Mouais. Autant je trouve l’incompréhension de l’UPP pour le modèle de la culture libre assez idiote, et leur proposition de modification du CPI vraiment con, autant la raillerie et certains qualificatifs utilisés ici ben ça me reste un peu en travers de la gorge, notamment en tant qu’aspirant photographe et potentiel adhérant à l’UPP (qui ne fait pas que se planter magistralement).

Éric, la notion de «libre de droit» sans fondement juridique et remise en cause du droit d’auteur, c’est un peu ce qu’on répétait régulièrement à l’asso Musique Libre, pourtant pas des plus conservatrices. On le répétait parce que c’est vrai et parce que le modèle défendu était contractuel (licences libres) et demandait donc d’assoir d’abord les droits de l’auteur avant de pouvoir préciser ses intentions. À côté de ça, il y a effectivement des marchands du pseudo-«libre de droit» qui vendent de la pub autour de contenus distribués gratuitement ou qui vendent à bas prix des licences d’utilisation ne respectant pas correctement le droit d’auteur. L’erreur de l’UPP ici est sans doute de taper sur Wikimedia et quelques initiatives de la culture libre plutôt que sur les iStockphoto, Fotolia et consorts (on notera que l’UPP milite déjà à travers d’autres actions pour un ré-examen des conditions de fonctionnement de ces entreprises).

J’aime aussi ta condescendance sur les questions d’argent, à la limite du mythe de l’artiste qui par nature s’en foutrait plein les fouilles («ça nous empêche de faire autant de brouzoufs qu’on aimerait»), et idem chez Karl («en révérence à une forme d’aristocratie perdue»). Je crois bien que c’est ça qui m’énerve le plus, là. Quand en tant que webeux nous bossons dans une industrie qui marche bien et qui paie bien — pour peu qu’on se laisse pas entuber en négociation salariale, mais même dans ce dernier cas on arrive quand même à des salaires de privilégiés à niveau d’expertise équivalent avec la majorité des autres corps de métier). Je ne connais pas les salaires ou CA annuels du membre de l’UPP médian, et peut-être que je suis complètement à la masse, mais je suis prêt à parier que c’est très loin en dessous du salaire annuel d’un Éric ou d’un Karl, et déjà sensiblement en dessous de celui d’un Florent Verschelde. Alors bon, merde, un peu de retenue.

Sur les propositions de l’UPP, j’aurais plein de critiques à formuler, mais je ne partage pas ton dégout de la gestion collective. Pourtant, chez Musique Libre, on a abondamment critiqué le système Sacem, mais force est de reconnaitre que le boulot qu’ils font est un travail de fourmi et que ça a le mérite de collecter de l’argent qui va globalement (avec plein d’imperfections…) dans les poches des auteurs, argent qui autrement serait juste inexistant, et simplement transformé en accroissement de marges pour ceux qui utilisent commercialement de la musique. Et la solution collectiviste, pour autant qu’elle gêne mon côté libertarien, est jusqu’à preuve du contraire le seul système à peu près réaliste pour réguler et monétiser des exploitations faciles (utilisation d’une musique ou d’une photo, pas la même visibilité d’exploitation que l’impression d’un bouquin!) sans faire exploser les couts de transaction au delà des seuils raisonnables. Dans une situation économique où les couts de transaction pour les auteurs grèvent trop fortement ou dépassent les gains obtenus, la gestion collective fait sens.

Tu as donc raison quand tu dis que «L’objectif qui n’est même plus caché est de créer des syndicats ou des guildes et que, ici, tout usage d’une photo nécessite un paiement à la guilde des photographes.» Sauf que je vois pas en quoi ça serait honteux ou ridicule; utopiste, à la rigueur, je veux bien. Et puis nuançons un peu: 1) les minutes de l’audition de l’UPP mentionnent, pour la gestion collective, de laisser «la possibilité aux ayants droits de sortir du système pour les œuvres de leur choix»; 2) la mise en place d’une gestion collective pour la photographie pourrait se faire avec pas mal de souplesse et d’ajustements par rapport à des propositions initiales trop tranchées, et je ne parierais pas sur un manque d’ouverture de l’UPP à ce sujet.