Préam­bu­la­toire

Nos prin­cipes fonda­teurs changent, souvent pour un mieux, mais pas toujours. Même si elle est vue comme la source de blocages et de problèmes infi­nis, j’aime bien certains aspects de la IVème répu­blique, en ce sens qu’elle a cher­ché à créer un bon système à desti­na­tion du citoyen et pas à desti­na­tion de l’homme poli­tique.

Voici ce que nous annonçait le préam­bule de la consti­tu­tion du 27 octobre 1946 (la graisse est de moi) :

[…] les prin­cipes poli­tiques, écono­miques et sociaux ci-après :

La loi garan­tit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme.

Tout homme persé­cuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les terri­toires de la Répu­blique.

Chacun a le devoir de travailler et le droit d’ob­te­nir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances.

Tout homme peut défendre ses droits et ses inté­rêts par l’ac­tion syndi­cale et adhé­rer au syndi­cat de son choix.

Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le régle­mentent.

Tout travailleur parti­cipe, par l’in­ter­mé­diaire de ses délé­gués, à la déter­mi­na­tion collec­tive des condi­tions de travail ainsi qu’à la gestion des entre­prises.

Tout bien, toute entre­prise, dont l’ex­ploi­ta­tion a ou acquiert les carac­tères d’un service public natio­nal ou d’un mono­pole de fait, doit deve­nir la propriété de la collec­ti­vité.

La Nation assure à l’in­di­vidu et à la famille les condi­tions néces­saires à leur déve­lop­pe­ment.

Elle garan­tit à tous, notam­ment à l’en­fant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protec­tion de la santé, la sécu­rité maté­rielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situa­tion écono­mique, se trouve dans l’in­ca­pa­cité de travailler a le droit d’ob­te­nir de la collec­ti­vité des moyens conve­nables d’exis­tence.

La Nation proclame la soli­da­rité et l’éga­lité de tous les Français devant les charges qui résultent des cala­mi­tés natio­nales.

La Nation garan­tit l’égal accès de l’en­fant et de l’adulte à l’ins­truc­tion, à la forma­tion profes­sion­nelle et à la culture. L’or­ga­ni­sa­tion de l’en­sei­gne­ment public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État.

[…]

Vous note­rez que sous prétexte d’éco­no­mies et de concur­rence, nous sommes en train de réali­ser l’op­posé total de cette décla­ra­tion de prin­cipe : Nous priva­ti­sons toutes les entre­prises qui composent notre service public et posons même comme prin­cipe la notion de parte­na­riat public-privé pour les inves­tis­se­ments. Même quand la propriété reste majo­ri­tai­re­ment publique, on fait tout pour lui donner les attri­buts du privé, niant l’objec­tif même de cette décla­ra­tion d’in­ten­tion.

Sans avoir des visées bolche­viques, il n’est pas tota­le­ment aber­rant d’ima­gi­ner que ce qui est essen­tiel à la commu­nauté soit détenu par la commu­nauté, avec que personne ne l’as­sujet­tisse, même écono­mique­ment. On voit faci­le­ment, dans les trans­ports, dans les opéra­teurs mobiles, dans l’in­dus­trie de la santé, que la mise en concur­rence n’ar­rive pas toujours aux mêmes objec­tifs et que quand elle a des effets posi­tifs, ils sont géné­ra­le­ment sur le prix et pas sur la garan­tie d’ac­cès à tous ou sur l’as­pect public de l’ac­ti­vité.

On notera d’ailleurs que les deux para­graphes suivants montrent bien la volonté de ne lais­ser personne de côté. Cette volonté s’ac­com­pagne diffi­ci­le­ment des mini­mums vieillesse ou handi­cap. Âgé, l’en­ga­ge­ment de l’état se réduit désor­mais à 388 € par mois pour se loger, se nour­rir, sa santé (en âge de vieillesse), se chauf­fer, mais aussi « bête­ment » la vie quoti­dienne avec l’ha­bille­ment et la commu­ni­ca­tion avec l’ex­té­rieure. Même en rédui­sant toute acti­vité à la simple attente devant la télé­vi­sion, on imagine mal comment consi­dé­rer cela comme un moyen conve­nable d’exis­tence en France où les studios de 9 m² pari­siens premier prix dépassent les 400 €.

Il est toute­fois inté­res­sant de remarquer que ces décla­ra­tions sont toujours d’ac­tua­lité puisque même si elle ne les reprend pas in extenso, la consti­tu­tion de la Vème répu­blique du 4 octobre 1958 fait expli­ci­te­ment réfé­rence aux prin­cipes cités ci-dessus du préam­bule de 1946 (la graisse est toujours de moi) :

Le peuple français proclame solen­nel­le­ment son atta­che­ment aux Droits de l’Homme et aux prin­cipes de la souve­rai­neté natio­nale tels qu’ils ont été défi­nis par la Décla­ra­tion de 1789, confir­mée et complé­tée par le préam­bule de la Cons­ti­tu­tion de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs défi­nis dans la Charte de l’en­vi­ron­ne­ment de 2004.

Il semble qu’on ait un peu oublié ces prin­cipes fonda­teurs à force de faire des réfé­rences au lieu de les citer expli­ci­te­ment. Peut être serait-il temps de repen­ser notre pacte social à l’heure de l’in­di­vi­dua­lisme.


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Commentaires

Une réponse à “Préam­bu­la­toire”

  1. Avatar de Albert

    C’est un plaisir de parcourir votre blog…
    Entrepreneur « par nature et nécessité », je n’ai pas non plus de « visée bolcheviques » ;-) mais comme vous, il me semble que notre système économique et politique va à l’encontre de ce préambule.
    Pour aller dans le sens de votre réflexion, connaissez-vous ce billet de Thierry Crouzet : http://blog.tcrouzet.com/2012/03/05/nationalisons-google-et-facebook/ ?

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