Et si on faisait un système d’abon­ne­ment pour les ebooks ?

Ça fait plusieurs fois qu’on m’en parle alors je vais faire une réponse.

TL;DR: C’est compliqué, et pas forcé­ment une bonne idée

Pour avoir étudié la chose dans ma vie profes­sion­nelle passée, j’en sors très dubi­ta­tif sur la perti­nence du modèle.

Pico­rer de la musique

Nous avons tous en tête le modèle de la musique. Celui là a du sens. On explore et surtout on laisse le strea­ming en tâche de fond. Si l’ou­til sait nous faire des recom­man­da­tions perti­nentes, on va prendre plai­sir à décou­vrir de nouvelles choses. On picore aussi pas mal, en fonc­tion des liens que nous donnent les proches ou de ce qu’on entend ailleurs, des envies.

Bref, la musique est un domaine où le temps d’en­ga­ge­ment d’une décou­verte est de quelques minutes, et où on accède a énor­mé­ment d’œuvres diffé­rentes. L’abon­ne­ment prend tout son sens, il permet d’ac­cé­der à un cata­logue très large instan­ta­né­ment, sans la barrière de l’achat.

Même dans ce contexte favo­rable, l’équa­tion est diffi­cile à réali­ser. À ma connais­sance tous les services d’abon­ne­ment et strea­ming musi­caux sont défi­ci­taires. Sound­cloud a failli fermer il y a quelques jours.

Un usage diffé­rent pour le livre

Le livre, à l’in­verse, même sur une recom­man­da­tion, on prend le temps de lire le descrip­tif, on choi­sit. Peu de gens sont prêts à lais­ser la machine prendre la main et ouvrir en aveugle une recom­man­da­tion. Les trois clics néces­saires à un achat ne sont pas vrai­ment un frein dans un enga­ge­ment de lecture qui se chiffre souvent en semaines.

Il faut bien garder à l’es­prit que la plupart des gens lisent moins de 10 livres par an. À 25 livres on est déjà dans les grands lecteurs. Est-ce que vrai­ment l’abon­ne­ment a du sens pour s’évi­ter de choi­sir et ache­ter 25 livres ? ce que j’ai sondé me fait croire que non.

La ques­tion du prix

Ou plutôt si. Ce serait top, parce qu’un forfait de 10 euros par mois ce n’est pas grand chose pour un grand lecteur. Mais en même temps les éditeurs ne sont pas fous. Pourquoi donne­raient-ils accès à un forfait à 10 euros mensuels quand une nouveauté en coûte déjà le double à l’achat et qu’on parle de leur cœur de cible qui achè­te­ront de toutes façons des livres ?

Dire qu’ils sont frileux n’est pas un secret, et je les comprends.

Pensez aussi qu’en France les livres ont un prix fixé par l’édi­teur et qu’il n’est pas légal de le contour­ner. Certains éditeurs auto­risent un prix à la page pour du strea­ming, mais ça veut dire impo­ser des limites au lecteur. On n’est plus vrai­ment dans l’illi­mité. Cher et pas illi­mité donc.

Mais il existe des solu­tions

Kindle propose par exemple Kindle Unli­mi­ted, mais le cata­logue français est limité à 25 000 titres (c’est *très* petit pour du livre), très proba­ble­ment essen­tiel­le­ment de l’auto-édition Kindle. De mémoire même Brage­lonne et Imma­te­riel en sont partis, alors qu’ils sont bien plus ouverts au numé­rique que le reste de la profes­sion. Je doute de l’in­té­rêt pour le lecteur, et l’offre française sert surtout à occu­per le terrain si jamais un jour l’auto-édition y explose comme de l’autre côté de l’At­lan­tique.

Il y a aussi Youboox, qui eux proposent beau­coup de fond de cata­logue. On trouve des livres qui ne se vendent plus vrai­ment, des petits éditeurs qui n’ont rien à perdre, ou des premiers tomes de séries à succès. Ça a plus de sens d’es­sayer pour l’édi­teur parce qu’il n’y a quasi­ment aucun risque de phago­cy­ter leurs ventes habi­tuelles. Ça vient en plus. Ils ont d’ailleurs choisi un modèle free­mium, qui cadre bien avec leur cata­logue.

