Moi, citoyen, je voterai pour un candidat à l’élection présidentielle qui prendra les 10 engagements suivants : https://t.co/yAFtkn1Tut pic.twitter.com/osk2cFOl84
— Anticor (@anticor_org) 11 février 2017
Je suis embêté. Je m’apprêtais à appuyer l’initiative mais en fait j’ai deux désaccords sur 10 points, et ça fait beaucoup.
J’ai un problème avec le 1– pas de casier et le 3– fin de l’immunité.
Avant d’argumenter pour les deux, j’aimerais mettre un peu de contexte avec les paroles attribuées au Cardinal Richelieu « Qu’on me donne six lignes écrites de la main du plus honnête homme, j’y trouverai de quoi le faire pendre. »
- instaurer comme condition d’éligibilité à toutes les élections l’absence de condamnation inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire ;
Je me rappelle tous ces députés qui un jour on dit « oui, moi aussi j’ai déjà fumé un joint ». Techniquement c’est de l’usage illicite de stupéfiant. Une telle mesure devrait leur interdire de siéger. La seule différence c’est qu’ils n’ont pas été pris ou poursuivis.
Je ne crois pas qu’il faille empêcher quelqu’un de représenter le peuple parce qu’il a fumé un joint, ni parce qu’il a été condamné pour outrage et rébellion dans une manifestation passée. On sait combien c’est facile d’en être la cible quand on n’est pas déjà quelqu’un.
Je ne crois pas non plus qu’il eut fallu par exemple empêcher José Bové d’être élu national sous prétexte qu’il a démonté un Mac Do lors d’une opération de protestation.
Pire : À l’heure où François Fillon tente de s’accrocher aux branches en accusant ses adversaires de vouloir le disqualifier, vous imaginez si n’importe quel délit mineur pouvait rendre inéligible ? Nous transgressons tous la loi sur un point ou un autre. Tous, sans exception. Il suffirait que l’exécutif force un peu la main pour cette fois réellement exclure un gêneur. Même si ça parait peu probable, je ne veux pas ouvrir cette voie au futur.
l’instauration d’une nouvelle clause d’éligibilité, faisant de l’absence de toute condamnation pour des délits ayant trait à la gestion de l’argent public un préalable à toute candidature
Cette formulation de la présidentielle de 2012 était bien plus légitime. Pour faire bonne mesure je n’aurais pas été contre y ajouter les abus de bien sociaux ou d’autres délits liés au pouvoir et au détournement de responsabilités. Ce sont là des délits graves, et surtout pertinents vis à vis de l’exercice du pouvoir public.
Je suis furieux parce que cette année ils s’adonnent au populisme et surfent sur la défiance envers les élus. Ce n’est pas ce que j’attends d’une association aussi importante.
Si on veut vraiment pousser la probité on pourrait aussi imposer la publication du casier des candidats, la totalité cette fois. À chacun de justifier son passé ou de démontrer que justement c’est du passé mais on n’handicape ainsi ni la représention ni la résilience face aux abus du pouvoir en place.
- supprimer l’inviolabilité dont bénéficient le Président de la République et les parlementaires (qui leur permet de ne pas être poursuivi pendant la durée de leur mandat, même pour des actes étrangers à l’exercice de leurs fonctions)
Petit aparté : L’immunité parlementaire est double. Irresponsabilité et inviolabilité. Contrairement à ce que laisse entendre Anticor, l’irresponsabilité ne concerne que les actes dans l’exercice de leur fonction (c’est à dire quasiment que leur présence à l’Assemblée ou au Sénat). L’inviolabilité empêche les mesures coercitives pendant leur mandat mais, contrairement à ce que laisse entendre le texte d’Anticor, n’empêche pas forcément d’être mis en examen, ni même d’être condamné. S’il y a condamnation à de la prison, ça attendra juste la fin du mandat.
Celui là est plus théorique mais il me semble encore plus dangereux pour la démocratie (oui, rien que ça).
L’immunité présidentielle c’est empêcher que, même justifiés, des faits mineurs ne puissent mettre tout le pays en difficulté via la mise en cause de son représentant. Injuste ou pas, ça me parait important et assez peu cher payé. Je n’ai pas en tête de cas où ça ait été un problème majeur.
L’irresponsabilité parlementaire dans l’exercice de ses fonctions est aussi une liberté essentielle au fonctionnement des institutions. Vous imaginez qu’un député soit incapable de parler de terrorisme ou de la loi sur l’apologie du terrorisme sans être accusé d’apologie ? moi pas. La liberté de parole protégée par l’immunité est essentielle au fonctionnement parlementaire.
Plus loin, on touche aussi à la séparation des pouvoirs et à la résilience du système républicain.
On permet que l’exécutif, qui contrôle les forces de police et les procureurs, ne puisse empêcher un parlementaire de faire son travail. On évite que n’importe quel policier puisse enclencher arbitrairement une garde à vue ou un contrôle d’identité et bloque le parlementaire pendant un vote ou une déclaration. Si ça vous semble ridicule c’est que vous n’écoutez pas assez l’actualité internationale.
On permet plus généralement que le judiciaire ne puisse inquiéter les représentant de la nation, de même que l’inamovibilité des magistrats les protège contre les pressions de l’exécutif.
Malgré toutes les polémiques on vit ajourd’hui une démocratie apaisée. Ça n’a pas toujours été le cas. Certains ont tendance à oublier que nos grand-parents ont connu d’autres temps, que d’autres pays les vivent en ce moment, et que rien ne nous permet d’écarter des jours moins heureux en France dans le futur.
J’aimerais qu’on évite de jeter nos assurances pour l’avenir juste parce que les risques ne semblent pas se réaliser dès la semaine prochaine.
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À noter que dans les deux immunités ont des mécanismes si jamais son bénéficiaire est en roue libre.
La justice peut demander une levée de l’immunité parlementaire. Elle est décidée par les pairs du concerné (Assemblée nationale ou Sénat). Contrairement à ce qu’on peut imaginer… ça arrive. Il y a eu huit levées d’immunité sur la mandature actuelle.
Pour rappel, l’inviolabilité n’empêche pas par principe les poursuites ou la condamnation. Il est très difficile d’imaginer un refus de levée d’immunité pour un parlementaire officiellement condamné.
Pour le Président il y a des possibilités d’empêchement et de destitution. C’est plus difficile, mais ce n’est pas une mauvaise chose.
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