Et si on déco­dait les augmen­ta­tions annuelles ?

Crevons tout de suite la légende urbaine : La plupart des mana­gers ne cherchent pas à payer le moins possible. Ça arrive, mais ce n’est pas une géné­ra­lité.

Main­te­nant les rému­né­ra­tions sala­riales ont un impact énorme sur les finances de l’en­tre­prise. Il faut donc démon­trer la perti­nence de l’aug­men­ta­tion. À vous de le faire et voici quelques éléments.

En fonc­tion de la valeur produite

La meilleure c’est savoir ce que vous appor­tez comme valeur ajou­tée à la société. Pour tous les consul­tants et déve­lop­peurs de SSII factu­rés à des clients c’est assez simple : Si on augmente votre TJM, on devrait aussi augmen­ter votre salaire propor­tion­nel­le­ment. En fait, vu que la plupart des coûts sont fixes, votre salaire devrait même augmen­ter plus vite que votre TJM.

Deman­dez des comptes sur le prix auquel vous êtes vendus et faites la somme. En comp­tant une marge brute de 30% – ce qui est plutôt bon – votre salaire net devrait être dans les 42% de cette somme.

Bien entendu c’est une approxi­ma­tion et vous pouvez prétendre à plus dans une société qui rabote les coûts, qui fait peu d’ef­forts commer­ciaux ou qui ne vous propose pas un bureau dans ses locaux. Vous pouvez aussi être très légè­re­ment en dessous sur une société qui vous four­nit de super locaux, de très bonnes condi­tions maté­riel et vous paye des forma­tions faci­le­ment.

En fonc­tion du marché

Pour les autres c’est un peu plus compliqué. Une bonne mesure est de regar­der le marché. Idéa­le­ment regar­dez combien sont payés aujourd’­hui vos amis dans d’autres socié­tés qui ont un métier et une expé­rience proche des vôtres. C’est à ce tarif que vous pouvez prétendre.

Rien n’est compa­rable, les avan­tages et condi­tions ne sont jamais les mêmes, il n’em­pêche que ça donne une bonne idée sur laquelle vous baser.

Atten­tion si vous regar­dez les annonces d’em­ploi, il est fréquent qu’on y montre surtout les four­chettes hautes ou des entre­prises en forte demande qui sont prêtes à y mettre les moyens. Ce n’est pas forcé­ment repré­sen­ta­tif.

En fonc­tion des nouveaux arri­vés

S’il y en a, vous pouvez aussi regar­der le salaire des nouveaux recru­tés d’ex­pé­rience équi­va­lente. On ne vous remet­tra pas forcé­ment à niveau d’un coup mais il doit y avoir une volonté d’y arri­ver à terme.

Atten­tion toute­fois à regar­der le niveau attendu au moment de l’em­bauche et pas le niveau réel de la personne : S’il était prévu que le nouveau soit meilleur que vous (donc mieux payé) et qu’il se révèle moins bon que prévu, on ne peut pas augmen­ter tout le monde à cause de cette erreur d’éva­lua­tion au recru­te­ment.

En lissant une progres­sion stan­dard

Une autre possi­bi­lité est de regar­der à combien on recrute les débu­tants, à combien on pour­rait payer une personne de 10 ans d’ex­pé­rience à un poste simi­laire (déve­lop­peur, déve­lop­peur senior voire déve­lop­peur lead c’est grosso modo la même chose ; consul­tant, mana­ger ou chef de projet c’est par contre un poste diffé­rent) et de voir quel pour­cen­tage d’aug­men­ta­tion annuel corres­pond à cette progres­sion. Ajou­tez-y l’in­fla­tion de l’an­née précé­dente.

Si un déve­lop­peur junior est à 38K€ et que celui à 10 ans d’ex­pé­rience est à 51–56K€, ça nous donne à peu près 3–4% d’aug­men­ta­tion annuelle en moyenne en plus de l’in­fla­tion (ces chiffres sont arbi­traires mais je pense assez repré­sen­ta­tifs de la progres­sion de salaire des 10 premières années d’un déve­lop­peur – atten­tion : ce sera forcé­ment très diffé­rent, et souvent moins rapide, pour d’autres métiers).

Bien entendu c’est une moyenne lissée, il ne faut pas vous attendre à avoir ça chaque année. Ça pourra être plus, ça pourra être moins. J’ai tendance à penser que c’est un peu plus les premières années et les années où on commence à deve­nir un moteur/lead au sein de l’équipe. C’est donc un peu moins dans le milieu de la période.