Enfin il existe les sites de strea­ming de bande dessi­nées. Là il y a du sens. Les usages font qu’on picore plus, que l’en­ga­ge­ment de lecture se chiffre en heure et pas en semaine comme pour un roman. Malheu­reu­se­ment les éditeurs font des clans et les quelques services se divisent un cata­logue à base d’ex­clu­si­vi­tés.

Et les biblio­thèques

La seule vraie solu­tion vient des biblio­thèques. À force de lobbying, et proba­ble­ment pour éviter qu’ils finissent par avoir le droit de prêter les livres numé­riques aussi faci­le­ment que les livres papier, les éditeurs ont fini par céder.

En papier il faut se rendre à la biblio­thèque, se conten­ter d’un cata­logue limité et attendre long­temps la dispo­ni­bi­lité de la nouveauté qu’on cherche. Pour ceux qui ont les finances, la biblio­thèque ne remplace pas les achats en librai­rie (et les autres n’au­raient de toutes façons pas acheté).

En numé­rique on peut télé­char­ger le livre depuis son canapé et la biblio­thèque n’est pas limi­tée par le nombre d’exem­plaires qu’elle peut prêter. Les éditeurs ont donc imposé des limites :

Les biblio­thèques achètent donc des licences qui leur donnent le droit de prêter un nombre de fois défini le livre qu’ils ont choisi. C’est cher, et c’est donc payé à l’acte. Les prix pratiqués me font douter que ce soit très pérenne mais comme je disais plus haut : Les éditeurs ne sont pas fous.

Entre temps, pour ceux qui cherchent de l’abon­ne­ment avec un cata­logue pas trop mauvais (bien que très limité), la biblio­thèque est proba­ble­ment la meilleure option. C’est aussi la seule qui vous permet­tra d’im­por­ter les epubs sur vos liseuses élec­tro­niques.

Mais avec des DRM

Si on parle d’abon­ne­ment on parle de prêt, et donc de DRM.

Pour Kindle, Youboox ou les abon­ne­ments de BD, ça veut dire rester dans la plate­forme d’ori­gine, avec les appli­ca­tions mobiles de la plate­forme en ques­tion. Certaines imposent même une connexion inter­net pour tour­ner les pages.

Dans le meilleur cas, sur les bilbio­thèques, vous avez des EPUB avec une DRM Adobe que vous pour­rez utili­ser sur une liseuse ouverte (TEA, Pocket­book, Bookeen, …). Dans tous les cas, sauf à ce que la biblio­thèque ait décidé d’in­té­grer les livres libres de droit (Maupas­sant, Jules Verne et plein d’autres), le DRM sera incon­tour­nable.

TL;DR

Votre meilleure option c’est la biblio­thèque muni­ci­pale. L’abon­ne­ment sera au plus de quelques dizaines d’eu­ros annuels, et vous pour­rez télé­char­ger les livres sur n’im­porte quelle liseuse élec­tro­nique un peu ouverte. Le cata­logue sera limité mais contien­dra à priori des nouveau­tés et des titres parmi ceux que vous trou­ve­rez en librai­rie.

Au delà, sauf à avoir envie de décou­vrir des auto-édités et des auteurs hors cata­logue, il ne vous restera que l’achat à l’acte, simple­ment parce que ça ne serait pas inté­res­sant finan­ciè­re­ment pour les éditeurs de vous propo­ser autre chose.


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Commentaires

2 réponses à “Et si on faisait un système d’abon­ne­ment pour les ebooks ?”

  1. Avatar de Kevin

    Personnellement, je ne demande qu’une chose, la version électronique d’un livre lors de l’achat de sa version papier.

  2. Avatar de bohwaz

    Perso le truc que j’attends c’est les bibliothèques qui te permettraient de scanner un bouquin avec un bookscanner pour pouvoir l’emporter avec toi.

    Je n’achète plus de biens matériels genre bouquin, CD, ou DVD, parce que ça finit toujours par prendre la poussière et à m’emmerder quand je déménage. Donc abo à la bibliothèque qui ont en général plusieurs trucs genre Overdrive, je dé-DRM le bouquin pour pouvoir le lire sur mon téléphone-liseuse. Pour les bouquins pas dispos en ebook (en fait il y a très très peu de bouquins en ebook c’est carrément pauvre comme offre, même les bouquins sortis cette année sont souvent pas dispos en ebook), je les scanne à la main (avec un APN) et les met en PDF. C’est un peu chiant donc je limite aux bouquins intéressants.

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