Catégorie : Livre

  • « PHP 5 avancé » en chiffres

    Je vois les auteurs racon­ter leur histoire, leurs rému­né­ra­tions. Je n’ai pas trop envie de m’y mélan­ger vu que je n’ai jamais été auteur profes­sion­nel ni n’ai jamais cher­ché à l’être. Mes enjeux d’au­teur du dimanche sont bien diffé­rents. Ajou­tez y que j’ai écrit dans à propos de tech­nique infor­ma­tique, très loin des auteurs de romans et de bande dessi­née.

    Pour autant, c’est aussi l’oc­ca­sion parce que je ne crois pas avoir déjà fait un tel bilan. Peut-être que ça inté­res­sera certain d’entre vous. Dites-moi s’il y a des ques­tions auxquelles je ne réponds pas.

    Atten­tion, ce n’est repré­sen­ta­tif de rien d’autre que de mon cas person­nel. J’ai même tendance à penser que mon histoire entre dans l’ex­cep­tion à plus d’un titre. Le fait qu’il y ait des gros chiffres dans la suite ne doit certai­ne­ment pas vous amener à penser que les auteurs roulent habi­tuel­le­ment sur l’or.

    Six éditions et quatre colla­bo­ra­teurs

    Travail à quatre mains avec Cyril Pierre de Geyer. Le premier chapitre a été fait en février 2003 pour une publi­ca­tion de 700 pages en juin 2004.

    PHP a pas mal évolué et le livre serait rapi­de­ment devenu obso­lète. Nous avons du mettre à jour le livre régu­liè­re­ment. Il y a eu une édition par an jusqu’en 2008 puis une sixième de 870 pages en 2012.

    La troi­sième édition a été reti­rée sur un format « best-of » en 2007, en paral­lèle de la vente de la quatrième dans son format d’ori­gine. J’avoue que ça me semble toujours étrange, d’au­tant que si nous en avons fait une quatrième édition plutôt qu’un reti­rage c’est que l’évo­lu­tion de PHP rendait l’an­cienne version moins perti­nente.

    Nous avons été épaulé par Hugo Hamon pour les relec­tures et l’in­dexa­tion de la cinquième édition. La sixième édition a été parta­gée avec un troi­sième auteur, Frédé­ric Hardy. Il est en petit sur la couver­ture, je le regrette aujourd’­hui.

    Les tirages et les ventes

    Le premier tirage était prévu à 3000 exem­plaires. Vus les chiffres de vente je suppose qu’il en a plutôt été tiré 3200 (ou alors on a vendu des livres qui n’exis­taient pas). Les chiffres des éditions suivantes ne tombant même pas proches de multiples de 250, j’ima­gine qu’on en imprime toujours un peu plus au cas où et que le chiffre final n’est pas tota­le­ment maitri­sable.

    La seconde édition a été tirée à envi­ron 3700 exem­plaires, la troi­sième et la quatrième ont toutes les deux fait entre 3200 et 3300 exem­plaires, plus envi­ron 4000 exem­plaires pour la best-off. La cinquième a béné­fi­cié de deux tirages, proba­ble­ment respec­ti­ve­ment 3400 et 2000 exem­plaires. La dernière a été tirée à quelque chose comme 3800 exem­plaires, proba­ble­ment en deux fois.

    Au total j’ai quelque chose comme 26 500 ventes sur les 12 ans de vie du livre.

    Le travail d’écri­ture

    Diffi­cile d’es­ti­mer le temps passé en écri­ture tant il était très frac­tionné, d’au­tant que ce n’était pas mon acti­vité prin­ci­pale. Sur les 16 mois de travail de l’édi­tion initiale, j’ai quand même du y passer une bonne majo­rité des soirs et week-end, et quelques mois quasi­ment à temps plein. À cela il faut bien entendu ajou­ter le travail de mon co-éditeur.

    Chose éton­nante pour moi, nous n’avons pas utilisé de logi­ciel ou de format de fichier spéci­fique à l’édi­tion, juste du Micro­soft Word avec une feuille de styles interne : un fichier par version et par chapitre nommé d’après l’au­teur a avoir créé la version, le tout dans un FTP.

    Les autres éditions ont été un effort variable, plus fort pour les premières que pour les dernières. On parle quand même géné­ra­le­ment de plusieurs mois pendant des soirs et des week-ends.

    Je n’ai aucune idée du travail total en équi­valent temps plein 35h sala­rié. Si je devais donner un chiffre je dirais proba­ble­ment un an équi­valent temps plein sala­rié, mais en réalité ça peut faci­le­ment être la moitié moins ou moitié plus.

