Après la seconde guerre, le web et le mobile

La seconde guerre des navi­ga­teurs est sur le point d’être termi­née.

Pour sché­ma­ti­ser, les gens utilisent Safari sur iPhone et iPad — ils n’ont pas le choix. Partout ailleurs il n’y a quasi­ment plus que Chrome. Objec­ti­ve­ment il faut avouer que le logi­ciel est excep­tion­nel, et évolue constam­ment.

Fire­fox est en baisse lente mais constante, avec désor­mais moins de 10 % du trafic en Europe. Même le fleu­ron de Micro­soft installé par défaut sur plus de 80 % des postes de travail récents, Edge, ne dépasse pas les 3 %.

On en est au point où quand vous lancez une appli­ca­tion mobile, c’est en réalité parfois les moteurs de Chrome ou de Safari qui fonc­tionnent en arrière plan. Même les versions légères de Fire­fox mobile sont de simples surcouches à Chrome et Safari.


La guerre des navi­ga­teurs est termi­née et nous l’avons perdue.

Nous l’avons perdue parce que nous avons aban­donné le futur de l’in­for­ma­tique person­nelle — le web et le mobile.

L’es­sen­tiel du parc est contrôlé par une régie publi­ci­taire dont le modèle écono­mique est de surveiller et régen­ter tout ce que vous faites sur vos appa­reils. Google et Chrome c’est ça.

Les 15 à 20% restant sont des appa­reils premium, pour une élite qui peut se les offrir. En échange d’un peu de vie privée, l’en­tre­prise contrôle tota­le­ment les appa­reils et ce qu’elle nous y auto­rise à faire ou non, en fonc­tion de ses inté­rêts commer­ciaux et de la morale nord-améri­caine. Il n’y aura pas d’al­ter­na­tive.


Aujourd’­hui nous avons déjà plus ou moins aban­donné notre vie privée et/ou notre liberté d’ac­tion sur nos appa­reils. Nous avons aban­donné tout ça mais nous savons que nous avons des portes ouvertes : Il existe des alter­na­tives, au cas où.

Le problème c’est que nos navi­ga­teurs ont tous 20 ans. Les moteurs on telle­ment évolué qu’ils n’ont proba­ble­ment plus grand chose à voir avec le code de 1998 mais ce qu’on y a fait est telle­ment complexe et demande de telles ressources que personne n’a rien créé de tota­le­ment neuf depuis.

Même aujourd’­hui, évoluer à la même vitesse que Chrome est loin d’être facile. Il faut des compé­tences diffi­ciles à trou­ver, des ressources finan­cières signi­fi­ca­tives et quasi­ment impos­sible à renta­bi­li­ser.

Si demain Chrome ou Safari décident d’im­plé­men­ter plus de choses derrière leurs murs sans les parta­ger en open source, cloner un ancien moteur et rattra­per tout ce qu’ils auront fait entre temps risque d’être mission impos­sible.

Ne parlons même pas du jour où Chrome aura réel­le­ment 80 % du marché et où ils se permet­tront d’avan­cer sans coor­di­na­tion avec quiconque. On n’en est déjà pas si loin d’une certaine façon.

Le résul­tat c’est que nous avons besoin d’Opera, Fire­fox et Edge, aujourd’­hui, même si ce n’était que pour forcer Chrome et Safari à conti­nuer à jouer le jeu. Ceux qui ont connu la première guerre des navi­ga­teurs savent de quoi on parle. On joue un peu l’ave­nir du web et du mobile. Rien que ça.


Pourquoi dis-je tout ça ? Parce qu’aujourd’­hui vous utili­sez Chrome, peut-être Safari. Je comprends : Ça fonc­tionne (très bien). C’est confor­table (très).

Et si vous tentiez de nouveau Fire­fox ?

Oui, par le passé c’était plus lourd que Chrome. Je ne vous garan­tis pas que le ressenti sera exac­te­ment le même mais la perfor­mance et la consom­ma­tion en ressources est désor­mais objec­ti­ve­ment simi­laire, assez pour que ce ne soit pas la vraie ques­tion.

Oui, parfois il y a des sites qui fonc­tionnent mieux sous Chrome, ou qui n’im­plé­mentent pas telle ou telle fonc­tion­na­lité annexe ailleurs que sous Chrome. C’est rare mais ça arrive. Il reste que c’est la poule et l’œuf, ils se le permettent parce que vous utili­sez Chrome. Votre vie privée et votre liberté méritent bien un peu de mili­tan­tisme, non ?

