En voiture, si vous devez* vous arrêter ici, comment le faîtes-vous ?
J’ai posé la question sur Twitter et Mastodon pour générer un peu de débat mais surtout attirer l’attention sur les occupations de bandes cyclables.
Il y a eu des choses intéressantes.
Préambule : Je vais une synthèse et pas une correction. La seule bonne réponse est de ne pas s’arrêter là, même si vous pensez que vous avez une bonne raison, que vous pensez ne pas avoir le choix, ou que c’est juste pour deux minutes.
S’il faut choisir, la plupart semblent discuter de ce qui gêne le moins ou de ce qui est le moins dangereux.
Trois catégories ressortent :
- Ceux qui acceptent de bloquer le trottoir (situation C)
- Ceux qui acceptent de bloquer la bande cyclable (situations A et B)
- Ceux qui acceptent de bloquer une voie motorisée (A, D, E et F)
L’aspect moral
Et vous, qu’acceptez-vous de bloquer ?
En fait la situation n’est pas tout à fait équilibrée donnée ainsi. Si on bloque le trottoir on va inciter des piétons à contourner par la chaussée, y compris des familles, enfants, personnes âgées dont pour qui ce comportement n’est pas forcément anodin. S’ils remontent la rue, ils vont même arriver sur la chaussée en surgissant de derrière la voiture arrêtée sans qu’on puisse les voir avant. Bref, c’est dangereux.
Un blocage du trottoir c’est aussi un vrai problème pour les PMRs, qui dans le meilleur des cas devront rebrousser chemin puis descendre toute la rue par la chaussée en pleine circulation, voire la remonter à contre-sens.
Si on bloque la bande cyclable on fait contourner les cyclistes. Ça ne semble pas vraiment un sujet aux profanes. Les cyclistes, eux, savent que ça peut être une manœuvre dangereuse. Il y a des morts à cause de ce types de contournement, littéralement, régulièrement. Des morts.
En ville, un blocage d’une voie de circulation motorisée sur les deux peut faire un peu de bazar si la circulation est dense mais ne provoquera certainement rien de grave. Dans le pire des cas, peu probable, on a de la tôle froissée. Si je peux facilement retrouver une dizaine de récits de cyclistes morts en contournant dans la presse, je pense échouer à trouver le récit d’un seul accident grave dû à un arrêt en pleine voie en ville. La peur d’un accident grave par l’arrière en cas d’arrêt est justifiée sur autoroute et sur nationale, mais probablement pas en ville.
Vous me voyez venir, non ? Il s’agit un peu d’arbitrer qui on choisit de gêner mais il s’agit surtout beaucoup de choisir si on crée un danger ou pas, et lequel.
On peut toutefois noter que le schéma A bloque la bande cyclable et la voie de motorisée de droite. Ça n’a quasiment aucun avantage par rapport à la B.
Choix du risque
Si je m’en tiens à l’analyse plus haut, il faut privilégier les schémas D, E ou F. Je soupçonne d’ailleurs que la très grande majorité des votants pour le schéma D soient des cyclistes.
Tous ne sont toutefois pas d’accord. Une minorité de cyclistes préfère contourner plutôt que risquer l’ouverture de portière par l’intérieur que le schéma D rend possible. Ça tient probablement du vécu de chacun, mais aussi certainement des infrastructures et conditions de circulation qu’il rencontre au quotidien.
Quant au choix entre D et E, pas grand monde ne choisit E. Mon intuition me dit que ça tient peut-être de la peur de se faire emboutir par l’arrière. En ville ce risque me semble toutefois faible, et surtout il ne concerne que des débats matériels (assurés), pas du corporel.
L’aspect pénal
Reste le « et le code, il dit quoi ? ».
I. – En agglomération, tout véhicule à l’arrêt ou en stationnement doit être placé par rapport au sens de la circulation selon les règles suivantes :
1° Sur l’accotement, lorsqu’il n’est pas affecté à la circulation de catégories particulières d’usagers et si l’état du sol s’y prête ;
2° Pour les chaussées à double sens, sur le côté droit de celles-ci, sauf dispositions différentes prises par l’autorité investie du pouvoir de police ;
3° Pour les chaussées à sens unique, sur le côté droit ou gauche, sauf dispositions différentes prises par l’autorité investie du pouvoir de police.
Article R417–1 du code de la route
Les automobilistes l’interprètent souvent comme « le bord droit c’est la bande cyclable » mais ils ont par ailleurs l’interdiction explicite de s’y arrêter (Arrêt dit « très gênant », R417–11) donc ça ne fonctionne pas. Les schémas A et B sont exclus.
Les cyclistes l’interprètent souvent comme « le bord droit possible, sur cette route, c’est la voie motorisée de droite », c’est à dire le schéma D. Il est aussi possible de l’interpréter comme « quand il y a une voie réservé, le bord droit est interdit ».
C’est c’est une route en 2×2 avec un gros terre-plein central, est-ce qu’il y a deux chaussée ou une seule ? Si c’est une seule, elle est à double sens. Si c’est deux, on a un sens unique et l’arrêt à gauche est autorisé, ce qui ouvrirait éventuellement le schéma E si on ne provoque pas de gêne excessive.
Dans tous les cas, il est interdit de s’arrêter sur le trottoir, même avec juste deux roues. Les schémas B et C sont donc exclus. S’arrêter sur le terre-plein est aussi interdit. Autant exclure le schéma F qui de toutes façon n’apporte aucun avantage par rapport au E.
Et toi alors ?
En général je ne m’arrête pas sans un emplacement explicite, même si ça m’arrangerait beaucoup. Si je peux je reste en dehors de la bande cyclable, comme dans le Schéma D.
Je suis convaincu que le schéma E est la bonne façon de faire en ville s’il y a une chaussée distincte pour chaque sens de circulation. En pratique je ne sais pas si j’oserai affronter mes concitoyens pour ça.
Je garde le B en tête, toutefois, si sur place il semble le moins dangereux des trois, ou si je cède à la pression des autres automobilistes qui voudront me faire dégager de la chaussée.
(*) Je pose la question dans ces termes parce que sans l’emphase sur le devoir beaucoup répondront qu’ils ne s’arrêteront pas. En réalité, combien refuseront de s’arrêter sur le bord pour laisser descendre un passager ? Pour aller chercher la pizza s’il n’y a aucun parking tout prêt ? Pour décharger je ne sais quoi de lourd ? Pour attendre quelqu’un qui doit sortir de l’immeuble en face ? etc
Tout le monde dit qu’il n’a pas le choix mais en réalité on sait tous que pour la plupart des arrêts, en réalité on a ce choix. On a juste pas envie des alternatives..
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