L’in­for­ma­tion dans la démo­cra­tie et en France

Voilà, je veux ça en France.  Je ne parle pas d’une maigri­chonne loi qui demande l’ac­cès public à tous les docu­ments admi­nis­tra­tifs mais dont on n’ap­plique que le strict mini­mum en privi­lé­giant toujours les ques­tions de secret indus­triel, de vie privée, de raison d’état, de secret diplo­ma­tique, et qui en devient quasi­ment anec­do­tique.

Je veux un accès public érigé en prin­cipe fonda­teur essen­tiel à l’exis­tence même de l’au­to­rité publique en démo­cra­tie. Quelque chose qui demande un inté­rêt public primor­dial et excep­tion­nel pour pouvoir y faire oppo­si­tion.

Dans d’autres pays le citoyen peut deman­der et obte­nir dans l’heure jusqu’aux notes de frais d’un repré­sen­tant de l’état. Si ça peut paraître anec­do­tique, c’est surtout le reflet de l’idée que l’état appar­tient aux citoyens et que tout ce qui est fait en son nom doit lui être acces­sible et contrô­lable.

Les pays nordiques sont par exemple connus pour être des passe­relles qui permettent d’ac­cé­der aux docu­ments euro­péens, simple­ment parce que si ça a été commu­niqué aux repré­sen­tants locaux, c’est acces­sible à leurs citoyens.

Chez nous, on en est loin

De notre côté la volonté est bien marquée sur l’ab­sence de commu­ni­ca­tion au public. C’est au point que la France s’est faite remarquer avec d’autres pays par le parle­ment du Royaume Uni pour bloquer systé­ma­tique­ment la publi­ca­tion des comptes rendus impor­tants des réunions inter­gou­ver­ne­men­tales.

Je me rappelle le cas d’une étude de 2003 sur l’im­pact d’un soja trans­gé­nique Monsanto sur des rats commu­niquée à l’au­to­rité euro­péenne de sécu­rité des aliments. Cette étude a fait l’objet de lourds débats sur son contenu et son inter­pré­ta­tion. L’ac­cès a été refusé initia­le­ment. Passée par la CADA, Corinne Lepage avait reçu des milliers de pages impri­mées sur une étude de 93 … sur les vaches. Après nouvelle demande, le docu­ment a été refusé pour proté­ger les secrets indus­triels de Monsanto. Le docu­ment a fina­le­ment été obtenu grâce à la justice alle­mande.

Chez nous, bien que nous ayons une loi sur l’ac­cès aux docu­ments admi­nis­tra­tifs, le secret est quasi­ment le défaut quand aucun texte légis­la­tif ou régle­men­taire n’im­pose spéci­fique­ment le contraire. Les insti­tu­tions bloquent géné­ra­le­ment les demandes de ceux qui veulent aller plus loin.

La CADA permet parfois de faire appliquer son droit, mais on l’a aussi parfois vu trop faci­le­ment donner consi­dé­rer que le moindre inté­rêt tiers fait obstacle à ce droit d’ac­cès géné­ral. Même quand la déci­sion est posi­tive il faut deman­der un accès, se le voir refu­ser ou attendre un ou deux mois l’ab­sence de réponse, puis deman­der l’in­ter­ven­tion de la CADA qui peut répondre en 40 jours, avant de mettre en pratique cette déci­sion et obte­nir de mauvaise grâce une tonne de papier impri­mée et livrée à nos frais. À cela il faut ajou­ter que la mise au secret géné­ra­li­sée ne permet pas au citoyen de connaître l’exis­tence des docu­ments utiles, et donc d’en deman­der l’ac­cès. Nous sommes loin d’un accès effec­tif aux docu­ments.

Les insti­tu­tions n’agissent plus au nom du citoyen mais à la place de celui-ci, qui n’a pas de raison d’être informé des moti­va­tion ou du fonc­tion­ne­ment interne. Certains se battent encore pour pouvoir enre­gis­trer les débats publics des conseils muni­ci­paux, ou pour collec­ter des infor­ma­tions sur les débats publics natio­naux mais il n’y a pas de culture de commu­ni­ca­tion et d’ou­ver­ture de la part des insti­tu­tions et des élus. C’est vrai loca­le­ment comme au niveau natio­nal. La peur et la volonté de contrôle dominent.

L’exemple le plus frap­pant de c’est quand la possi­bi­lité pour une auto­rité admi­nis­tra­tive de publier ses avis ou faire des commu­niqués publics est vu comme une arme excep­tion­nelle. Ces choses sont telle­ment rares et vues comme dange­reuses qu’on les consi­dère comme l’arme atomique : de la dissua­sion.

La trans­pa­rence est essen­tielle à la démo­cra­tie

Pour­tant la trans­pa­rence des insti­tu­tions et des élus est essen­tielle au fonc­tion­ne­ment même de la démo­cra­tie. Il ne faut pas que cela se limite aux actions et aux docu­ments finaux. C’est toute la démarche, les moti­va­tions et les docu­ments inter­mé­diaires qui mènent à ces actions qui permettent au citoyen d’opé­rer son contrôle.

S’il peut être vu comme légi­time d’avoir un espace un peu plus libre sans caméra, cet espace doit être réduit au strict néces­saire pour faire émer­ger les débats. La suite, y compris les docu­ments de services, admi­nis­tra­tifs, et de fonc­tion­ne­ment, doit être acces­sible. Les secrets parti­cu­liers doivent être limi­tés, essen­tiels, contes­tables, et propres aux inté­rêts natio­naux fonda­men­taux, pas à de simples inté­rêts écono­miques.

Cette dispo­ni­bi­lité ne doit pas être comme actuel­le­ment qu’un prin­cipe géné­ral mais un droit effec­tif avec des délais raison­nables, des index, et dans l’idéal une publi­ca­tion par défaut, élec­tro­nique­ment.

Si au moins nous voulions montrer notre bonne foi, nous pour­rions déjà donner une immu­nité à tout fonc­tion­naire qui publie­rait ou divul­gue­rait un docu­ment léga­le­ment acces­sible, qui révèle une viola­tion de la loi, qui ouvre sur une instruc­tion judi­ciaire, ou qui révèle un fonc­tion­ne­ment anor­mal des insti­tu­tions. Reste bien entendu exclus tout docu­ment secret défense.

Déjà nous aurions un climat plus sain, et ce qui doit sortir sorti­rait un peu plus faci­le­ment, impo­ser dès demain une réforme de grande ampleur sur la gestion des docu­ments.

L’inde, la Suède, Les États Unis d’Amé­rique, la Bulga­rie, la Rouma­nie, le Royaume Uni avancent sur ces ques­tions. Pourquoi pas nous ?

Voire aussi le site Liberté d’in­for­mer et l’ar­ticle de Rue89 Et si on pouvait accé­der aux infor­ma­tions de l’ad­mi­nis­tra­tion ?


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