Chan­ger le mode de scru­tin

Ça n’est pas le problème actuel ni sa solu­tion — quoique — mais il y a une possible ouver­ture pour une prise de conscience sur ce vieux sujet toujours d’ac­tua­lité.

Aujourd’­hui le parle­ment est une machine anti-démo­cra­tique. Le mode de scru­tin permet au parti domi­nant de gouver­ner seul, sans compro­mis ni concer­ta­tion, quand bien même ce parti est loin de lui-même repré­sen­ter une majo­rité de la popu­la­tion. Les grands partis alter­na­tifs sont écra­sés. Les petits partis n’y sont même pas repré­sen­tés.

Ces dernières années c’était LREM qui avait cette majo­rité. Demain ce sera proba­ble­ment le RN. Indé­pen­dam­ment de leur poli­tique, repré­sen­tant entre 30 et 35 % de la popu­la­tion, il est clair qu’au­cun des deux ne devrait être capable de tout déci­der seul.

Il est plus que temps de retrou­ver un fonc­tion­ne­ment démo­cra­tique et un parle­ment qui repré­sente la popu­la­tion. Ce n’est pas sans enjeux, ça impose aux élus de discu­ter entre eux, trou­ver des compro­mis et des solu­tions ensemble. C’est un chan­ge­ment total de poli­tique.


Qu’est-ce que ça veut dire en pratique ?

La façon simple d’ima­gi­ner ça c’est d’avoir un scru­tin de listes, natio­nal.

Le défaut c’est qu’on ne repré­sente pas les spéci­fi­ci­tés des terri­toires. Il y a certes des choix indi­vi­duels mais en pratique, ne nous leur­rons pas, c’est déjà une élec­tion qui se fait sur des enjeux natio­naux.

Les excep­tions sont essen­tiel­le­ment liées aux terri­toires d’outre-mer mais ils peuvent consti­tuer une liste natio­nale sans péna­lité si, juste­ment, on fonc­tionne vrai­ment à la propor­tion­nelle.

Si on tient à garder un ancrage local, on peut envi­sa­ger un scru­tin de liste par région plutôt qu’un scru­tin natio­nal. C’est ce qu’on a pour les euro­péennes par exemple, mais je vois peu de béné­fice ici.

On peut aussi garder un ancrage au niveau des dépar­te­ments en regrou­pant les circons­crip­tions par deux ou trois et en ajou­tant des listes pour compen­ser la propor­tion­na­lité au niveau natio­nal. C’est plus complexe et je ne suis pas convaincu que ça le justi­fie.

Je préfère garder la repré­sen­ta­tion des terri­toires via le Sénat, dont le mode de scru­tin exacerbe déjà les spéci­fi­ci­tés locales.


Une propor­tion­nelle c’est un chan­ge­ment total de poli­tique.

Si personne n’a inté­rêt à s’al­lier, le risque c’est une multi­pli­ca­tion des listes avec 20 bulle­tins possibles. Il sera aussi temps de tester le bulle­tin unique (un grand bulle­tin avec toutes les options où on coche la bonne liste, plutôt que 20 bulle­tins indi­vi­duels parmi lesquels choi­sir) mais ça ne réglera pas tout.

Je ne veux pas de seuil mini­mal (ce qui existe pour les euro­péennes). Je veux que les partis qui repré­sentent 5 % aient une voix au parle­ment. Ça repré­sente quand même plusieurs millions d’élec­teurs et presque 30 parle­men­taires poten­tiels.

Il faut aussi garder une inci­ta­tion à ce que chacun ne lance pas une liste indé­pen­dante. Une possi­bi­lité est de trier les listes par leur impor­tance (par sondage, par propor­tion dans les élus actuels). Trop se divi­ser fait arri­ver bas dans la liste et personne n’y a inté­rêt. On peut aussi jouer sur les rembour­se­ments de frais de campagne, propor­tion­nels au nombre d’élus. Il y a des choses à imagi­ner.


Le vrai problème c’est que le gagnant du mode de scru­tin n’a pas inté­rêt à le chan­ger, et que rien ne peut être fait sans lui.

