il s’agit juste du « moyen le plus dangereux de faire bouillir de l’eau chaude » […] Un réacteur nucléaire n’est qu’une chaudière […]. Cette chaleur, sous forme de vapeur d’eau, entraîne une turbine qui produit de l’électricité. L’énergie nucléaire n’est donc pas ce truc miraculeux qui verrait l’électricité « sortir » du réacteur
[…] ce moyen de produire de l’eau chaude est-il acceptable ?
Rien que ça en général frappe les esprits de ceux qui ne savent pas vraiment ce que c’est qu’une centrale. On enclenche une réaction difficile à contrôler et à grande inertie pour… chauffer de l’eau et faire l’équivalent d’une turbine à vapeur.
Vous avez beau multiplier [les dispositifs de sécurité], il y a toujours des situations dans lesquelles ces protections ne tiennent pas. A Tchernobyl, on a invoqué, à juste titre, un défaut du réacteur et une erreur d’expérimentation ; à Fukushima, l’inondation causée par le tsunami. Au Blayais, en Gironde, où la centrale a été inondée et où on a frôlé un accident majeur, on n’avait pas prévu la tempête de 1999. Mais on a vu des accidents sans tsunami ni inondation, comme à Three Mile Island, aux Etats-Unis, en 1979. On peut aussi imaginer, dans de nombreux pays, un conflit armé, un sabotage…
[…] Chaque pays assure que ses réacteurs sont mieux que les autres. Avant Fukushima, le discours des Japonais était le même que celui des Français. On en est déjà à cinq réacteurs détruits (Three Mile Island, Tchernobyl, et trois réacteurs à Fukushima) sur quatre cent cinquante réacteurs dans le monde, des centaines de kilomètres carrés inhabitables.
Je sens poindre ceux qui vont brandir les comparaisons de morts entre le charbon et le nucléaire. C’est un peu passer à côté de la notion de risque, et généralement ces chiffres ne sont pas mis en proportion avec la quantité d’énergie produite utilisable dans le réseau.
Oui, et comme on a fait trop de centrales nucléaires, il y a toujours eu pression pour la consommation d’électricité, et en particulier pour son usage le plus imbécile, le chauffage électrique, pour lequel la France est championne d’Europe.
[…] On construit des logements médiocres, l’installation de convecteurs ne coûte rien, cela crée du coup un problème de puissance électrique globale : en Europe, la différence entre la consommation moyenne et la pointe hivernale est due pour moitié à la France ! Résultat, l’hiver, nous devons acheter de l’électricité à l’Allemagne, qui produit cette électricité avec du charbon…
C’est de Bernard Laponche, Polytechnicien, physicien nucléaire, ancien du Commissariat à l’énergie atomique, qui a participé à l’élaboration des premières centrales françaises.
Les propos sont recueillis par Telerama. L’interview couvre plus que ces quelques citations.
Aucun progrès technologique majeur dans le nucléaire depuis sa naissance, dans les années 1940 et 1950. Les réacteurs actuels en France sont les moteurs des sous-marins atomiques américains des années 1950. […]
Sans céder dans le binaire pour ou contre, surtout par rapport à la recherche, au moins serait-il temps de remettre à plat notre politique, surtout que l’énergie nucléaire devient de plus en plus chère par rapport aux autres sources au fur et à mesure qu’on augmente la sécurité et que le défi de la déconstruction des centrales existantes s’avance.
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