Il y a peu, un parti politique majeur a appelé à voter blanc sur plusieurs scrutins non négligeables. De l’autre côté on a des militants qui appellent à la comptabilisation, à la reconnaissance et à la légitimité du vote blanc. C’est à ne rien y comprendre.
Le vote blanc est comptabilisé
Tout d’abord tordons le cou à une première idée reçue : Le vote blanc est comptabilisé, dans le détail.
Il suffit de participer à un dépouillement pour s’en apercevoir. On note dans le détail chaque enveloppe, qu’elle soit affectée à un candidat, nulle, vide ou avec un bulletin blanc. Dans le cas de nuls, vides et blancs, il y a même un détail pour distinguer les différents cas de nullité.
J’en veux beaucoup à ceux qui font la promotion du vote blanc en demandant sa comptabilisation parce que ça veut dire qu’ils n’ont de leur côté jamais participé au dépouillement. Je trouve la situation très hypocrite pour des gens qui prétendent vouloir améliorer le fonctionnement des votes.
Une enveloppe vide est comptabilisé comme un vote blanc
Sauf erreur de ma part, il n’y a pas de définition précise du vote blanc dans les textes. On considère qu’il s’agit d’un vote qui ne porte aucune mention de liste ou de candidat (et qui n’est pas nul pour une autre raison par ailleurs, donc qui ne porte aucune mention tout court).
Savoir si l’absence de bulletin dans l’enveloppe satisfait à cette définition non explicite m’importe peu : Au final, au niveau du comptage, une enveloppe vide atterrit bien dans la même case qu’une enveloppe avec un bulletin blanc.
C’est d’ailleurs heureux parce que je ne crois avoir jamais vu de bulletin blanc sans aucune mention et aux bonnes dimensions lors des dépouillements. Des enveloppes vides (donc comptées avec les blancs), oui. Des bulletins vierges, jamais. Si ça arrive, je ne peux que croire que c’est vraiment rare. Conclusion hâtive basée sur l’expérience : ceux qui veulent voter blanc votent avec une enveloppe vide.
Ceux qui vous affirment qu’il faut absolument un bulletin papier vierge n’ont probablement eux non plus pas fait de dépouillement. Cela n’aurait même pas d’influence pour la promotion du vote blanc : Ceux qui voudront mesurer l’importance du blanc regarderont le compte incluant les enveloppes vides.
À l’heure actuelle personne n’est capable de faire le distinguo entre les vides et les blancs, même une estimation grossière. Vous n’avez donc pas besoin de vous balader avec un bout de papier blanc du bon grammage et des bonnes dimensions pour réaliser un acte citoyen et faire reconnaître le vote blanc en haut lieu.
Les votes nuls sont rarement des erreurs de vote
Les votes blancs et nuls sont distingués au dépouillement, on pourrait même difficilement faire plus précis. Ils sont toutefois agrégés lors de la publication des résultats officiels. C’est le seul point factuel que j’accorde aux promoteurs du vote blanc au sujet de la comptabilisation.
Certains en déduisent une non reconnaissance du vote blanc, parce qu’il est fusionné ainsi à des erreurs de vote ou des votes nuls ayant un objectif tiers. L’idée paraît sensée mais elle ne résiste pas à l’analyse.
Dans les votes nuls, outre les blancs et vides, on trouve :
- des bulletins barrés ou déchirés (probablement des « je ne veux pas de … »),
- des bulletins différents dans la même enveloppe (probablement soit des « je n’arrive pas à choisir » soit des « ils sont tous les mêmes »),
- des bulletins annotés (vu les annotations il s’agit clairement de volonté qu’ils ne soient pas décomptés, pas d’erreurs de vote),
- des bulletins avec un nom de personne ou de mouvement qui n’était pas dans ceux proposés au vote.
Ces différents cas passent difficilement pour des erreurs de vote. Le nul, sauf cas exceptionnel, n’est pas plus une erreur de vote que le vote blanc. J’irai même à penser qu’une enveloppe vide, comptée donc comme un blanc, a plus de chances d’être une erreur de vote que deux bulletins différents, un bulletin annoté ou un bulletin d’un non-candidat.
Dans tous les dépouillements que j’ai fait, je n’ai pas souvenir d’avoir jamais vu un bulletin qui ait vraisemblablement été une erreur de vote. Ça a certainement pu arriver, ça arrive certainement dans d’autres circonscriptions, mais si j’en crois mon expérience c’est extrêmement rare.
Le vote blanc n’est pas un vote nul, mais ils ne sont pas différents
Blancs et nuls sont, sauf exception, tous deux le résultat d’une volonté et d’une expression. Cette expression peut cependant être multiple et difficile à interpréter. Je l’interprète sous un chapeau global de « la volonté de participer au vote mais de ne pas effectuer un des choix proposés ».
