J’ai du mal parce qu’on parle encore de Aulnay et de Théo. Oui, Théo s’en sort avec 60 jours d’ITT et une perforation anale faite à l’aide d’une matraque par un dépositaire de l’ordre public et c’est gravissime. Cependant parler de cet homme fait croire qu’il s’agit juste d’une bavure et d’une poignée de personnes impliquées.
Sauf que non. Le même commissaire en charge aujourd’hui avait déjà fait l’objet d’une condamnation il y a moins de 10 ans pour abstention volontaire à empêcher un crime ou délit dans une affaire ou un subordonné avait menacé de sodomie en glissant un enjoliveur dans les fesses d’un chauffard.
Vous allez me dire que 10 ans c’est beaucoup, mais à Drancy deux semaines avant, se tenait le procès d’un policier municipal pour… une perforation anale de 10cm faite avec une matraque enfoncée à l’horizontale sur une personne menottée et 10 jours d’ITT. Ça ne vous rappelle rien ? Pascal (c’est son prénom) n’a pas eu autant d’impact médiatique et les faits ont été requalifiés de viol à violences aggravées avec l’excuse du « je ne me l’explique pas, si la matraque a ripé c’était involontaire ». Six mois de prison avec sursis ont été requis.
Ne parlons même pas de la mort d’Adama Traoré où, au minimum, il y a eu empêchement des secours et maquillage. Là aussi ce n’est pas le premier cas, même si heureusement c’est rare.
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Non ce ne sont pas des cas isolés. Ces cas font surface à cause d’enregistrements vidéos et/ou de blessures impossible à attribuer à autre chose. Ce n’est pas pour rien que depuis un an les forces de l’ordre font la chasse à ceux qui sortent leur smartphone pour enregistrer, menacent de casser l’appareil ou forcent illégalement à effacer les images. Même les photographes de presse officiels s’en plaignent.
Le problème n’est pas que tous les policiers agissent ainsi, c’est qu’il y a une vraie impunité et une violence qui n’est pas anecdotique. Ce qui est gravissime c’est qu’il n’y a pas de remise en cause généralisée, que nos politiques cantonnent tout ça à un fait divers de temps en temps, le seul qui a crevé le plafond médiatique. Même celui là est parfois contesté ou nié.
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Il n’y a pas besoin de chercher bien loin pour avoir souvenir de ces images pendant les manifestations de 2016, avec des forces de l’ordre qui donnent des coups puissants sur des manifestants à terre ou tenus par des collègues, avec des tirs tendus de flash ball qui font perdre des yeux, avec des gens à terre en sang qui sont gazés à bout portant… sans réaction politique à part un soutien aux forces de l’ordre et du bout des lèvres une compassion pour les quelques cas les plus graves qui ont fait la une des journaux plus de quelques jours d’affilé à cause d’enregistrements vidéo.
Même sans parler de ces cas graves, discutez avec des gens de banlieue pour comprendre les insultes, les brimades volontaires, parfois les coups et passages à tabac. Non ce n’est pas que dans les films.
Je me rappelle, toujours 2016, où quelques jeunes ont échoué à faire reconnaitre au tribunal qu’ils étaient contrôlés tous les jours au même endroit, parfois 10 fois par jour.
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Le pire c’est que les policiers se défendent en mettant en accusation leurs victimes d’outrage et rébellion. Leur parole n’est que très difficilement mise en doute. Vu qu’on ne croit pas les victimes, ce sont les policiers qui le racontent le mieux :
Si vous préférez des faits jugés, il y a ceux de 2010 justement dans la cité de Théo, où une voiture de la BAC renverse et blesse un autre policier. Les sept policiers s’étaient mis d’accord sur une fausse version accusant le fuyard de tentative d’homicide. Ils s’en sortent avec du sursis.
Encore une fois, sans prétendre que tous les policiers fautent, il ne s’agit pas d’incident isolés mais bien d’un problème structurel.
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Alors oui, moi aussi je condamne les violences, les voitures brûlées ou les vitrines cassées. Maintenant vous m’accorderez aussi que c’est le seul moyen pour qu’on parle un minimum de ce qu’il se passe. Et même là quasiment personne ne lève le problème global.
Si j’osais, tant que nos élus ne prennent pas la dimension du problème et n’annoncent pas publiquement un vrai plan de recadrage des forces de l’ordre, moi j’ai l’impression que les manifestants ne font au contraire pas assez de bruit. Et oui, du bruit violent parce que sinon ça ne fera même pas un entrefilet dans le journal.
Vous avez une autre solution ? Proposez, mais les violences subies semblent aller grandissantes et nous ne sommes même pas capables d’imposer aux policiers de respecter leur obligation d’afficher un équivalent de matricule sur eux.
Difficile pour un candidat en pleine campagne de remettre en cause les forces de l’ordre et se mettre à dos toute la droite dure et la gauche autoritaire. En même temps, avec les affaires Fillon qui commencent à fatiguer, il y a justement un espace à prendre. Ce n’est pas si irréalisable.
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