    Malgré la moti­va­tion des premiers temps, faire ça en paral­lèle d’un job très prenant n’est pas aisé, surtout au moment des relec­tures. La colla­bo­ra­tion entre auteurs n’a pas toujours été évidente non plus. Ça parait évident après coup mais écrire à deux quand on ne se connait pas vrai­ment et qu’on ne se voit jamais en face à face, c’est forcé­ment un peu diffi­cile.

    La rému­né­ra­tion

    La rému­né­ra­tion est de 10% du hors taxe pour les ventes françaises grand format (4% sur les ventes à l’étran­ger, 5% sur le format poche — l’édi­teur a souhaité en sortir un une année, nous avons refusé), à parta­ger entre les auteurs initiaux, sans aucune avance, sur des livres qui ont varié de 35 à 45 € pour la collec­tion prin­ci­pale, 25 € pour le best-of.

    Même en allant cher­cher dans les archives, je suis encore aujourd’­hui inca­pable de dire combien j’ai gagné que ce soit en net ou en brut. J’ai des comptes de vente, des détails de coti­sa­tions, des avis de paie­ment et des résu­més de sommes à décla­rer au fisc. Rien ne se recoupe vrai­ment, quand je n’ai pas deux docu­ments d’un même type tota­le­ment diffé­rents pour une même année.

    Disons que la somme encais­sée avant impôts sur le revenu doit être entre 40 et 47 000 euros nets depuis le premier verse­ment en 2005. Précis hein ?

    Ramené à un an de travail c’est effec­ti­ve­ment très bien payé, surtout par rapport à ce que je lis à propos de auteurs en litté­ra­ture, en jeunesse ou en bande dessi­née. Même dans la four­chette haute, en comp­tant deux ans de travail en équi­valent temps plein, ça reste bien au dessus du SMIC. Cela dit il était loin d’être dit que ça rému­nè­re­rait autant, et ce que ça m’a apporté a large­ment dépassé le finan­cier. Je ne pensais pas à l’argent. Je ne m’étais en fait même pas fait de prévi­sion quand j’ai dit oui, et je n’au­rais pas su dire si je m’at­ten­dais à 1 000 ou 10 000 euros.

    Cette somme est après paie­ment de la TVA, de la CSG et CRDS, ainsi que d’une coti­sa­tion de 1% à l’Agessa. Tout ça est prelevé pour moi en amont par l’édi­teur. Pas de retraite, pas de prévoyance, et avec dans les 4000€ par an en moyenne je n’au­rais proba­ble­ment eu aucune couver­ture sociale si je n’avais pas eu un emploi sala­rié en paral­lèle.

    Pour l’im­pôt sur le revenu je déclare ce que l’édi­teur me dit en trai­te­ments et salaires. C’est peut-être idiot ou anor­mal, je n’ai jamais su (on m’a donné des réponses diffé­rentes à chaque fois que je deman­dais ce que devait faire un auteur de loisir) mais du coup c’est imposé sur le barème progres­sif.

    Autant Hugo (en relec­teur) que Frédé­ric (en co-auteur sur la dernière mise à jour) ont été rému­né­rés sur une base fixe, payée par l’édi­teur en plus de nos droits d’au­teur.

    L’édi­teur

    J’en­tends beau­coup de choses sur les éditeurs. Person­nel­le­ment moi j’ai plutôt eu une très bonne expé­rience d’Ey­rolles. Muriel, tu as été vrai­ment super, Karine aussi, et j’ou­blie certai­ne­ment des gens. Je n’ai eu à me plaindre de personne, au contraire.

    Si je devais repro­cher quelque chose, c’est le refus total de consi­dé­rer une durée limi­tée pour la version numé­rique du livre. Je crains cepen­dant qu’il en soit de même pour l’es­sen­tiel des éditeurs et mon co-auteur a de toutes façons refusé toute vente numé­rique par peur du pira­tage (qui a tout de même eu lieu, visi­ble­ment par des fuites des PDF internes desti­nés à l’im­pri­meur, avec les marques de découpe). Oh si, si je devais pinailler, il y a briè­ve­ment eu une mise en vente de la quatrième édition sous forme numé­rique malgré le refus expli­cite au contrat, mais ils y ont mis un terme quand on l’a fait remarquer.

    Je ne m’éten­drai pas sur ce point mais on a même eu une diffi­culté de répar­ti­tion des droits entre co-auteurs à un moment. Non seule­ment l’édi­teur a aidé à sa réso­lu­tion mais il a aussi pris le diffé­ren­tiel à sa charge pour solder le passé. Ok, vu les ventes ils pouvaient se le permettre, mais rien ne les y obli­geait non plus.