Bref, je ne dis pas que c’est mieux, mais au moins ce n’est pas signi­fi­ca­ti­ve­ment moins bien. Les diffé­rences sont surtout dans les préju­gés et les habi­tudes.

Le vrai problème c’est le chan­ge­ment. Quand on change, la moindre micro diffé­rence sans impor­tance peut prendre des propor­tions gigan­tesques pour vous convaincre que non, ça ne le fera pas. Il faut résis­ter, deman­der de l’aide si besoin (parce que non, s’il y avait des problèmes sérieux ça se saurait, et ce n’est pas le cas), et tenter de ne pas lancer Chrome pendant un mois. Pas du tout, pour être en immer­sion, sinon la résis­tance au chan­ge­ment pren­dra l’avan­tage.

N’al­lez pas me dire que vous êtes vieux et sclé­rosé intel­lec­tuel­le­ment au point de ne pas vaincre cette résis­tance au chan­ge­ment… Et si vous essayiez ?


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Commentaires

6 réponses à “Après la seconde guerre, le web et le mobile”

  1. Avatar de karl

    Opera sur desktop/mobile, ce n’est plus Presto depuis quelques années, c’est Blink.

    1. Avatar de Éric
      Éric

      Vous êtes deux à m’avoir répondu ça. Quelle est la phrase qui vous gêne dans le texte ?

  2. Avatar de karl

    > Le résultat c’est que nous avons besoin d’Opera, Firefox et Edge, aujourd’hui, même si ce n’était que pour forcer Chrome et Safari à continuer à jouer le jeu.

    Firefox et Edge ont des moteurs de rendu différents de WebKit et Blink. Tout navigateur qui utilise Blink ne fait que malheureusement renforcer l’hégémonie de Blink (qui nous coûte tant en termes de compatibilité Web). Plus les développeurs s’attendent à ce que le bon comportement soit celui de blink (que ce soit d’ailleurs pour un respect des normes ou pas), plus ils développent pour blink uniquement, et plus les utilisateurs choisissent Chrome car il devient de fait plus conformes au Web développé pour Chrome. Cercle vicieux.

    Plus les parts de marché diminuent et plus il devient difficile/justifiable de financer le développement d’un navigateur concurrent.

    Pour les versions mobile de Firefox comme Focus, il y a de bonnes nouvelles à l’horizon. GeckoView est en grand progrès avec pour objectif de remplacer la pile chromium, mais juste sur Android. sur iOS, c’est impossible.

    1. Avatar de Éric
      Éric

      À vrai dire ce qui me fait peur c’est surtout l’arrêt ou la perte de vitesse d’alternatives au point qu’il soit ensuite difficile de revenir dans la course.

      Qu’un éditeur travaille sur Blink pose effectivement des problèmes de « culture unique » mais s’ils ont réellement des ingénieurs qui travaillent sur le coeur et qui sont au moins en théorie capables de déclencher et mener un fork, disons qu’on sauve les meubles (les gens d’Opera le peuvent-ils ou travaillent-ils désormais uniquement sur ce qu’il y a autour ? je ne sais pas).

      Après oui, Firefox est très particulier et dans la mission qu’ils se donnent et dans le fait qu’ils ont un moteur bien à eux. Ça ça se remplace difficilement.

    2. Avatar de Redscape

      Oui, et il serait grand temps que Firefox renforce sa position sur Android, qui, contrairement à iOS, permet l’utilisation de son propre moteur. Et le changement (actuellement dans la branche Nightly de Focus/Klar) va dans le bon sens.
      Malheureusement, le moteur de rendu de Firefox est particulièrement… lent. Malgré l’introduction de Stylo (ou Stilo ?) en v57-59 (en gros le pendant Quantum sur Android), ça reste en deça. Et un utilisateur lambda ne verra que ça… Donc en général, retour à Chrome.
      Je test par moment la branche Nightly, la consommation de batterie est effroyable.

      Je veux bien faire preuve de militantisme, mais il y a des limites. Dommage, parce que Firefox sur PC a redressé très largement la barre (au point qu’il est d’ailleurs plus réactif que Vivaldi et Chrome sur un grand nombre de sites).

  3. […] À lire dans : Après la seconde guerre, le web et le mobile […]

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