Ma recommandation : Travaillez dans la langue maternelle de l’équipe aussi longtemps que vous le pouvez.
Premature optimization is the root of all evil
Donald Knuth
On adore parler de dette technique. Passer à l’anglais trop tôt c’est une dette organisationnelle, dont il faut payer les intérêts chaque jour, et qui se révèle rarement rentable.
Je n’ai jamais eu vent d’entreprise qui ait échoué parce qu’elle n’avait pas anticipé la mise à l’anglais plusieurs années avant. J’ai par contre des dizaines de noms d’entreprises qui ont coulé ou ont stagné parce que la communication n’était pas fluide, ou parce qu’elles ont investi dans trop de choses pour plus tard avant que ce ne soit nécessaire.
- Utiliser l’anglais est-il un besoin pour aujourd’hui ou pour demain ?
- Quelle est la probabilité que ce besoin se réalise vraiment ?
- Le coût d’avoir utilisé le français aujourd’hui dépasse-t-il vraiment celui d’avoir utilisé l’anglais ?
- Est-il pertinent de payer ce coût aujourd’hui plutôt que demain ?
Si ces questions semblent orientées c’est qu’elles le sont. Je pars du constat que l’utilisation de l’anglais par des équipes françaises dans leurs échanges et leurs documents n’est pas neutre. Le coût est même élevé.
En utilisant l’anglais je dois en faire un pré-requis de recrutement, évaluer réellement cette compétence lors des entretiens, former les personnes déjà embauchées, et être prêt à me séparer de ceux qui n’atteindront pas le niveau cible.
Même là, rare sont ceux qui sont bilingues au point d’avoir les mêmes nuances et la même fluidité dans les deux langues. Il y a une perte de détail en plus d’une perte de compréhension, parfois même un frein à l’expression qui fait renoncer en amont.
Bref, il y a un coût. J’ai plus souvent vu les équipes le minorer ou l’ignorer que le contraire, et au final prendre une dette pendant des années sans retour sur investissement concret.
Oui, peut-être qu’un client demandera une documentation en anglais un jour, quand le produit sera international, si tant est que le produit et sa documentation n’auront pas changé d’ici là. Ce jour là on aura un problème de riche et probablement que traduire une documentation bien rédigée ne sera pas vraiment un élément bloquant. Peut-être par contre qu’avoir une documentation en mauvais anglais demandera bien plus de temps de réécriture.
Oui, peut-être que les équipes s’ouvriront à l’international avec des bureaux ailleurs en Europe ou dans d’autres continents. Peut-être pas, malgré les ambitions. Peut-être bien plus tard que prévu. Beaucoup de process vont changer entre temps, et il y aura de toutes façons une période de transition avec des locuteurs francophones pour faire le pont nécessaires (si tant est que chatgpt ne soit pas suffisant en pratique).
Est-ce que c’est maintenant que vous voulez payer le coût, risquer de moins bien se comprendre, de ralentir l’organisation, pour éviter un coût plus tard, une fois que l’entreprise aura réussi et aura les moyens, sans même pouvoir assurer que ce futur arrivera ou s’il arrivera dans les années à venir ?
Je suis certain que « oui » est parfois la bonne réponse. Je suis convaincu que c’est l’exception (et que par définition, vous avez toutes les chances de ne pas être dans l’exception).
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