    PHP 7 avancé

    Aujoud’­hui PHP 5 avancé n’existe plus. Il y a eu réécri­ture partielle pour construire PHP 7 avancé mais consi­dé­rant les diffi­cul­tés de colla­bo­ra­tion, on a décidé de ne pas forcé­ment le refaire ensemble. Je suis toujours sur la couver­ture en grisé mais j’ai passé la main aux excel­lents Pascal Martin et Julien Pauli, au moins pour les deux premières éditions (la seconde arrive parait-il sous peu).

  • Une inscrip­tion obli­ga­toire en biblio­thèque

    « Une inscrip­tion obli­ga­toire en biblio­thèque est une démarche qui s’ins­crit dans la logique de droits cultu­rels. »

    Ques­tion de vision de la culture. Moi j’at­tends le contraire, qu’il n’y ait pas besoin d’ins­crip­tion préa­lable, que quiconque puisse emprun­ter dans une biblio­thèque de passage avec une simple carte d’iden­tité.

    Qu’on ne me parle pas de vol et de contrôle. Ce n’est pas comme si les preuves de domi­cile deman­dées lors des inscrip­tions étaient fiables. Ce n’est pas comme si les biblio­thèques enclen­chaient des procé­dures judi­ciaires pour récu­pé­rer les livres. Si besoin était – ce qui n’est pas aussi évident qu’il n’y parait – il suffi­rait d’un proces­sus natio­nal pour que les biblio­thèques puissent se retour­ner contre les usagers à partir de cette carte d’iden­tité.

  • Éditeurs, arrê­tez de prendre en otage la connais­sance ! (1e cati­li­naire)

    j’ai mis au programme une dizaine de livres – tous publiés après 2011 ! – et la quasi-tota­lité d’entre eux est introu­vable […] indis­po­nibles chez le four­nis­seur – en six mois, impos­sible de les avoir […]

    Les maisons d’édi­tion ne distri­buent pas, même pas dans la forme la plus simple : rendre le livre dispo­nible sur une plate­forme de vente en ligne (voire même sur leur propre site). Et la plupart ne propose pas de version numé­rique.

    […]

    Il faut d’abord souli­gner que ces livres sont très souvent le fruit de recherches payées par l’uni­ver­sité, qui ensuite – direc­te­ment (biblio­thèques) ou indi­rec­te­ment (étudiants, profes­seurs) – les rachète. L’au­teur n’est pas payé par la maison d’édi­tion, mais par son employeur : l’uni­ver­sité. De plus, la plupart du temps, l’édi­teur est payé pour son travail – par les finan­ce­ments publics concer­nant les publi­ca­tions savantes.

    […]

    La réponse est simple : pourquoi se soucier de diffu­ser un livre lorsque l’on est déjà payé ? […] Pourquoi perdre du temps et risquer de l’argent pour distri­buer ? […]

    En bref, nous payons les maisons d’édi­tion avec de l’argent public pour prendre en otage la connais­sance que nous produi­sons avec des fonds publics.

    — via The conver­sa­tion

    Juste­ment à l’heure où le SNE essaye de convaincre qu’ou­vrir les publi­ca­tions scien­ti­fiques ou ne pas avoir une période d’ex­clu­si­vité longue risque­rait de casser l’édi­tion scien­ti­fique, qui fonc­tion­ne­rait parfai­te­ment.

    Certes, aujourd’­hui on se demande pourquoi lais­ser aux éditeurs ce privi­lège : les correc­tions et la mise en forme peuvent être faites au sein de l’uni­ver­sité – les maisons d’édi­tion demandent d’ailleurs déjà en partie l’aide non payée des univer­si­taires pour l’éva­lua­tion des manus­crits – et la diffu­sion peut se faire pratique­ment gratui­te­ment sur le web. Pourquoi alors paye-t-on les éditeurs ? Cela aurait du sens si le travail de diffu­sion était excel­lem­ment fait et que les conte­nus deve­naient véri­ta­ble­ment visibles et acces­sibles. Mais c’est dans les faits tout le contraire.

  • Ils contrôlent ce que vous avez le droit de lire… et ils ont peur que ça change

    Mais pourquoi donc Google déci­de­rait-il de ce que je lis ? La société n’est même pas une part de marché signi­fi­ca­tive dans les ventes de livres par rapport à Amazon, Apple ou Kobo.

    Google ne peut donc être au mieux qu’un bouc émis­saire facile, parce que dans l’air du temps. À moins que ce qui dérange ne soit la capa­cité des réseaux à influen­cer nos déci­sions d’achats via la recom­man­da­tion en pair à pair ? Mais qui cela gêne-t-il ?

    Le réflexe est de plutôt regar­der qui, aujourd’­hui, décide de ce que j’ai le droit de lire. Il y a en effet un groupe de quelques acteurs qui décide de l’es­sen­tiel de ce que nous avons le droit de lire, c’est à dire à vue de nez 80% des livres.

