De la presse et des images

Parce que le sujet est sensible il n’est jamais vain de rappe­ler : Ce sont mon opinion, mes pensées, mais ce ne sont que mon opinion et mes pensées, aujourd’­hui, en fonc­tion de ce en quoi je crois et avec ce que j’ai vécu.
Je ne prétends pas avoir La Vérité. Vous avez le droit d’avoir une posi­tion diffé­rente, de l’ex­po­ser. Je ne vous demande que de m’en concé­der autant, avec respect et ouver­ture. Peut-être que nous évolue­rons en échan­geant.
Ne venez ici que si vous êtes prêts à avoir le même état d’es­prit.


Fallait-il la publier ? L’hor­reur de l’image d’aujourd’­hui était-elle néces­saire pour faire passer l’in­for­ma­tion et la prise de conscience ? Fran­che­ment je n’en sais rien mais mon propre avis n’a que peu d’im­por­tance dans l’his­toire.

Ça n’a que peu d’im­por­tance parce qu’il me semble essen­tiel qu’un jour­nal d’in­for­ma­tion sérieux ait la liberté de faire ses propres juge­ments sur la ques­tion, et qu’au­cune auto­rité morale ne puisse dire que tel ou tel sujet est trop choquant pour faire partie de l’in­for­ma­tion.

J’y tiens et ça me parait essen­tiel.

* * *

On m’au­rait posé la ques­tion avant publi­ca­tion, j’au­rais proba­ble­ment jugé que la photo de l’en­fant mort sur une plage il y a plusieurs mois étaient inutile et irres­pec­tueuse. Vu ce qu’a déclen­ché cette photo, j’au­rais eu tort. C’est le déclen­cheur de l’ac­cueil de dizaines ou centaines de milliers de réfu­giés et d’une prise de conscience d’une partie de l’opi­nion publique.

Cette image a certai­ne­ment provoqué des trau­ma­tismes forts mais elle a aussi sauvé des vies. Trop peu par rapport à ce qui aurait été possible, mais des vies ont été sauvées.

Je ne me vois pas dire que les problèmes que peu causer l’image ou sa publi­ca­tion sont insi­gni­fiant face à son rôle et son impact sur la société. Ça n’au­rait aucun sens. Les humains ne se jugent pas en compa­rant des chiffres dans un tableau. Mais juste­ment : Je me refuse aussi à dire le contraire.

Parfois le jour­nal fait un choix de publi­ca­tion radi­cal. Des fois l’his­toire montre qu’ils ont eu raison. Des fois ce n’aura pas été le cas. Des fois les avis divergent même après coup.

Je ne sais pas ce qu’il en sera pour l’image d’aujourd’­hui mais je défie quiconque de prétendre savoir à coup sûr. L’im­pact et la néces­sité sont bien diffi­ciles à juger, même après coup.

* * *

Et puisque ça a été une partie de la discus­sion : Je comprends ce que veut dire déclen­cher des angoisses ou des états impos­sibles qui peuvent durer des semaines ou amener au suicide. Je ne le nie pas, je ne le dimi­nue pas. C’est inima­gi­nable de me croire le faire pour ceux qui ont connu mon passé. C’en est même insul­tant.

Mais en même temps je ne peux deman­der à la presse de masquer toutes les images et tous les sujets qui peuvent être un déclen­cheur chez quelqu’un. Je ne le souhaite même pas. Il ne reste­rait rien.

* * *

Je me rappelle qu’il y a à peine quelques années tout le monde défen­dait le droit à la publi­ca­tion de cari­ca­tures reli­gieuses.

On ne parle pas ici de trau­ma­tismes mais ce n’est pas plus léger pour autant. Pour ces cari­ca­tures on a assumé le risques d’at­ten­tat et de morts. Plus loin, on a eu des morts à cause de ça. Des morts, et bien entendu tous les trau­ma­tismes qui vont avec pour les survi­vants.

Publier ces cari­ca­tures n’avait aucune autre moti­va­tion que de défendre le droit de les publier. Et pour­tant, malgré les morts, malgré qu’on ne préten­dait aider à sauver personne, je n’en connais pas un qui oserait aujourd’­hui dire qu’on aurait du l’in­ter­dire.

Alors oui, je crois que de la même façon on ne devrait pas inter­dire ou même repro­cher la publi­ca­tion d’une image d’hor­reur qui d’après leurs éditeurs ont un vrai but d’in­for­ma­tion, de prise de conscience et de mouve­ment d’opi­nion.

* * *

Je n’au­rais proba­ble­ment pas fait ce choix de publi­ca­tion mais je défend le droit à Libé­ra­tion de le faire. Même si ça pose plein de ques­tions toutes aussi justes les unes que les autres. Même si ça cause des trau­ma­tismes forts à des gens. Même si ça tue. Parce que s’ils jugent que ça a la moindre chance de peser dans le débat public, ça peut aussi faci­li­ter une inter­ven­tion et sauver toute une popu­la­tion, direc­te­ment aujourd’­hui ou indi­rec­te­ment demain.

Oui c’est moche, et c’est une réflexion froide de ma part parce que juste­ment ce cas ci ne me déclenche rien moi-même, mais je n’ai pas d’autre réponse que celle-ci.


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Commentaires

Une réponse à “De la presse et des images”

  1. Avatar de Éric
    Éric

    Libération s’explique (la photo litigieuse est en tête d’article, n’allez pas voir si ça vous pose problème)

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