Évidem­ment c’est aussi une vue qui n’est pas univer­selle. Certains appor­te­ront plus et progres­se­ront plus vite. D’autres souhai­te­ront limi­ter leur impli­ca­tion ou n’ont personne pour les tirer vers le haut et les faire progres­ser. Dans ces derniers cas on s’ar­rête sur la courbe de progres­sion et les augmen­ta­tions hors infla­tion deviennent symbo­liques. À vous de savoir si vous appor­tez signi­fi­ca­ti­ve­ment plus que l’an­née précé­dente.

Et l’état des finances de la société ?

Étran­ge­ment il ne compte pas, ou pas plus de quelques années.

Vous ne pouvez évidem­ment pas prétendre une augmen­ta­tion si la société n’a pas de quoi les finan­cer, ou si elle doit réin­ves­tir ses finances ailleurs.

Main­te­nant ce ne peut être qu’un effort tempo­raire. Non seule­ment ça ne doit pas durer, mais les augmen­ta­tions futures devront être plus impor­tantes ensuite pour reve­nir à la courbe de progres­sion normale.

Lissé sur trois à cinq ans ça ne devrait pas se voir. Si ça se voit c’est que vous êtes en train d’as­su­mer le risque de la société à la place des action­naires. Sur une star­tup, au mini­mum, ça devrait avoir pour consé­quence de vous inté­res­ser au capi­tal futur auquel vous contri­buez en rédui­sant vos préten­tions, donc de vous distri­buer (de nouveau) des BSPCE ou des actions gratuites.


Et vous ? Je vous propose une feuille de calcul pour rentrer votre premier et dernier salaire à un poste. Ça prend en compte l’in­fla­tion et vous sort l’aug­men­ta­tion annuelle moyenne sur la période.

Si vous voulez pleine confi­den­tia­lité, commen­cez par dupliquer la feuille de calcul dans votre espace person­nel avant d’y insé­rer vos chiffres


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Commentaires

12 réponses à “Et si on déco­dait les augmen­ta­tions annuelles ?”

  1. Avatar de Éric
    Éric

    Je suis curieux, si vous voulez donner votre % moyen comme indicateur pour les autres, voir si je suis dans les clous avec mon 4% en moyenne hors inflation sur les premières années d’un développeur.

    1. Avatar de fabrice31

      4,43% / an depuis que je fais uniquement des tests.
      (En euros 2016 et la formule de calcul de moyenne trouvée ici http://seslescours.free.fr/?p=1568 )

    2. Avatar de Thomas
      Thomas

      Ça serait plus facile avec une feuille de calcul où l’on rentre une date + le montant du salaire et elle trouve automatiquement l’équivalent en euros de l’époque et calcule le pourcentage. Mais j’en demande surement beaucoup ;)

      De ce que j’ai entendu après avoir eu mon diplôme, rien de vaut changer d’entreprise quand il s’agit d’augmentations. Après mon premier travail, je n’étais pas satisfait au bout d’un an et j’ai changé. Mon salaire a augmenté 21% (je partais de plus bas que la moyenne). Puis 2 ans sans augmentations. Du coup, j’ai encore changé de job, mais de pays aussi. Donc ça serait comparé des pommes et des oranges (ça se dit ?). Je suis resté 3 ans à être augmenté avec l’inflation seulement puis j’ai changé de job et mon salaire a augmenté de 23% environ. Récemment, 1ère fois où j’ai une augmentation annuelle qui est différente de l’inflation ! Sans cet article de blog je n’aurais pas fait attention mais j’ai été augmenté de 5% (super !) mais en même temps l’inflation en 2016 a été de 3.47%.

    3. Avatar de Éric
      Éric

      Comme je suis un monstre de gentillesse, j’ai fait une feuille de calcul où il n’y a qu’à entrer ses valeurs d’époque et qui calcule tout le reste : https://docs.google.com/spreadsheets/d/1khZDZ_dlUMOnUwi40DtbgVXT0AXLjub9nzQj-rWk-Ug/edit?usp=sharing

      Bien entendu, les infos que vous y rentrez seront publiques et si vous êtes plusieurs à bidouiller dessus en même temps ça risque de donner des résultats incohérents. Le plus sage est probablement de dupliquer la feuille de calcul chez vous avant de jouer avec.

