Des règles et des délais trop courts

Une respon­sable contourne volon­tai­re­ment les procé­dures de dépense d’argent public. Ce n’est pas une erreur, c’est une faute : Elle le fait malgré les alertes d’au moins un de ses direc­teurs, puis ajoute d’autres irré­gu­la­ri­tés pour solder le précé­dent contour­ne­ment.

Bref, elle dépense et contrôle un orga­nisme public en s’af­fran­chis­sant volon­tai­re­ment du mandat et des règles qu’on lui a donné.

Ce n’est *pas* le water­gate mais ça me semble gênant pour quelqu’un a qu’on place désor­mais en posi­tion de ministre. Parce que ça concerne sa fonc­tion et son acti­vité publique, ça me semble plus gênant que ce qui a justi­fié la mise à l’écart récente de Richard Ferrand.

Si cette affaire allait jusqu’à une condam­na­tion, l’ap­pli­ca­tion pure et dure du programme de LREM rendrait notre ministre inéli­gible. Voilà à quel point c’est sérieux.

Je trouve très gênant qu’en France on s’ha­bi­tue telle­ment aux entorses publiques que tout beau­coup se résignent à l’ac­cep­ter, parce qu’il y a pire.

* * *

Ajou­tons que cet argent a servi à une opéra­tion de commu­ni­ca­tion dispro­por­tion­née, dans le milieu star­tup/entre­pre­neur tech.

Le porte-parole du gouver­ne­ment a offi­ciel­le­ment demandé à la presse de ne pas affai­blir cette respon­sable désor­mais deve­nue ministre. Rien que ça est un scan­dale mais, depuis, la presse a montré l’opé­ra­tion a été pilo­tée en partie direc­te­ment par le cabi­net du ministre de l’éco­no­mie de l’époque, désor­mais président. C’était peu avant le début de sa campagne prési­den­tielle fondée en grande partie sur le soutien de ce milieu entre­pre­neur.

Je ne sous-entends pas un grand-complot, juste un trop grande perméa­bi­lité et une mauvaise hiérar­chie entre le mandat public et la personne qui l’oc­cupe. Ce n’est pas le scan­dale du siècle, mais juste grave pour un respon­sable public.

* * *

Et non, tout ça ça ne peut pas être justi­fié par les délais trop courts.

Pour ceux qui ne savent pas, il y a des procé­dures pour écour­ter voire sauter les appels d’offre quand une situa­tion urgente le néces­site. Ce ne sont pas les procé­dures qui ont été employées.

Il aurait été ridi­cule de justi­fier en quoi orga­ni­ser une saute­rie pro-star­tup était suffi­sam­ment impor­tant pour légi­ti­mer une procé­dure d’ur­gence, mais au moins ça aurait été plus cohé­rent avec le discours.

Nous n’avons pas eu une procé­dure écour­tée de façon trans­pa­rente faute d’avoir les délais. Là tout le monde a nié avoir su, nié être impliqué, jusqu’à ce que la presse publie des extraits d’email qui démontrent le contraire.

L’ur­gence semble d’au­tant moins justi­fiable qu’à défaut d’avoir les délais, on aurait pu réduire les préten­tions à moins des 200 000 € qui justi­fient un appel d’offre public. Ça aurait été d’au­tant plus perti­nent que l’évé­ne­ment et son coût ont ensuite été décrits comme tota­le­ment dispro­por­tion­nés.

Tout ça est un choix, un choix de croire que la loi n’est là que pour embê­ter ceux qui décident et qu’on peut s’en passer, un choix de ne pas s’em­bê­ter avec les règles que le citoyen a imposé à ceux qu’il nomme aux postes de respon­sa­bi­lité publics, un choix de ne même pas essayer.

* * *

Je n’at­tends pas des ministres parfaits et sans erreur passée. Ce sont des gens comme tout le monde, et je ne connais personne de parfait.

Main­te­nant à un rôle de ce type, j’at­tends de l’hon­nê­teté dans les décla­ra­tions, un respect des règles, des précau­tions dans l’uti­li­sa­tion de l’argent public, et la capa­cité de résis­ter aux coups de force des diffé­rents cabi­nets. Visi­ble­ment on n’a rien de tout ça.

À ceux qui pensent que ça ne justi­fient pas la démis­sion d’un ministre, j’en­cou­rage à regar­der ce qu’il se passe dans d’autres pays qui prennent les mandats publics et la démo­cra­tie au sérieux.


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Commentaires

Une réponse à “Des règles et des délais trop courts”

  1. Avatar de Éric
    Éric

    Je ne peux m’empêcher d’y voir une cohérence avec ses déclarations récentes sur le code du travail qui « n’est fait que pour embêter 95% des entreprises ».

    Mettre dans des positions de responsabilité publique des gens qui croient que les règles sont optionnelles et sont juste là pour emmerder ceux qui veulent agir… ça ne peut que poser problème.

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