C’est la troisième fois que je conseille quelqu’un là dessus alors je fixe par écrit, au moins pour que quelqu’un d’autre puisse s’y référer, mais aussi pour que vous lecteurs puissiez enrichir.
Contexte : Le couple se sépare (mais vit donc potentiellement sous le même toit pour l’instant, ça peut mettre du temps), l’un des deux est informaticien, l’autre craint de se faire espionner d’une quelconque façon.
Prendre du recul
Premier conseil : Même si ça se passe mal, il est probable qu’il n’en soit rien. Au risque de faire une affirmation trop générique, j’ai tendance à croire que sauf historique immoral connu, plus la personne « sait » faire, plus elle est responsable vis à vis de la question de la sécurité informatique et s’abstiendra de trop déraper.
Très probablement utiliser le mode « navigation privée » de votre navigateur web, ne pas laisser trainer de document (vider la corbeille !) et éviter d’utiliser un compte email dont le conjoint connait le mot de passe devrait suffire.
Maintenant imaginons le pire, la question est uniquement d’imaginer le ratio sécurité/emmerdement à viser. Plus vous voulez être en sécurité, plus ça va être emmerdant à gérer (pour vous pour éviter d’être espionné, mais aussi pour l’autre de vous espionner) :
Tout externaliser
Le plus simple est d’arrêter de communiquer sur des sujets sensibles avec vos anciens comptes email, facebook, skype, messagerie instantanée, etc.
Il est simple d’en créer d’autres dédiés à cet usage. Ces nouveaux comptes ne seront utilisés que depuis des appareils et des réseaux « sécurisés », c’est à dire votre travail, le domicile d’un ami proche et de confiance, ou un cybercafé… mais pas les appareils ou le réseau de votre domicile.
Si besoin il est possible d’utiliser depuis la maison une tablette ou un téléphone 3G (pas en wifi) à condition d’avoir activé le chiffrement de l’appareil (c’est possible sous iphone/ipad comme sur les Android récent) *et* que le code PIN ou l’empreinte digitale soit requis à chaque sortie de veille (pas la simple reconnaissance du visage) *et* que le conjoint ne connaisse pas ce code PIN ou n’ait pas enregistré sa propre empreinte.
Attention, si c’est un appareil pré-existant, il faut retirer toutes les synchronisations de données (par exemple les SMS qui se synchronisent avec votre compte Google Hangout de la maison, le Firefox ou le Chrome qui synchronisent et donc caftent votre historique de navigation avec celui de la maison, etc…) ainsi que les logiciels de sauvegarde. Au pire, un téléphone premier prix neuf avec un petit forfait premier prix aussi ne coûte plus grand chose ; il est possible d’acheter ça pour l’occasion.
C’est contraignant car ça exclut potentiellement la capacité de communiquer sur le sujet depuis le matériel du domicile conjugal, mais c’est encore ce qui a le meilleur ratio sécurité/emmerdement.
Même chose pour les fichiers ou les documents échangés : Ils restent sur l’appareil du bureau ou de la personne de confiance, en ligne sur un service genre Google Drive ou Dropbox (avec un nouveau compte dédié à cet usage), ou éventuellement sur la tablette qui répond à la description plus haut. La clef USB c’est chercher les ennuis et le stress.
Attention, si vous vous connectez une fois depuis un matériel ou un réseau qui n’est pas de confiance, sauf à changer le mot de passe très rapidement (et depuis un appareil de confiance), vous pouvez tout recommencer à zéro.
Utiliser le matériel de la maison
Globalement est à risque tout ce qui passe par la maison, un appareil ou un réseau commun, ou qui peut être récupéré à partir de là. Je conseille d’éviter mais on peut tenter de limiter la casse :
Tout d’abord vous pouvez abandonner l’idée du simple anti-virus ou de l’outil magique qui enlèvera tous les spywares. Il y a trop de portes possibles : utilisateur administrateur, mauvaises configuration, disque non chiffré, sauvegarde automatique ou synchronisation vers une destination accessible du conjoint… l’anti-spyware ne pourra jamais corriger tout ça. Votre éventuel ami informaticien sera lui même bien à mal de garantir quoi que ce soit même en y passant des heures.
Le PC de la maison est disqualifié dans sa configuration actuelle, sans retour en arrière possible. La seule solution est de le réinstaller complètement de zéro, d’y activer ensuite le chiffrement des disques (indispensable si le conjoint peut avoir un accès physique à l’appareil) et de choisir judicieusement un nouveau mot de passe. Si ce n’est pas votre métier, ça veut dire vous faire aider par une connaissance pour tout ça.
Attention : réinstaller votre ordinateur habituel sera probablement remarqué donc ça ouvrira les hostilités (et le fait de se protéger contre une intrusion peut faire que la personne d’en face se sente elle-même à risque et réalise des intrusions qu’elle n’aurait pas tenté sinon ; vous risquez de déclencher voire créer le problème contre lequel vous voulez vous défendre).
Une solution plus douce, si vous avez un lecteur CD, est d’utiliser un live CD. En gros il s’agit d’amorcer la machine avec un environnement gravé sur CD non réinscriptible (donc non modifiable par le conjoint) plutôt qu’avec le système du disque local (potentiellement contrôlé ou modifié par le conjoint). On peut en faire sous Windows ou sous Linux. Quelqu’un de confiance dans votre entourage pourra probablement vous en faire un. Signez le CD ensuite avec un feutre pour le reconnaitre et vous assurer qu’on ne le changera pas par un autre plus tard à votre insu. À partir de là si vous ne stockez rien sur le disque local et laissez tout en ligne, vous êtes à peu près sûr de ne pas avoir de problème.
Bien entendu, dans les deux cas (réinstallation ou live CD), ça n’a d’intérêt que si vous utilisez des nouveaux comptes de messagerie avec de nouveaux mots de passe, comme décrit plus haut. Malheureusement ça fonctionne avec le live CD mais pas avec une clef USB, qui pourrait être modifiée.
Seule précaution supplémentaire à prendre : Vous connecter directement à la box internet, que ce soit par câble ou par wifi, mais *pas* en passant par un routeur ou un appareil maison. Si le réseau WIFI n’est pas celui de votre opérateur (Freebox, SFR, Orange, LaBox…) ou que d’un coup il vous redemande le mot de passe WIFI, considérez que vous n’êtes plus en zone de confiance et que tout ce qui ne se fait pas dans un navigateur en mode sécurisé (barre d’adresse verte ou avec le cadenas) peut être espionné voire manipulé.
Prendre conseil
Dans tous les cas, si vous en êtes là, je ne saurais trop vous conseiller de commencer par prendre contact avec un avocat spécialisé dans les séparations. Lui pourra certainement vous donner de nombreux conseils car il est habitué à la problématique. Une personne de confiance dans votre entourage vous sera de toutes façons aussi très utile comme relai pour le courrier ou pour vous prêter un accès Internet.
Courage.
Si vous pouvez corriger ou compléter, je suis certain que la personne à qui j’adresse aujourd’hui ce billet vous en sera reconnaissante.
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