      Pour les calculs :

      * Retirer l’inflation pour travailler en euros constants. Pour ça vous pouvez utiliser http://france-inflation.com/calculateur_inflation.php et calculer l’équivalent de votre rémunération de début et de fin à une date identique.
      J’ai choisi décembre 2016 comme date pivot pour voir ce que ça donnerait en euros d’aujourd’hui mais vous pouvez utiliser n’importe laquelle tant que c’est la même pour la rémunération de début et le salaire de fin.

      * Calculer le taux moyen à partir des rémunérations en euros constants. Sur Google Spreadsheet la formule c’est `=RATE(nombre d’années; 0; – rémunération de départ en euro constants; + rémunération de fin en euros constants)`

  2. Avatar de Boris

    Si je ne comprends que le salaire, euros 2010 vs. euros 2016, comparaison des salaires bruts : j’ai perdu 0,7%, tout en étant augmenté quasiment chaque année. Mais cela rejoint aussi une autre réalité : mon salaire de base, du fait de mon diplôme d’ingénieur et de qualifications difficiles à trouver dans la région, était plus élevé que celui de la plupart de mes collègues. L’autre facteur à prendre en compte, notamment dans la rémunération de la valeur produite, est le PEE. Je ne sais pas comment intégrer le PEE dans le calcul mais cela représente plus d’un treizième mois, ce qui est loin d’être négligeable…

    1. Avatar de Boris

      Et si on compare le Net, j’ai perdu 13% :/

    2. Avatar de Éric
      Éric

      Mouais, même en étant bien payé initialement, 6 ans sans augmentation par rapport à l’inflation, ça fait sec quand même. Je suis aussi étonné que tu aies perdu 13% de net si ton brut n’a quasiment pas bougé. Je ne crois pas que l’augmentation des cotisation sociales salariales ait été aussi importante.

    3. Avatar de Boris

      10% d’augmentation des cotisations sociales salariales et 14% pour la CSG non-déductible, soit à peu de choses prêt l’écart de salaire. J’ai été augmenté régulièrement pendant ces années, mais j’ai aussi touché des primes qui ne rentrent pas dans le calcul.

      C’est ce que j’essayais d’expliquer dans mon précédent commentaire : le salaire ne me semble pas être un mécanisme suffisant pour évaluer la rémunération.

    4. Avatar de Éric
      Éric

      Ah, j’aurais du parler de rémunération et pas de salaire, effectivement. Les primes et intéressements peuvent être inclus si tu veux et s’ils sont significatifs, oui.

      Après si ton fixe ne bouge pas hors inflation et que tes augmentations se font uniquement sur les primes et l’intéressement, quelque part tu es en train de porter une partie du risque qui devrait être porté par l’actionnaire. Il s’agit juste que le risque ne s’est pas réalisé (tant mieux pour tout me monde, mais le jour où ça arrive ça va faire mal).

    5. Avatar de Boris

      Oui mais malheureusement ou heureusement, l’incitation fiscale est aujourd’hui à la rémunération en risque. Un PEE bloqué cinq ans se touche ensuite à 0 % d’imposition (hors CSG-CRDS). Pas de cotisations, pas d’impôt sur le revenu. Mes « treizièmes mois » de ces cinq dernières années représentent donc bien plus encore, puisqu’un brut comparable devrait être 45 % plus élevé.

      Donc un employeur qui souhaite maximiser la rémunération de ses salariés peut aussi choisir d’avoir recours aux mécaniques d’intéressement, surtout si les salaires permettent déjà, en eux-mêmes, de vivre confortablement.

      Après, je te vois venir : l’optimisation fiscale, c’est aussi oublié ce qu’on doit à la Société. et Je suis d’accord avec toi mais libre au salarié de faire ce qu’il veut avec son argent ensuite, y compris participé davantage à la Société. On en reparle prochainement ;)

    6. Avatar de Éric
      Éric

      Utiliser les mécanismes d’incitation fiscale prévus spécifiquement pour ça, ça ne me choque pas du tout. Savoir s’ils sont intelligents c’est plus une question au niveau du gouvernement

    7. Avatar de Éric
      Éric

      Après ce qui me gênait dans tes messages ce n’est pas que tu as une proportion en intéressement mais que ton augmentation se fasse uniquement sur l’intéressement (et ça peu importe sa proportion)

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