Eutha­na­sie, Suicide

Le sujet est lourd, et je sais que ma posi­tion va être diffi­cile à comprendre pour ceux qui n’y ont jamais été confron­tés.

Je vais quand même essayer parce que le sujet revient sur le tapis.

Un utilisateur de fauteuil roulant remarque que le bureau du Programme de prévention du suicide est inaccessible, alors que le bureau de l'organisation d'aide au suicide a une rampe pour fauteuil roulant

[L’eu­tha­na­sie] touchera en premier les plus fragiles, les plus précaires, ceux qui si rien ne change seront atteints d’une mala­die « en phase avan­cée » comme une sclé­rose en plaque ou un cancer et qui se sentant un poids pour leur proche (la culpa­bi­lité est une des compo­santes majeures de la dépres­sion non pris en charge) préfè­re­ront en finir de manière préma­tu­rée.

Je le répète : c’est le Rubi­con qu’on s’ap­prête à fran­chir #FinDeVie #Eutha­na­sie

Dr Jérôme Barrière, Twit­ter, 17 mai 2024

Alors oui, il serait temps qu’on évite de consi­dé­rer la fin de vie comme une solu­tion poli­tique à l’ab­sence de vie digne. Il y a effec­ti­ve­ment un vrai danger à ce que ça puisse retar­der la mise en œuvre des mesures fortes pour assu­rer des vies dignes.

Je ne minore pas ce danger, mais alors pas du tout. Si en plus on faci­lite certaines caté­go­ries parti­cu­liers comme les handi­ca­pés et les malades, le tout peut effec­ti­ve­ment prendre un tour d’eu­gé­nisme.

Il s’avère qu’en paral­lèle, aujourd’­hui cette posi­tion de prudence revient à inter­dire aux concer­nés une porte de sortie, à leur renier leur propre liberté de choix fonda­men­tale, celle de conti­nuer à vivre ou non. Entre temps ça revient à leur impo­ser de souf­frir, faute d’être dans un monde idéal qui assure une vie merveilleuse à tous.

Si vous êtes convaincu avec un fort niveau de confiance qu’on va avoir ce monde idéal très rapi­de­ment, ok. Si c’est plus complexe que ça, vouloir restreindre les projets de fin de vie ne résout rien : vous reti­rez juste une option, soit disant pour le bien des tiers, mais en réalité pour tranquilli­ser votre propre bonne conscience.

Et même alors, chacun vit sa situa­tion diffé­rem­ment. Toutes les assis­tances que vous imagi­nez ne chan­ge­ront pas le choix de certains (et pas forcé­ment ceux que vous imagi­nez, je ne parle pas forcé­ment des grave­ment malades incu­rables ou des handi­caps extrê­me­ment lourds).

Vouloir du bien autres c’est une bonne chose, mais ne déci­dez pas pour eux, ne leur impo­sez pas les vôtres juste pour être à l’aise avec votre bonne conscience. Ils sont légi­times à faire leur propre choix, qui n’est pas forcé­ment celui que vous jugez perti­nent ou que vous espé­riez.

Je n’ai pas la solu­tion idéale. J’ai­me­rais bien. Mon vécu m’in­cite toute­fois à ne pas fermer des portes faute d’avoir la solu­tion idéale. C’est trop facile de le faire en n’ayant jamais été en posi­tion de réflé­chir à ce choix pour soi ou pour ses proches.


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Commentaires

2 réponses à “Eutha­na­sie, Suicide”

  1. Avatar de Rossignol
    Rossignol

    Mon inquiétude sur le sujet n’est pas réellement « retar­der la mise en œuvre des mesures fortes pour assu­rer des vies dignes.»… principalement parce que je ne crois pas un instant que ça ira plus vite sans le faire. Elle est beaucoup plus sur le fait que lorsqu’on est malade et hospitalisé, on est des enfants au yeux de certains personnels soignant et si on n’est pas hyper clair dans sa tête, on peut se laisser embarquer dans des trucs qu’on n’accepterait pas en temps normal. J’ai vu une infirmière pourrir un pote parce qu’il s’était enfermé dans sa chambre avec sa femme, et une autre «me gronder» parce que j’etait pas dans ma chambre à l’heure qu’elle considérait la bonne. On était un groupe de jeunes, ça nous a pas ébranlé. Mais les quelques patients qui sortaient du quatrième étage pour fumer des clopes et avec qui on discutait avait des mots assez dur sur comment ils trouvaient que les personnels soignant les considéraient. Bref, c’est confus, et j’ai pas souvent parlé des mauvais moment de mon hospitalisation. Mais pour résumer j’ai croisé des personnels soignant excellents, d’autres moins, mais le système de santé est un rouleau compresseur dont les KPI ne sont pas «la meilleure situation pour chacun d’entre nous» (ce qui au demeurant est normal et sain). Et ça va forcement entraîner des dérives qui seront difficiles à voir.

    Quelque part, c’est un peu comme la rupture conventionnelle. C’est sain quand ça nous permet de quitter un employeur pour un projet personnel. Mais ça a aussi permit de pousser des gens à partir en ayant besoin d’appliquer moins de pression que pour les forcer à démissionner.

    In fine j’aimerai beaucoup que lorsque la question se posera pour moi, je puisse avoir de l’aide pour un suicide apaisé. Et en même temps, je sais que si demain mon grand-père se retrouve en EHPAD, sa position sur son euthanasie sera directement lié à «est-ce que les personnels soignant lui font sentir qu’il est un poids pour eux et sa famille». Et ça m’angoisse grandement.

    Donc effectivement c’est compliqué (nous voilà bien avancé :D )

    Oh, et typiquement dans :
    > C’est trop facile de le faire en n’ayant jamais été en posi­tion de réflé­chir à ce choix pour soi ou pour ses proches.

    moi, la partie «pour ses proches» m’angoisse énormément. Parce que toute la littérature et la déontologie en médecine est très claire sur le fait que la relation patient/docteur ne concerne que ces deux individus. Alors que dans les faits un certain nombre de praticiens se permettent de donner l’état de santé de leurs patients aux proches, voir même leurs demande leurs avis. Et ça me fait vraiment peur sur comment je serai traité lorsque je serai vieux.

    1. Avatar de Éric
      Éric

      Merci pour la réponse. Je comprends tout à fait.

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