Il y a un courant chez les (vieux) dev web du « c’était mieux avant tous ces sites pleins de javascript »
Et bien permettez-moi de vous dire, ce n’était pas mieux avant. Vraiment pas.
Le web d’avant était globalement moins performant, moins utilisable, moins compatible, et pas énormément plus pérenne.
Non, sérieusement, c’était extrêmement pénible, autant pour le développeur que pour l’utilisateur.
Côté performance c’est le jour et la nuit.
Ok on a des sites plein de JS qui mettent plusieurs secondes à charger mais c’est à comparer à avant où la moindre page quasi vide se chargeait en plus de temps que ça.
Attendre 30 secondes une page sans vidéo ni comportement particulier n’avait rien d’anormal.
À l’époque, la bonne pratique vis à vis de certains pays c’était même de mettre autant de choses que possible dans la page parce qu’ils allaient faire autre chose pendant qu’elle se chargeait et que quand ils revenaient il étaient hors de question qu’ils recommencent. Il fallait donc tout mettre à l’avance sur des kilomètres, au cas où, plutôt que de les faire naviguer page à page. On en était là.
Si les moteurs de recherche Altavista et Google avaient gagné c’était d’ailleurs aussi pour ça : En ayant des pages d’accueil quasiment vides, c’étaient celles qu’on arrivait à charger dans un temps acceptable avant de lancer la recherche.
Tout était lent au point que, pendant un moment, on a même considéré le WAP et ses 1ko/s comme acceptable. Même une page quasi vide mettait forcément plusieurs secondes.
Aujourd’hui j’ai parfois un peu de temps de chargement initial mais ça n’a plus rien à voir, et le reste de la navigation est souvent quasi instantané.
Rien que de ne pas recharger la page à chaque action ça change la vie. Vous n’imaginez pas.
C’est la même chose côté compatibilité.
Ok aujourd’hui on a parfois des choses qui ne passent qu’avec Chrome mais avant c’était tout le web qui était dans une guerre de tranchée.
Il fallait le bon navigateur, dans la bonne version, sur le bon système d’exploitation, avec un écran de la bonne taille. Même là on priait une fois sur deux pour avoir le bon plugin, la bonne version de flash ou la machine virtuelle Java à jour pour les applets.
C’était au point où il n’était pas rare d’avoir une page « ce site nécessite Internet Explorer 4 avec Flash et une résolution d’écran d’au moins 1280 × 1024 » avant d’arriver à la page d’accueil.
C’était invivable, réellement.
Je me rappelle de l’époque intermédiaire où nous étions une poignée de militants à essayer de démontrer qu’on s’en sortirait mieux en suivant des standards avec HTML et CSS. Je me rappelle Openweb et Pompage. Je me rappelle les contributions à l’équipe Technical Evangelism de Mozilla qui s’occupait de contacter les responsables de sites pour suggérer des modifications afin que le web soit navigable ailleurs que sur Internet Explorer.
Ce jour est arrivé et ça fait un bien fou.
Aujourd’hui je ne me pose quasiment plus la question du navigateur. Je sais que ça va fonctionner. Les rares problèmes finissent par être corrigés, ou concernent des améliorations dispensables. Je peux même généralement utiliser le même site sur mon ordinateur de bureau et sur mon téléphone.
Des problèmes de compatibilité aujourd’hui ? « You know nothing, Jon Snow ».
Ce n’était pas non plus plus utilisable.
On peut râler tout son saoul contre nos webapp javascript, nos publicités, nos bannières cookies et tout ce que vous voulez, mais même ainsi je n’échangerais pas le web d’aujourd’hui contre le web d’avant.
Je ne parle même pas de graphisme. Aujourd’hui je peux faire plusieurs actions sans recharger la page ni perdre ce qui est en cours. Je peux recadrer la photo dans la page que je viens d’envoyer sur un forum. Je peux mesurer l’avancement de l’envoi de cette photo. Je peux continuer à utiliser le forum voire à naviguer dedans pendant que ma photo se transfère. Je peux voir en temps réel si la photo que je voulais envoyer a le bon format. J’ai une autocomplétion efficace sur le nom que j’associe au fichier. Quand j’ai fini je peux modifier mes différentes options avec une prise en compte instantanée et voir le résultat en temps réel sur ma fenêtre.
Arrêtez de fantasmer le web d’avant, c’était une plaie.
Travailler en temps réel à plusieurs sur un même document relevait à de la science fiction à l’époque.
Il y a des usages où de simples pages de texte suffiraient amplement mais je n’ai quand même aucune envie de retourner au web d’avant.
Pas une seule seconde.
On s’est amélioré sur tous les points, sans exception. Le pire d’aujourd’hui est objectivement souvent meilleur que le meilleur de l’époque.
En fait une partie des applications web d’aujourd’hui sont à la fois plus performants, plus compatibles et plus utilisables que l’étaient même les applications natives avant.
Le vrai problème, c’est que nos attentes ont évolué encore plus vite.
Vous vous énervez parce qu’il faut fermer le bandeau d’information cookie et que le site ne réagit pas en attendant quelques secondes le chargement complet quand vous l’utilisez sur le mauvais navigateur ? Bande d’enfants gâtés.
On s’habitue vite. Même les plus vieux se font avoir.
Je vous vois venir. Vous allez me dire que tout ça est surtout grâce à l’explosion de la bande passante et de la puissance des machines.
Oui, et ? Il reste que tout s’est amélioré, très nettement.
Certes on aurait d’encore meilleures performances si on était resté sur de simples pages web plein texte, et on se serait évité certains problèmes, mais on n’aurait alors pas progressé sur d’autres aspects.
On n’a pas gâché 90% de l’amélioration de bande passante et de puissance de calcul avec du JS, du CSS, des polices de caractères, de la vidéo et des grosses images. On a juste utilisé une partie de ces améliorations pour d’autres gains que de la performance pure.
C’est certain qu’il y a des usages où peut-être que des documents pur texte simples et échangés très rapidement seraient préférables. Nos technologies permettent déjà de le faire si on en a besoin.
C’est juste que les compromis et les équilibres ne pointent pas si souvent que ça dans cette direction. Prétendre faire un nouveau web qui forcerait ce choix ne serait pas une avancée, ce serait une forte régression.
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