Ne croyez donc pas qu’ils soient incompétents. C’est faux. Ils sont compétents. Ils sont entourés de gens brillants. Ils ont été avertis, par les bonnes personnes, qu’il ne fallait pas faire ça. Et ils le font quand-même.
Toute analyse qui s’appuie sur l’idée que nos ministres sont idiots est invalide. Toute analyse qui s’appuie sur le fait qu’ils soient incompétents, ou mal informés, cherche à leur trouver une excuse qui n’est pas la bonne.
Mais alors… Alors l’analyse est plus compliquée à poser.
J’aimais bien la maxime qui disait en gros « ne cherchez pas l’intention maligne là où il peut n’y avoir que de l’idiotie ». Elle était beaucoup ressortie du temps de Georges W. Bush et elle permet de rester sur terre : Nos dirigeants font parfois des choses que nous jugeons idiotes mais c’est non seulement réfléchi mais en plus quasiment toujours avec une bonne
Donc, oui, ils ne sont pas fous, pas au sens « je fais n’importe quoi ». Le laisser croire c’est se mettre des œillères.
Non. Ils ont peur qu’on leur reproche leur inaction. Ils ont peur qu’il y ait encore des attentats, et qu’on dise que c’est de leur faute. Alors il faut bien faire quelque chose. Inutile, dangereux, totalitaire, n’importe quoi, mais quelque chose.
Ça j’y crois beaucoup. Parfois c’est d’ailleurs dit explicitement sous le ton « les français ne comprendraient pas » ou « il faut agir ». Cependant l’attaque contre le chiffrement arrive dans un espace vide, pas sous la pression. C’est le gouvernement qui amène lui-même le sujet. Personne ne lui aurait reproché de ne pas le faire.
C’est une superbe raison pour moultes interdictions et annulations, pour l’état d’urgences et bien d’autres choses. Ici ça me semble moins pertinent.
Brandir le tout sécuritaire, agiter les peurs et les haines, c’est une stratégie pour récolter les votes des gens qui ont peur.
C’est fait tous les jours, même si principalement par ceux qui ne sont pas au pouvoir – ceux qui sont au pouvoir doivent aussi rassurer pour prouver qu’ils ont agit ou que ce qu’ils font va tout solutionner, difficile exercice d’équilibriste.
Pour autant je n’y crois pas là non plus. Le sujet ne tourne pas, ne rassure pas l’électorat conservateur. Si le débat était établi, incontournable, pourquoi pas. Là ça va durer maximum deux semaines. Ça ne vaut vraiment pas le coup.
Si notre gouvernement propose de sucrer le chiffrement c’est qu’ils veulent vraiment le faire. Ce n’est d’ailleurs pas neuf.
Enfin, il reste l’angle d’analyse le plus raisonnable. Nos dirigeants veulent surveiller le peuple pour s’assurer de rester au pouvoir quoiqu’il advienne. Oh, pas forcément eux individuellement, mais leur caste.
Là on est directement dans l’intention maligne, limite dans le complot. Je ne crois pas une seconde qu’il y ait une réflexion consciente à faire un choix politique pour que le pouvoir reste aux mains d’une caste qui inclut aussi le parti d’en face.
On exclurait qui ? Le peuple ? mais il en est déjà exclu de toutes façons, par définition. Ceux qui arrivent dans le jeu politique à un niveau sérieux ne sont déjà plus « le peuple ».
Non, par contre je crois à cette distinction « nous » – « le peuple ». Quand ils coupent le chiffrement, ils n’imaginent pas une seconde que ça va les impacter eux. Le chiffrement sera encore légitime pour les services de l’État et des collectivités, pour protéger les secrets des entreprises. Leurs communications ne risquent rien. Ça ne concerne que le peuple, les autres, ceux en qui on ne peut ni ne doit avoir confiance.
On le voit facilement aujourd’hui dans les débats où l’opposition demande la fin de l’État de droit et des arrestations sans motifs. Ils n’imaginent pas un instant que eux pourraient être emprisonnés ainsi sur une simple note confidentielle d’un service sous l’autorité hiérarchique directe du Premier ministre, bref, sur simple volonté de la personne qu’ils combattent. Je crois que ça veut tout dire.
Nos dirigeants sont coupés de tout, et sont alimentés en continu d’informations anxiogènes par des hauts fonctionnaires des services de police, parfois (souvent ?) avec des visées sécuritaires ou totalitaires, typiquement Alain Bauer et ses semblables. Ça peut suffire à perdre les pédales.
Je ne nie pas qu’ils soient coupés de tout, et parfois de la réalité. Je doute que ça soit une explication de la lutte contre le chiffrement. Certes on peut s’emballer mais s’ils ont des conseillers, ils ont aussi des gens pour filtrer, trier, résumer et remettre en contexte l’information.
Si on se dit qu’ils ne peuvent pas ignorer que leur solution est erronée vu le nombre de conseillers brillants qu’ils ont, alors ils ne devraient pas non plus pouvoir perdre les pédales par simple amas d’informations anxiogènes, pour la même raison.
Le truc : écoutent-ils ces conseillers ? Ce qu’on lit régulièrement laisse plutôt à penser qu’ils écoutent un ou deux conseillers favoris, qui n’appartiennent justement pas au corps de fonctionnaires, et eux-seuls. Je me rappelle aussi cet article de presse qui relevait des propos de E. Valls disant en gros qu’il éprouvait une fierté à avoir raison seul contre tous et à mener sa politique ainsi.
Énorme égo et préjugé de supériorité monstrueux. Ça j’y crois facilement et ça casse toute l’argumentation liée aux conseillers brillants. Encore faudrait-il que ces conseillers soient écoutés et leurs avis pris en compte…
Pire, encore faudrait-il que ces conseillers ne soient pas noyés dans ceux qui se font une joie de flatter les avis de la personne au pouvoir pour faire avancer leur carrière…
Voilà ce qui me parait finalement le plus probable, parce que le plus humain et ne nécessitant aucune intention maligne : Ces gens croient avoir raison, envers et contre tous, surtout contre ces ignorants de citoyens qui ne comprennent pas la complexité et les responsabilités que eux portent sur les épaules. Égo démesuré, comportement d’une caste de privilégiés.
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