J’avais déjà sorti des chiffres pour tordre le cou à cette formidable idée reçue mais la une du Figaro me donne l’occasion de remettre le couvert : D’après une superbe étude, les français travailleraient l’équivalent de six semaines de moins que les allemands, 1674 heures contre 1904.
En réalité le problème est inversé : D’après les communistes de l’OCDE le français travaille en moyenne 1554 heures en 2009 (chiffre OCDE repris de l’INSEE) alors que l’allemand a travaillé 1390 heures sur la même année. 2009 n’a rien d’exceptionnel, le français travaillait déjà plus que l’allemand en 2000. Si je reprend le lissage idiot du Figaro, d’après l’OCDE, c’est l’allemand qui travaille 6 semaines de moins que le français (et en plus nous sommes plus productifs que les allemands par heure de travail).
Ils travaillent de moins en moins
En fait l’écart entre la France et l’Allemagne n’a fait que s’agrandir depuis au moins 2000 (je n’ai pas les données antérieures), en passant de 8% en 2000 à presque 12% en 2009. L’arrivée des 35h en France n’a pas réduit et encore moins inversé cet écart.
C’est même encore plus intéressant puisque l’OFCE indique que si en France il s’agit majoritairement d’une baisse légale, en Allemagne il s’agit d’un passage à du temps partiel subi. Je vous laisse choisir mais la méthode française, qui de plus a visiblement permis de moins baisser la durée du travail qu’en Allemagne, a ma préférence.
Même quand COE-Rexecode note que le taux d’emploi est meilleur en Allemagne, l’OFCE conteste la conclusion qui en est faite (il faut privilégier le temps partiel) en rappelant que sur la même période la France a créé plus d’emploi et a moins réduit sont temps de travail moyen que l’Allemagne.
Bidouilles et ajustements
Tiens d’ailleurs, l’étude de COE-Rexecode ne prend en compte que les salariés à plein temps. Comme on l’a vu, l’ajustement en Allemagne est justement passé par du temps forcé de plus en plus fréquent. Tout ça n’apparait pas alors que la baisse du temps de travail par les 35h est elle bien visible sur les plein temps. Tout dépend ce que l’on mesure mais là c’est franchement biaisé.
En fait même limité aux plein temps, tout ça est une bataille de chiffres. L’étude du Figaro vient de COE-Rexecode, qui lui-même se base sur des chiffres d’Eurostat, mais en les tripatouillant beaucoup. Ils sont partis du nombre d’heures par semaine, puis ont retiré les congés payés, les fériés, les périodes de formation, les congés maladie, deuil et grossesse, et même les déménagements. Au total 9 semaines et demies … pour le français. Pour le travailleur allemand étrangement COE-Rexecode n’a retiré que 5 semaines et 1 jour, soit moins que le nombre de jours officiellement chômés (non seulement il n’est jamais malade, en formation ou en grossess, mais en plus il travaille pendant ses congés payés). Quand on sait que les congés maternité et paternité sont bien plus long en Allemagne, ça fait sourire.
COE-Rexecode parle aussi de la baisse énorme du temps de travail en France entre 1999 et 2010. Mais là ils se font encore reprendre, par l’INSEE cette fois, qui indique que la méthode de calcul a changé en 2003, et que justement ce changement de méthode introduit une baisse artificielle importante. En gros ils comparent des choux et des carottes.
Alors ?
Bref, l’étude est d’un sérieux à toute épreuve. Vous vous en serez doutés, COE-Rexecode est un institut privé détenu par des grandes entreprises françaises et sans contrôle public. On s’en moque, le Figaro a pris parti depuis longtemps, et personne ne discute plus son objectivité.
Ceci dit, il y a quand même une information : Pour Eurostat, on travaille effectivement un peu plus en Allemagne qu’en France. Rien à voir avec une différence de six semaines ceci dit.
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