalement impossible que l’un des deux soit de mauvaise foi (le chauffeur qui savait qu’il ne serait pas verbalisé mais qui en a ajouté en pensant que ça aurait pu arriver, ou le policier qui a mis une amende qui a été bloquée plus en aval suite à l’intervention de la presse, ou même qu’il y aura vraiment verbalisation et on ne le saura qu’à réception du courrier) mais il n’y a pas besoin de l’imaginer pour expliquer la différence entre les versions.

Vous voulez plus que ce que je ne fais ? Moi aussi. J’espère qu’un journaliste sera intéressé pour vérifier les témoignages un à un. En attendant j’applique quelques règles strictes, et beaucoup de jugement personnel. Oui c’est subjectif et vous n’aurez pas forcément le même jugement que moi sur tout. Entre temps le préambule explique ce que je fais, comment, et vous incite à votre démarche critique personnelle.