Parler aussi des nuls est d’autant plus important que nous avons finalement peu de votes blancs, même en comptant les enveloppes vides. Pour autant que je me souvienne, parmi les votes comptabilisés nuls, j’ai eu une faible proportion d’enveloppes vides à mes tables, et jamais de bulletin blanc. L’essentiel des refus de choisir ou des mécontentements ont bien été des nuls, pas des blancs (mais ce n’est que mon expérience).
Blancs et nuls ne sont pas distingués dans les résultats, mais c’est finalement plutôt positif pour le mouvement de promotion du vote blanc : on évite de séparer en deux un même mouvement pour des raisons purement artificielles de classification.
Tout au plus pourrait-on prétendre séparer les erreurs de vote du reste, mais non seulement cela ne changerait pas significativement le compte des blancs et nuls et risque d’être bien difficile à interpréter dans certains cas. Dans des pays où les erreurs de votes involontaires sont significatives, cela peut avoir du sens. En France, j’en doute.
Tout au plus, et je rejoins là les défenseurs du vote blanc, peut-on regretter que le détail des votes fait au dépouillement ne soit pas publié au journal officiel. C’est une information qui peut être utile à certain, et ça ne coûterait pas cher. Ceci dit c’est une information administrative existante, je suis certain qu’elle doit être accessible pour qui veut avec une requête après de la CADA. Si quelqu’un souhaite publier ces informations, ce n’est pas si complexe, il suffit de se bouger.
On se moque de la notion de suffrages exprimés
Enfin, les votes blancs et nuls sont comptés en tant que suffrages non-exprimés. Derrière cette phrase qui ressemble à un « ça compte pour du beurre » se cache simplement un « ils n’influent pas le gagnant de l’élection ». La notion de suffrage exprimé ne sert qu’à ça, pas à dire si le vote blanc est important ou pas.
On peut d’ailleurs trouver un cas où aller voter mais poser un bulletin blanc a un effet : Voter blanc plutôt que pour un opposant peut empêcher un candidat d’être élu au premier tour, puisqu’il faut qu’il y ait eu au minimum 25 % des inscrits en suffrages exprimés. Ca reste cependant pour l’anecdote et ne pas voter du tout a techniquement le même effet.
Plus concrètement, dans ces chiffres officiels de la dernière présidentielle on vous dit qu’il y a eu 84 % de votants pour 16 % d’abstention, sur les votants 96 % de votes exprimés pour 4 % de nuls en blancs, sur les votes exprimés 53 % pour un candidat et 47 % pour l’autre. Rien ne manque, d’autant qu’on a aussi à chaque fois à côté le nombre de bulletins en valeur absolue.
Reprendre les mêmes chiffres officiels pour avoir la répartition en comptant le blanc est l’affaire d’une règle de trois si on utilise les pourcentages ou d’une division si on utilise les chiffres en valeurs absolue. Dans notre exemple le premier candidat a eu 43 % des inscrits, 51 % des votants et 53 % des suffrages non nuls ou blancs. Si on présente les chiffres selon la première forme c’est parce que c’est ainsi qu’est déterminé le gagnant de l’élection, ni plus ni moins.
Il s’agit juste d’une affaire de présentation des résultats. Donner ces mêmes résultats sous une autre forme est accessible à tous, et à fortiori d’un journaliste si cela avait du sens à être annoncé ainsi, avec des calculs du niveau de l’école primaire. J’ose espérer qu’une simple division n’est pas une difficulté significative au point de limiter l’information.
Cette notion de suffrage exprimé ne cache rien. Si vos JT mettent en valeur les pourcentages par rapport aux suffrages exprimés et pas par rapport aux votants ou par rapport aux inscrits (voire par rapport à la population en capacité de voter), c’est simplement parce que c’est ce qui a le plus de sens selon eux. À vous de communiquer autrement si vous le souhaitez, mais ce n’est pas un problème de comptabilisation ou de l’État.
Motivation, effet et prise en compte
Je n’ai parlé que de comptabilisation, en écartant superbement les motivations et comment le vote blanc peut ou pas être prise en compte ensuite. Ce billet est déjà assez long ainsi.
Mon propos n’est pour l’instant que de remettre au propre une discussion que j’ai trop souvent face aux gens qui appellent à une comptabilisation des votes blancs : elle existe, imparfaite mais largement suffisante pour ce qu’on veut (éventuellement) en faire.
Je vous remercie de vous restreindre à cette ligne directrice dans les commentaires et de réserver vos interventions sur la motivation ou la prise en compte du vote blanc pour un futur billet à venir (ou à les faire chez vous plutôt que chez moi).
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