Ce soir j’ai regardé la TV, en rattrapage. Un extrait de Cash Investigation faisait plus qu’interpeler. On y voyait que le système Parafe de contrôle biométrique aux frontières laissait finalement simplement les gens passer au bout d’un moment en cas d’échec du contrôle, sans intervention d’un agent.
Le pire c’est que ça s’insère très bien dans le schéma de cette politique sécuritaire spectacle, qui sert à montrer qu’on fait plutôt qu’à faire. Si ça rejetait vraiment des gens, ça deviendrait gênant, alors j’imagine très bien le réglage volontaire « au bout d’un moment on laisse passer », ou les gardes qui ne se déplacent pas en cas de signal d’échec, parce que passent par là les gens de la classe haute, qui s’y prêtent volontairement.
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Il reste que les interviews me laissent un goût étrange. La journaliste ne lâche pas les morceaux. J’aime bien, surtout face à la complaisance des journalistes français. Mais derrière c’est le vide intersidéral. On n’analyse pas les réponses et on fait un montage qui ressemble à un scénario à charge.
Le responsable des frontières dit que le capteur des Parafe à été changé et que les paramètres ont été relevés. Ils n’arrivent pas à obtenir confirmation ou à avoir ce nouveau capteur. Étrangement là pas de nouveau test. J’en viens presque à me dire qu’ils ont tenté et échoué, mais que là on ne nous le montre pas. Ça mérite bien plus de temps d’antenne que les échecs de conversations téléphoniques pourtant.
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J’ai lâché à l’interview de B. Hortefeux. Je déteste la personne, les idées. On lui montre que son rapport présente pile l’opposé de ses conclusions. Il refuse d’y croire mais surtout avance un argument : Il faudrait segmenter en fonction de la taille des villes, la situation est forcément différente.
Franchement, je n’ai pas le rapport d’origine, et encore moins les données segmentées qui ne semblent pas être dans le rapport présenté (ou alors ce serait vraiment de la mauvaise foi de la part de l’équipe de journalistes, et là c’est moi qui ne souhaite pas y croire, pas à ce point). Par contre que les résultats de criminalité et d’évolution de cette criminalité dépendent sérieusement du type et de la taille des villes, c’est quand même tout à fait crédible. Bref, on a tous les éléments pour un paradoxe de Simpson : Une donnée qui semble donner un résultat évident mais qui démontre l’inverse quand on trouve la bonne segmentation qui a du sens.
Peut-être est-ce une dérobade mais c’est crédible, ça mérite étude et sérieux. Le problème c’est que la journaliste ne lâche pas, ne semble même pas prendre en compte le retour, et le montage de l’interview renforce cet effet. Il arrête l’interview mais ça ne menait de toutes façons à rien qu’il ait raison ou tort. Au final sa réponse ne sera pas étudiée (ou pas dans ce qui parait à l’écran).
J’ai l’impression d’un débat tronqué et d’une vision simpliste, à charge, … de la part des journalistes. Quand je repense à la première partie, je vois que tout est monté ainsi, du début à la fin. Il y a des vrais problèmes levés, mais essentiellement du cash, trop peu d’investigation, ou alors ça ne transparait pas à l’écran. Dommage, du coup ça n’a plus grande crédibilité pour moi.
5 réponses à “Cash Investigation : le business de la peur”
Et *paf* on vient de me laisser http://www.liberation.fr/desintox/2015/09/22/et-si-hortefeux-avait-raison-contre-elise-lucet_1387926 sur twitter.
Visiblement Libé donne plutôt raison à Hortefeux même en se contentant des chiffres agrégés présents sur le rapport. Là ça remet même en cause l’honnêteté des journalistes.
(Ça ne veut pas dire que ces chiffres aient du sens ou que la vidéosurveillance soit justifiée, mais ça déconstruit l’argumentation de Cash Investigation et en fait du spectacle de manipulation, justement ce qui est reproché…)
Vois-tu, il y a la desintox de la desintox : http://www.pltv.fr/fr/desintox-de-desintox-de-libe-pourquoi-brice-hortefeux-na-pas-raison/ ^^
Ah, je pense que la crédibilité des journalistes en soi n’est pas forcément remise en cause (pour l’avoir vu hier aussi, et apprécié) : il faut bien garder à l’esprit qu’on peut faire dire aux chiffres ce que l’on veut.
Par exemple, cas extrême : j’ai mis des éléphants dans ma ville, et la criminalité a baissé : donc les éléphants font baisser la criminalité.
Va savoir la part réelle de diminution de la criminalité grâce aux caméras ? (l’étude prend-elle en compte le suivi, la quantité d’humains derrière ces caméras, etc. ?)
Ceci dit, j’apprécie l’effort de Cash investigation de remettre en cause ou d’étudier/creuser des choses qui paraissent évidentes et qui ne le sont peut-être pas forcément : même si c’est imparfait, renvoyer les politiques à revoir/mesurer leurs raisonnements simplistes n’est pas une mauvaise chose, surtout en ces temps de raisonnements bêtas et populistes…
Oui, mais l’article de Libé dit ça très bien :
« » »Opposer des faits aux affirmations des politiques est assurément un des grands défis dans l’interview politique. A condition que les journalistes n’empruntent pas aux politiques leur rouerie et leur vilaine manie de piocher dans un rapport le seul chiffre qui les arrange. » » »
Salut Eric,
Que ce soit pour cette émission ou pour les autres, j’ai le même sentiment que toi sur le fait que les interviews ne donnent pas lieu à un approfondissement du travail du journaliste et sont souvent fait à charge: c’est dommage.
Mais ce qui me gène le plus, c’est que la formulation et le montage peut laisser libre court à interprétation; la semaine dernière par exemple, cela laissait sous entendre que la gestion financière des hôpitaux qui a été revue en 2007 était à l’origine du trou de la sécu.
Il faut donc ne pas laisser son cerveau au placard quand on regarde cash investigation.
Mais ils ont le mérite de faire des reportages qui sortent de l’ordinaire, qui essaient de confronter les différents acteurs.
Et puis le formalisme je l’aime bien moi :)