Je voyais l’avenir comme une succession infinie de rencontres, d’expériences et de nouveautés, portée par une sorte de légèreté, propulsée par une source d’énergie que je pensais inépuisable tout en ayant peu conscience de son existence. Je pensais, comme tous les privilégiés à différents degrés, que cette énergie venait de moi et qu’elle m’était due pour toujours.
Je laisse pour aujourd’hui le reste du discours sur l’effondrement de la civilisation (dit comme ça c’est assez caricatural mais il y a vraiment de quoi penser).
Il est facile de croire que nos privilèges viennent de notre travail, de nos compétences, de notre implication ou de notre motivation. Foutaises.
Nos privilèges découlent uniquement de la pyramide sociale et de l’exploitation de ceux qui sont en dessous. C’est vrai a l’échelle du pays, où le top 20% est très loin d’apporter autant de valeur à la société qu’il n’en consomme. C’est aussi vrai à l’échelle mondiale où le niveau de vie français se base principalement sur les conditions de travail et l’exploitation des ressources des pays dits « en développement ».
Qui pense donc qu’il produit et contribue 100 fois plus que celui qui se tue – littéralement – au travail à l’usine en Asie du sud-est ou celui qui essaie autant que possible de survivre à la misère ou à la guerre dans certaines parties d’Afrique ? Quand je vois les 0,1% les plus privilégiés ont un ratio de richesse probablement bien plus proche du million… Qui peut sérieusement prétendre apporter un million de fois plus que quiconque ?
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Et le travail, l’implication, les connaissances, la prise de risque ? Oh, c’est certain que celui qui ne travaille pas et rejette toutes les opportunités aura moins de chance d’arriver aussi loin, mais au final c’est bien de ça dont il s’agit, de chance. Nos privilèges viennent d’abord de la chance d’être bien né, dans le bon pays, potentiellement d’une bonne famille ou au moins d’avoir rencontré les bonnes personnes, été au bon endroit, au bon moment, d’avoir profité des conditions ou d’opportunités particulières. Oui, de chance, comme premier critère.
Vous ne me croyez pas ? Pourtant des chercheurs arrivent bien à cette conclusion. Même sans compter la géopolitique, au sein d’une population ce qui différencie les 20% qui ont le plus, c’est surtout la chance et les opportunités qui se sont présentées à eux.
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L’objectif n’est pas de se flageller, mais peut-être d’arrêter de se croire supérieurs, d’arrêter de glorifier la vision où il faut libérer les énergies quitte à restreindre les règles qui permettent aux 80% moins privilégiés d’être moins écrasés.
C’est toute la différence entre une vision de charité où ceux qui ont réussi à la sueur de leur front vont bénévolement aider ceux qui ont besoin d’un coup de pouce pour pouvoir faire pareil s’ils le veulent vraiment… et une vision de mise en commun où la collectivité règlemente et prélève sur les plus privilégiés pour permettre à tous de profiter d’un niveau de vie correct.
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