Puisque le sujet refait surface, voici un peu d’explications :
La gestion des droits
Le libraire obtient les droits de vente avec toute une série de droits attachés à chaque titre. Pour faire simple ça dit sur quels pays on a le droit de vendre. La date de publication (à partir de laquelle on a le droit de vendre), le prix (parfois imposé de par la loi) et la devise sont potentiellement différents pour chaque pays. En fait on pourrait même avoir, pour des raisons de droits, une illustration de couverture différente par pays.
À partir de ça le libraire a l’obligation contractuelle (voire légale pour ce qui est du prix) de vérifier l’adéquation de ces informations avec la vente à venir. En résumé : savoir à quel pays affecter la vente.
On en arrive à des situations comme celle de Jérôme :
amazon fr est inaccessible depuis l’étranger. Revenu en france, ma kindle n’acceptait que le store australien..
La vente par le libraire
En France, on impose aux libraires indépendants une triple vérification. Pour pouvoir vendre sur la France, il faut trois conditions cumulatives :
- L’adresse de facturation du client est en France
- L’adresse IP du client est affectée à la France
- Le moyen de paiement est français, plus exactement la carte bancaire est délivrée en France
Si un des trois ne correspond pas, la vente n’est pas française et le libraire doit la refuser.
Bien entendu c’est difficilement compréhensible pour le client, surtout s’il est en vacances à l’étranger. Ne parlons même pas de celui qui a une adresse IP non reconnue par la base de géolocalisation, ou un moyen de paiement peu classique qui est enregistré à l’étranger.
Le pire c’est le pays de la carte bleue qui n’est connu qu’après l’autorisation de paiement, ce qui implique d’annuler la transaction après la saisie du numéro de CB. Autant dire que ça passe difficilement pour le client.
Vous noterez qu’un français en vacances au Maroc ne peut pas acheter de livre numérique, pas plus qu’un expatrié espagnol en France pour longue durée mais qui a sa visa affectée à son pays d’origine. Avec ces règles ces gens ne pourront pas plus acheter au Maroc ou en Espagne : Ils ne pourront pas acheter, point.
Pour certains libraires il est au final carrément plus simple de ne vendre que dans leur pays d’origine plutôt que de s’amuser à composer dans une multitudes de pays pour un rapport bénéfice / coût discutable. Tous ont adapté leur architecture pour tenir compte du système imposé, au prix des situations comme celle de Jérôme en début de billet, même ceux qui ne subissent pas totalement ce triple critère.
Encore de la gestion des droits
Le libraire n’est pas coupable ici. Il ne prends pas toujours la meilleure solution, mais il n’en a que des mauvaises à son arc.
Tout ça est imposé par l’éditeur, mais ne lui jetons pas la pierre trop vite non plus :
Déjà l’éditeur lui-même obtient peut être les droits uniquement pour la France à partir d’un agent ou d’un éditeur étranger (on vend plus cher un droit exclusif pour chaque pays indépendamment qu’autant de droits non exclusifs où personne n’est garanti de quoi que ce soit). Bon gré mal gré, il a lui-même l’obligation de faire respecter les droits géographiques.
Quand ce n’est pas lui qui achète les droits à des tiers, il se réserve potentiellement la possibilité de les revendre. C’est important pour son business et la rentabilité de ses investissements : Tous n’ont pas un circuit de vente international. Le tiers lui demandera des droits exclusifs, ce qui implique forcément d’imposer tout de même ces restrictions géographiques.
Bref, c’est tout le système qui fonctionne comme ça historiquement, parce que pour des livres papier ce n’est pas totalement idiot, et parce que les droits numériques accompagnent généralement les droits papier. Il faut plus qu’un peu de bonne volonté pour changer les choses.
Même quand l’éditeur dispose bien des droits monde, les prix dans certains pays sont gérés par la loi : En France le libraire doit vendre au prix fixé, ni plus ni moins. Sauf à ce que le prix soit strictement identique partout – en faisant attention aux conversions de devise et en niant la réalité économique du marché local et du niveau de vie de chaque pays – on en revient encore à devoir vérifier très strictement le pays de chaque vente.
Aussi dommage que ça puisse être, le marché a évolué ainsi. Aujourd’hui les éditeurs sont autant coincés là dedans que les libraires, les auteurs et les lecteurs.
On peut espérer voir des assouplissements dans les conditions (par exemple valider deux critères sur les trois, ou accepter un déplacement hors de France occasionnel pour un client français préexistant), mais le fond du problème ne disparaitra pas sans passer par le législatif, probablement au niveau européen.
Que faire ? discuter avec votre député, français comme européen.
Dernière note : Pour plein de raisons, la situation des vidéos est probablement différente, particulièrement en ce qui concerne les vidéos en ligne type Youtube, et ce même si les effets visibles du grand public sont similaires.
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