Je ne sais pas quand ça a pu commencer, mais cette histoire de légitimer un ministre nommé par l’élection aux législatives est un non sens complet. Et pourquoi pas le président pendant qu’on y est ?
Un ministre ne se légitime pas avec 50 000 votants choisis
L’absurde de la chose se voit par le désistement de Najat Vallaud Belkacem des législatives. Elle s’était présentée dans une circonscription fondamentalement à droite, difficile à gagner, et préfère renoncer pour ne pas être prise au piège. Elle se serait présentée dans une autre circonscription, plus tournée à gauche, elle aurait probablement gagné facilement.
Les législatives se font par circonscriptions de 110 000 habitants, moitié moins de votants, répartis politiquement de façon très hétérogène. Prise individuellement aucune circonscription n’est représentative de la France, ni même ne s’en approche. C’est l’assemblage de toutes ces spécificités qui forme la représentation nationale.
Si on ne prend que quelques circonscriptions arbitraires pour juger de la légitimité d’une poignée de ministres, il ne reste plus aucune représentativité, ça devient purement arbitraire. Le choix de la circonscription a parfois quasiment plus d’importance que le candidat lui-même tant qu’il est soutenu par le parti.
La seule « légitimité » qui sortirait pour le ministre serait celle d’être issu d’une circonscription sans risque, ou d’avoir su s’y faire désigner par le parti en passant devant les locaux et les autres cadres du parti.
Un député si, enfin normalement
Mais encore plus idiot : Le ministre ne pourra pas prendre son siège de député, il y a incompatibilité totale. C’est son second qui prendra le poste. Quelle est alors la légitimité de ce député remplaçant qui siègera à l’Assemblée nationale si c’est la légitimité du ministre qui est l’objet de l’élection ?
Ce n’est pas une petite question, l’Assemblée nationale est sensée représenter les français.
Même pour le ministre lui-même, pour peu qu’il perde son poste rapidement et récupère son siège, quelle légitimité aura-t-il en tant que député si l’élection a jugé ses compétences de ministre ? Les deux charges sont très différentes, les expériences et compétences nécessaires le sont aussi. Un homme peut très bien exceller aux deux, mais pour quel poste l’a-t-on choisi ?
Et si on respectait la constitution ?
L’équilibre des pouvoir n’est pas issu d’une pochette surprise. Même s’il est imparfait, il a tout de même été pensé à la base. Le ministre représente l’état, et est donc nommé par ce dernier. L’Assemblée nationale représente les français, et est donc élue par ces derniers. Ensuite, les français (l’Assemblée nationale) valide la gouvernance de l’État (le gouvernement).
Tout ça est déjà prévu. Nulle part il n’est prévu ou même envisagé que les ministres ne se fassent élire. Je ne connais d’ailleurs aucun pays où ce soit le cas. Il y a des raisons à tout cela.
Nous sommes en train de casser la représentativité et la légitimité du parlement qui représente les français pour satisfaire la volonté populiste du pouvoir en place. C’est quand même très court terme comme vision.
Alors quoi ?
Alors le vrai changement, au lieu de dire « si vous perdez l’élection, il faut démissionner », ne serait-il pas plutôt de dire « si vous vous présentez c’est pour assumer le mandat que vous briguez, et il faudra démissionner de votre poste actuel si vous êtes élu » ?
Parce que finalement le choix est plutôt là : il faut être ministre ou député, pas les deux. Si quelqu’un se présente aux législative ce doit pour être député, rien d’autre. L’élection ne concerne que ça.
Ce à quoi il faut mettre fin ce sont surtout ces élections fantômes, ces réservations de places et chaises musicales avec les remplaçants pour assurer ses arrières et autres histoires d’égo ou de gros sous.
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