J’ai voulu commenter, citer et répondre mais je suis arrivé à un texte de plusieurs pages, sans saveur, sans attirance.
Mais finalement ce qui me choque dans ce texte sur le livre numérique c’est ce focus si important sur l’achat et le coût. Est-ce vraiment ça l’important dans le livre ? Pourquoi ne parlons-nous pas littérature, rencontre et échange ?
Parce que non, un salon du livre réduit à des bornes de téléchargement n’aurait aucun sens, mais un salon du livre réduit à des piles de papier et des caisses enregistreuses n’aurait pas plus de sens. Quitte à choisir un lieu de rencontre et de découverte, ne pas avoir une table pleine de papier entre mon interlocuteur et moi, je vois plutôt ça comme un avantage, ne pas être limité au stock amené sur place m’apparait aussi comme une ouverture encore plus grande.
Le livre numérique c’est un côté pratique indéniable, et c’est peut être ça qui attire le plus, mais c’est aussi l’opportunité de redécouvrir des milliers de classiques et d’oeuvres épuisées. C’est aussi nombre de lectures à moins de 3 € qu’on n’aurait jamais vu apparaitre dans le circuit papier. Ce sont aussi des nouvelles, des feuilletons, et des jeunes auteurs qui n’ont pas eu le relationnel nécessaire pour toucher les maisons d’édition. Ce sont aussi des textes simplement différents, qu’il aurait été risqué de publier en papier ou qui ne touchent qu’un public restreint. Ce sont enfin des découvertes infinies et non limitées par ce que le libraire a jugé comme suffisamment rentable pour constituer un stock sur place.
Pourquoi ne parlons-nous pas de littérature et d’oeuvre ? Pourquoi centrer le numérique sur le côté matérialiste et économique pour ensuite se plaindre que ce n’est pas ça le plus important ? Pensez à tout un pan de littérature qui s’ouvre de nouveau et tout un autre qui s’invente. Pensez à ces amis que vous ne voyez pas tous les jours qui peuvent vous envoyer leurs notes, leurs livres ou des extraits dans leur correspondance.
Je vais vous dire un secret : La plupart de mes amis fouillent ma bibliothèque numérique et empruntent mes livres quand ils passent chez moi. Peu le font sur ma bibliothèque papier. Mieux : j’ai la même interaction, à distance, avec certains que je n’ai pas la chance de croiser aussi souvent que je le voudrais. Nous discutons, échangeons, découvrons. Où serait cette chance avec le livre papier sur ma table de chevet ou dans ma bibliothèque Ikea du bureau ? et c’est dommage d’ailleurs parce que le livre de ma table de chevet je le considère comme essentiel, simplement c’est juste moins pratique et moins agréable à lire alors je recule depuis des semaines le moment où je m’y consacrerai. J’ai beau en parler il semble qu’il en soi de même pour mes amis car aucun ne me l’a emprunté en attendant.
Parce qu’au final j’ai bien lu « Je ne voudrais cependant pas sombrer dans les points de vue paranoïaques et puant l’égoïsme social qui s’était exprimé contre le livre de poche. » mais je suis capable de remplacer quasiment toutes les occurrences de « liseuse » par « livre de poche » dans le texte d’origine sans lui faire perdre de sens. Combien à l’arrivée du livre de poche se sont plaints de ces couvertures peu chères et trop petites pour la richesse du livre ? Combien se sont plaints que les librairies deviendraient un lieu de vente déshumanisé ? Combien ont argumenté sur le fait que le coût n’était pas le plus important ? Sur la mort des libraires à cause du prix de vente réduit ? Sur le plaisir d’un livre suffisamment qualitatif pour être relu ? Seul le passage sur le salon du livre et ses bornes de téléchargement nécessiterait d’être réécrit mais je suppose que, si l’auteur avait parlé de tables remplies de cartons livres de poche, l’effet aurait été le même.
Changer ses habitudes est difficile. Ne le feront que ceux qui le souhaitent et c’est très bien ainsi. Le numérique ouvre des portes mais personne n’est contraint à les franchir. Le papier vivra encore plus longtemps que moi, et j’en suis heureux. Je ne reprocherai son choix à personne, mais il est tout de même préférable que ce soit justement un choix conscient, donc de se rendre compte que les arguments avancés sont essentiellement des prétextes par peur ou refus du changement.
Finalement je ne vais extraire que deux blocs de citation, que je trouve finalement refléter le même esprit :
« Le vrai motif de la liseuse, c’est de réduire le coût de production du livre. »
« La liseuse tire du côté de la valeur d’échange, le livre […] du côté de la valeur d’usage. »
Quelle étrange vision alors que justement le numérique permet de se recentrer sur l’oeuvre et non l’échange lié au contenant, et que la seule révolution est justement dans l’usage.
Pourquoi ne pas non plus parler des rencontres, des échanges du numérique ? Mort des lieux ? De ce qui ne gèrent que l’aspect commercial et matériel, c’est possible. De ceux qui apportent des découvertes, des recommandations et des discussions, certainement pas. Ils évolueront, changeront, mais s’ils apportent quelque chose de pertinent pourquoi donc imaginer qu’ils seront désertés ?
Si vous ne savez voir dans le numérique que l’aspect matérialiste et commercial, ne lui reprochez pas vos propres oeillères.
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