Ce billet me fait vraiment très mal. Je pense qu’il est révélateur d’une certaine suffisance de la profession.

D’abord, tu confonds ouvrier et ouvrier spécialisé, celui qui sur une chaîne n’effectue qu’un seul geste et peut être remplacé par un robot. C’est oublier tous les ouvriers dits qualifiés, à qui l’on confie une tâche et ont toute latitude pour l’exécuter. C’est être assez ignorant de la réalité de la condition ouvrière.

Ensuite, tu oublies la prolétarisation de notre profession (cf Christian Faure, et Stiegler je pense). J’ai occupé des postes où mon emploi était celui d’un ouvrier qualifié. Qui consistait à 90% à suivre à la lettre des procédures, sans rien savoir ni comprendre du contexte. Effectivement, parfois je devais prendre des décisions, faire preuve de créativité, d’inventivité, ou appliquer des recettes un peu trop complexes pour être confiées à des automates. Mais c’était plus l’exception que la règle. Et dans ces postes, je me sentais bien plus ouvrier qualifié que créatif. Je pense aussi à toutes les fonctions de TMA, de maintenance des logiciels. Parfois il faut être sioux pour débusquer un bug retors. Mais souvent, encore une fois, il suffit de suivre des procédures.

Je parlais de suffisance. C’est peut-être simplement de la peur. Nombre d’informaticiens ont fait de longues études, et ont peur du déclassement. Sentent un glissement, une prolétarisation. Alors on essaie de se rassurer, on met en avant quelques divas et les phases les plus créatives de notre travail. On refuse d’admettre que nombre d’entre nous, malgré de beaux diplômes d’ingénieur, des titres ronflants et un statut de cadre, faisons juste un boulot d’exécutant. Peut-être à mettre en parallèle avec le déclassement actuel des instituteurs, hier professions intellectuelles supérieures, aujourd’hui devenus classe très moyenne.

Deux choses donc m’embêtent avec ton billet. Un relatif mépris involontaire des ouvriers. Et l’affirmation que nous sommes à part. Car c’est au nom de ce sentiment d’être à part que l’individualisme gagne parmi les informaticiens. Se syndiquer pour défendre nos droits ? Mais non, les syndicats, ce sont pour les ouvriers, nous nous sommes des intellectuels. etc.

Voilà, c’était la contribution maoiste de la soirée ;)