    Ils décident quels auteurs seront publiés et lesquels seront mis en avant via la promo­tion sur les plateaux TV ou l’en­voi des exem­plaires de presse aux critiques (et à quel critique). Ils peuvent déci­der ou non d’ali­men­ter les libraires pour que leurs livres soient vendus, y compris de force (si, si), et négo­cient les mises en avant sur les tables ou les têtes de gondole. Ils contrôlent ensuite les droits de lecture via des systèmes infor­ma­tiques sur vos appa­reils numé­riques : qui a a le droit de lire, de copier, combien de fois, combien de temps. Ils peuvent enfin déci­der à tout moment d’ar­rê­ter les ventes sur un canal de distri­bu­tion choisi, de repu­blier ou non, d’ar­rê­ter ou non la publi­ca­tion d’un livre. Ils peuvent même empê­cher un auteur mécon­tent de tout ce qui précède de publier son contenu ailleurs. Rien que ça.

    Pour rappel, quelques éditeurs masto­dontes incon­tour­nables repré­sentent 80% de l’in­dus­trie du livre en France. Aujourd’­hui ce sont eux qui contrôlent ce que vous avez le droit de lire… et ils ont peur que ça change.

    Quelqu’un s’étonne-t-il que ce soit donc en réalité le syndi­cat natio­nal de l’édi­tion (SNE) qui soit en fait à l’ori­gine de la phrase citée en début de billet et contrôle la campagne média­tique asso­ciée ? Ce ne sont pas les auteurs qui sont en danger ici, mais la posi­tion privi­lé­giée de quelques gros éditeurs. Que certains auteurs et petits éditeurs se laissent trom­per en parti­ci­pant est bien malheu­reux.

    Bien évidem­ment ils ne décident pas vrai­ment quels livres vous avez le droit de lire. Personne ne le peut, et Google non plus. Par contre ils font plus qu’in­fluen­cer quel livre vous sera acces­sible et sous quel jour il vous sera présenté.

  • Pourquoi j’ai donné 2 ans de travail et combien ça m’a rapporté ?

    Avant le prix libre : 1 an et demi, 90 télé­char­ge­ments, prix de 9,99€, dons asso­cia­tion 0€, licence non libre, argent gagné : 621€.

    Après le prix libre : 8 mois, 1619 télé­char­ge­ments, prix moyen 9€, dons asso­cia­tion 366€, licence libre, argent gagné : 870€.

    En passant mon livre à prix libre j’ai donc : permis à tout le monde de le lire, gagné plus d’argent

    Viser la lune

    Expé­rience qui n’en­gage que le cas spéci­fique mais qui reste inté­res­sante. C’est toute la ques­tion du passage à un nouveau modèle de diffu­sion. Les anciens se plain­dront que le prix moyen par livre vendu a baissé et que le prix par livre lu est ridi­cule.

    Ça me rappelle trop les ques­tions d’abon­ne­ment, que ce soit pour le livre ou la musique. Compa­rer les prix à la page lue ou au morceau écouté n’a aucun sens. Si plus de gens lisent ou écoutent : tant mieux. La seule ques­tion est de savoir quel est le revenu final en valeur abso­lue. Et si 10 000 lectures gratuites n’ont géné­rées qu’une seule lecture payante, on reste gagnant.

    La grande ques­tion c’est de savoir ce qu’il en aurait été si on avait choisi l’autre modèle. Et là personne ne saurait avoir la réponse.

    Mais voilà, est-ce qu’il y a une influence tempo­relle, que le livre aurait explosé par la suite même s’il avait gardé le modèle initial ? Est-ce que l’au­teur a refait un peu de commu­ni­ca­tion et mise en visi­bi­lité qui a mieux fonc­tionné ? Est-ce que les gens se sont lais­sés convaincre via le don à l’as­so­cia­tion qui aurait aussi pu être fait et mis en avant via l’an­cien modèle ? Est-ce qu’il y a simple­ment eu un coup de chance sur le second cas (ou de malchance sur le premier) qui a fait qu’il y a eu boule de neige mais qui n’est pas direc­te­ment lié au modèle de commer­cia­li­sa­tion ? Bien malin celui qui prétend avoir une réponse ferme.

    Il reste que l’ex­pé­rience est inté­res­sante, et qu’il n’y a rien à critiquer quand elle est en tout point posi­tive comme ici.

    Ah, si, tout de même : vendre un livre sans en fixer le prix est inter­dit en France. Pas une expé­rience à promou­voir donc, car malheu­reu­se­ment illé­gal (même s’il peut y avoir des astuces à tenter pour contour­ner).