Petite polémique entre Rue89 et Alain Lipietz. Le premier publie un article après un déjeuner en tête à tête avec le second. Alain Lipietz réagit en considérant qu’on a trahit ses propos et manqué de déontologie. Le rédac chef s’exprime à son tour pour défendre le papier publié.
Je vous conseille de lire les deux derniers. Le premier article n’a lui-même que peu d’intérêt dans l’histoire. Personnellement c’est le dernier qui me fait réagir.
Il est difficile de pouvoir juger quoi que ce soit, faute d’avoir été présent au déjeuner, d’avoir vu les notes de la journaliste, ou d’avoir lu la version envoyée avant publication à Alain Lipietz. Toutefois, dans la réponse du rédac chef, je vois trop de choses contestables pour accepter la position de Rue89.
La mise en relecture n’appartient pas au passé
Notre journaliste a fait relire à l’intéressé une première mouture de son article, pour qu’il vérifie les citations, une pratique héritée des « vieux médias » et que, personnellement, je trouve condamnée à disparaître.
Je n’ai personnellement subit que deux interviews sérieuses, assisté à deux autres. Les quatre fois les propos ont été totalement trahis, voire transformés. Les quatre fois c’était pourtant probablement de bonne foi.
Le journaliste peut mal comprendre, mal interpréter, mal retranscrire, ou simplement reformuler sous des termes qui ont des implications différentes. Si l’objectif est de rapporter des propos privés dans le cadre d’un échange voulu, la relecture est indispensable.
Il n’y a rien dans le passage des « vieux » medias aux « nouveaux » médias qui justifie la disparition de cette pratique. Ce n’est pas une question propre au papier, ou d’égards face au politique, c’est une simple question de vérifier ce qu’on retranscrit quand on écrit au nom d’un autre.
Une interview n’est pas comme un article d’analyse
Rue89 garde sa liberté de parole et de ton. Si la journaliste pense qu’Alain Lipietz visait Cécile Duflot sans la nommer, elle peut l’écrire. Maintenant on parle alors d’une analyse ou d’une opinion, pas d’un propos rapporté.
C’est toute la différence entre un article d’analyse ou d’opinion et un compte rendu d’interview. Dans une interview, on rapporte des propos sous le nom de l’interviewé. L’important est ce qu’il a souhaité exprimé. Quand bien même il aurait fourché (ce qui ne semble pas être le cas), alors le propos en question doit sortir de la citation pour être mis dans un récit du journaliste.
Ici l’équipe de Rue89 a interprété les propos, consciemment. Cela n’aurait pas du être fait dans une interview, et encore moins dans une citation. En présentant cette citation en titre on lui donne la force de l’idée directrice d’Alain Lipietz, ce qui semble à priori ne pas être le cas même dans le récit de la journaliste.
D’ailleurs, il semble que le déjeuner n’était pas fait à l’origine pour être une interview mais que l’interview était prévue pour plus tard. Rien que ça est pour moi un problème, parce qu’une discussion rapportée n’est pas identique à une interview à base de citation. Ne pas être clair sur l’objet des rencontres, c’est au mieux maladroit.
Une citation n’a pas à être interprétée
Le rédac chef a voulu jouer la petite phrase qui fait le buzz. Je ne dis pas que l’interprétation était de mauvaise foi, mais ce n’est plus une citation.
Si la rédaction de Rue89 pensait vraiment que le « ils » faisait référence à Cécile Duflot, libre à eux de le préciser dans l’article, en tant que récit de la journaliste. Il aurait été clair de qui a dit quoi. La polémique n’aurait probablement pas eu lieu (ou du moins pas telle quelle). Rien ne méritait que la citation soit modifiée, rien ne le justifiait à part faire un titre qui buzz.
En étant plus souple on peut envisager de modifier la citation, mais dans ce cas il y a un usage des plus habituels en sortant le nom concerné des guillemets, ou au pire en le mettant entre crochets. Là aussi le lecteur aurait pu voir la différence, et nous aurions eu plus d’honnêteté.
Ici on modifie ce qu’il y a dans les guillemets. Le fait d’ailleurs de mettre ces guillemets dans le titre, ce qui est assez rare, leur donne encore plus de force en tant que citation. Ce n’en était pas tout à fait une. Rue89 : Cela aussi était une erreur.
Amender l’article
Mais la faute la plus grave selon moi c’est surtout d’avoir laissé l’article d’origine tel quel. Rien ne le justifie. Sortir ce « Cécile Duflot » du guillemet, remettre la citation d’origine, cela n’aurait finalement pas dénaturé l’article et n’aurait pas été un petit arrangement entre ami mais simplement plus de transparence.
Au pire la mention en début d’article de la polémique ou de la désolidarisation d’Alain Lipietz aurait été nécessaire. Ne pas oublier : Dans une interview on parle au nom de quelqu’un. Quand ce dernier ne s’y retrouve pas, le minimum est de le préciser.
Je croyais que le propre des nouveaux média était justement la transparence et les liens. Elle est où la transparence là ? Ils sont où les liens de suivi sur l’article d’origine ?
Rue89 : Vous êtes certainement de bonne foi, peut être aussi qu’Alain Lipietz regrette de s’être exprimé trop librement ou trop explicitement, mais ce qu’on voit de l’extérieur c’est vos erreurs et maladresses, et vouloir les nier est un réflexe qui ne vous honore pas.
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