Je ne comprends même pas comment on peut être contre l’existence d’Israël aujourd’hui.
Je connais trop peu les discussions préalables à la création de l’État d’Israël pour savoir si c’était la meilleure solution. Je ne prétends certainement pas en avoir de meilleure. Tout ça est une question d’historien. Peu importe donc, je m’occupe du présent.
Aujourd’hui le pays existe. La nation et le peuple qui le sous-tendent aussi. Comment peut-on nier le droit à l’existence de ce pays et l’autonomie de ses habitants ?
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Pour autant je ne reconnais aucun droit à. Peu importe l’histoire ancestrale, peu importe les aspirations, les croyances ou les textes religieux, je ne crois pas au droit de certains de s’installer sur des terres au détriments d’autres peuples.
Je ne reconnais droit ni à Israël ni aux juifs ni aux sémites dans leur ensemble de continuer la colonisation au delà des frontières d’Israël. On peut discuter de la position des frontières mais on peut difficilement contester qu’aujourd’hui il y a encore une politique d’occupation et de colonisation active en partie au nom du droit aux terres ancestrales.
Mon CNRTL chéri lui donne le temre de sionisme [mouvement politique et religieux […] visant à l’instauration d’un Foyer national juif sur la terre ancestrale].
Aujourd’hui le sionisme ce n’est plus l’existence d’Israël. Ça c’est le passé. Aujourd’hui c’est la colonisation et l’occupation.
Et donc, bien que sachant ces questions très complexes et absolument pas binaire, je refuse la colonisation et l’occupation, je refuse ce qui constitue le sionisme aujourd’hui.
Ça ne remet pas en cause l’existence d’Israël en tant que pays. Ça ne remet pas en cause l’existence d’Israël en tant que foyer juif (je ne suis ni juif ni israëlien, aux premiers de décider ce qu’ils reconnaissent ou pas comme foyer et aux seconds de décider souverainement si leur pays continue de s’associer à une religion et à laquelle).
Ça remet en cause le droit à, la légitimité divine ou ancestrale, celle qui fait passer certains au dessus des autres.
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#Veldhiv « Nous ne céderons rien aux messages de haine, à l’antisionisme, car il est la forme réinventée de l’antisémitisme » – Macron pic.twitter.com/f3FkIewqWW
— franceinfo (@franceinfo) 16 juillet 2017
Et donc oui, cette déclaration me gêne énormément car elle semble m’interdire de remettre en cause le sionisme d’aujourd’hui, celui de la colonisation et de l’occupation.
En bon apathéiste, les croyances religieuses m’indiffèrent. Elles ne sont pour moi ni plus ni moins légitimes ou importantes que les croyances politiques ou plus généralement les croyances et choix de vies de chacun. Tout au plus elles s’accompagnent aussi d’une culture et potentiellement d’un sentiment de nation, mais c’est aussi le cas de croyances non-religieuses.
Je n’ai jamais cru qu’un peuple ou une culture était hiérarchiquement au dessus d’une autre et je suis fondamentalement attaché tant à la liberté de croyance qu’à la liberté de culte.
Je ne vois pas en quoi refuser la légitimité d’un droit à des terres pour motif divin ou ancestral (le sionisme) et les actions qui sont menées aujourd’hui au nom de ce droit, reviendrait à avoir de la haine ou de la discrimination envers un peuple ou une religion (l’antisémitisme).
Par amalgame j’ai l’impression à la fois que non seulement on me refuse le droit de critiquer et refuser les actions faites au nom du sionisme cette décennie, mais qu’en plus, faisant cette déclaration lors de la célébration du vél d’hiv, on cherche à m’associer à ce passé atroce.
Je trouve ça indigne, honteux ; plus que ça mais je n’ai pas les termes adaptés.
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Tout le problème des termes. D’une part parce que visiblement certains associent le sionisme uniquement à la création d’Israël en y dissociant toute la politique moderne qui pourtant vient de la même aspiration. D’autre part parce que on CNRTL chéri – toujours lui – me rappelle que le terme antisionisme a été historiquement un autre terme pour la haine des juifs.
Je pense avoir légitimement le droit de pas soutenir le sionisme, mais pas de me dire antisioniste puisque ça veut dire autre chose. J’ai l’impression d’être pris dans le même amalgame que plus haut, mais sans ici pouvoir même le contester. Faut-il que je me dise contre-sioniste ? a-sioniste ?
On me dit que je suis simplement contre la colonisation. C’est vrai, en partie, mais ce serait nier que je suis contre le fondement de cette colonisation, contre l’idée même que le mouvement qui le fonde puisse y donner une légitimité ou un droit. Vouloir le réduire à une opposition à la colonisation c’est considérer que le droit à la terre ancestrale ne peut être contesté, qu’il est justement divin et qu’on ne peut que discuter de comment il est appliqué. Ça ne me va pas non plus…
Je ferme les commentaires. Vous êtes les bienvenus à en discuter avec moi en privé, et ça a été fait de façon tout à fait productive avec certains, mais je ne veux pas avoir à modérer les dérapages d’inconnus, qu’ils soient d’un bord ou de l’autre, ni justement donner un espace aux anti-sémites divers.
Bien évidemment, comme toujours, je me réserve aussi le droit de changer d’avis, de me rendre compte qu’il y a des choses que je ne connais pas qui sont à prendre en compte.
Commentaires
Une réponse à “Israël, sionisme et antisionisme”
Je me rends compte que je me suis fait avoir. On m’a plusieurs fois posé la question « mais es-tu pour l’existence d’Israël ? » et je me suis senti obligé de donner mon opinion en début de billet.
En réalité : peu importe. La création d’Israël a déplacé des peuples. Des guerres s’en sont suivies. Aujourd’hui nous avons encore des morts et des territoires qui souffrent.
Si quelqu’un pense que la création d’Israël a été une erreur à cause de tout ça, je peux voir en quoi ça le rend opposé au sionisme, je ne vois toujours pas en quoi ça le rend forcément antisémite malgré cette opinion.