Hier c’était LREM, et ils n’ont jamais avancé vers la propor­tion­nelle malgré leurs promesses. Aujourd’­hui c’est le RN et j’ai peu d’es­poir qu’ils osent passer à une propor­tion­nelle qui les plafon­ne­rait à 30 ou 35 % alors qu’ils ne sont pas loin d’avoir une majo­rité abso­lue au parle­ment.

Et pour­tant… On parle de séisme dans les médias mais tout ça serait très diffé­rent si on avait un parle­ment qui repré­sente vrai­ment la popu­la­tion plutôt que de cher­cher à savoir quel parti va rafler la mise.


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Commentaires

4 réponses à “Chan­ger le mode de scru­tin”

  1. Avatar de Anonyme
    Anonyme

    Une pure proportionnelle, ça peut aussi se finir avec un poids démesuré pour des petits partis surtout dans le cas où un parti (ou une coalition cohérente) a presque une majorité absolue et l’obtient en cas d’alliance avec un petit parti (je crois que c’était un soucis majeur avec la quatrième république). Dans ce cas, le petit parti peut avoir une grande influence puisqu’il a, de fait, la décision finale (sauf à ce que l’opposition vote pour).
    Évidemment, dans un monde où les élus sont capables de bosser en bonne intelligence avec des élus de partis qui défendent des visions différentes pour aboutir à un consensus largement majoritaire (pas forcément unanime), le problème ne se poserait pas, mais je ne suis pas assez optimiste pour supposer que ça puisse arriver…

    1. Avatar de Éric
      Éric

      Par définition le poids des petits partis ne sera pas démeusuré, il sera proportionnel à la volonté de la population.

      Après oui, ça veut dire qu’un gros parti sans majorité absolue ne décidera pas seul sans faire de compromis avec un autre. Pour moi ce n’est pas un défaut, c’est un objectif.

    2. Avatar de Anonyme
      Anonyme

      Mon premier message n’était pas très clair, donc je détaille un peu plus en espérant que ça aide :-)

      Le nombre de siège sera bien proportionnel aux votes exprimés par la population (en supposant une proportionnelle ). Il restera de la marge avec la volonté réelle tant que le mode de scrutin sera limité à une voix donnable à un candidat par personne mais ce n’est pas ce dont je parlais.

      Cependant l’impact d’un groupe dans l’assemblée n’est pas mécaniquement proportionnel à son nombre de siège.
      Supposons un parti largement minoritaire en sièges et isolé politiquement (on peut penser au FN en 2012 qui avait alors 2 sièges là où une proportionnelle lui en aurait donné beaucoup plus), même en l’absence de groupe majoritaire, il est possible que son impact soit quasi-nul par rejet de la part des autres groupes alors qu’un parti avec le même nombre de membres mais un positionnement plus consensuel (par exemple centriste) aura beaucoup plus de chances de voir ses propositions acceptées.

      Aussi, dans le cas où un parti (ou une coalition) est proche de la majorité sans l’atteindre, et qu’un parti qui a un petit groupe permet s’il s’ajoute au plus gros d’obtenir la majorité, il peut avoir une influence beaucoup plus importante qu’un parti d’opposition pourtant plus nombreux (et qui a donc reçu plus de voix) si le groupe quasi-majoritaire préfère s’allier avec celui-là que de donner des gages à l’opposition (pourtant plus représentative de la volonté globale des électeurs). Et plus les élus d’opposition restent dans une posture d’opposition stérile, plus le parti minoritaire a de l’impact puisqu’obtenir une majorité sans demanderait des modifications profondes des propositions.
      En reprenant un exemple avec un FN considéré comme un parti classique et une majorité relative de la droite, le résultat peut être une orientation vers l’extrême-droite plutôt que vers le centre de la politique résultante, à l’opposé donc de la volonté générale.

    3. Avatar de Éric
      Éric

      Le fait d’obliger chacun à s’ouvrir à d’autres, que potentiellement un parti presque majoritaire préfère s’ouvrir à un petit parti à côté qu’à un autre plus gros mais plus éloigné de ses idées, ce n’est pas un problème en soi. Ca me parait même assez sain.

      Le fonctionnement français avec des oppositions fortes il est aussi dû au système qui justement favorise la dissension plutôt que la coalition.

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