Jetez moi SCRUM, Shape-up et les autres, et encore plus leurs versions dites « at-scale » type SAFe.
Je ne comprends même pas comment on en est arrivé là alors que le manifeste agile met en avant « Les individus et leurs interactions, de préférence aux processus et aux outils ».
Prétendre cadrer les individus et les interactions via des processus et des outils méthodologiques est un contre-sens total de ce qu’on a appris depuis le manifeste.
Quand on me demande ma méthode de prédilection je parle de Kanban, parce que l’implémentation dans le logiciel revient juste à limiter le flux et donner une priorité à ce qui est déjà en cours, avec une grande liberté d’implémentation. S’il s’agissait de chercher une implémentation « comme dans la littérature », je rayerais d’un trait et rangerai Kanban avec les autres.
Appliquer des outils et des processus tout faits ça rassure quand on n’a pas confiance dans les individus et leurs interactions.
Le fond c’est la défiance, souvent du top management, même si parfois elle se diffuse jusqu’aux équipes elles-mêmes à force de leur poser des exigences contradictoires.
L’idée c’est souvent que si les résultats ne sont pas ceux espérés c’est que les équipes travaillent mal, alors on va leur expliquer comment il faut travailler en imposant une recette sans chercher à approfondir les problèmes eux-mêmes.
Rien que le présupposé me semble toxique.
Ne vous méprenez pas. Je trouve formidable que Basecamp formalise la façon dont ils fonctionnent. Ce n’est pas une critique de leur fonctionnement. Il y a plein de choses à penser dans la lecture de Shape-up.
Le transposer tel quel avec des rituels, par contre, c’est probablement une mauvaise idée. Transposer quoi que ce soit tel quel est probablement une mauvaise idée d’ailleurs. Le cargo-cult est bien trop présent dans l’univers logiciel, et encore plus dans l’univers startup.
Chaque équipe a ses besoins, des aspirations, ses contraintes, ses individus. Croire que ce qui fonctionne à côté fonctionnera chez nous en le recopiant c’est se tromper de priorité entre les individus et les processus. C’est d’autant plus vrai qu’en général on en applique les artefacts visibles mais pas la philosophie sous-jacente.
Je ne suis même pas convaincu que ce soit un bon point de départ pour ensuite itérer. Les rituels ont tendance à ne pas bouger, voire à s’accumuler, surtout qu’ils appartiennent à « la méthode ». S’il faut commencer c’est probablement par SLAP.
Tout n’est pas à jeter. Il y a plein d’idées intéressantes à reprendre à droite et à gauche. Mon problème c’est la reprise d’un cadre complet comme si ça allait résoudre les problèmes.
Dans mes boites à outils, en fonction des besoins, j’aurais tendance à conseiller les points suivants :
- Des rétrospectives régulières, à date fixe
- Des itérations de durée relativement fixe
- Des points de synchro internes fréquents voire quotidiens
- Des démos aux utilisateurs et parties prenantes
- Une notion d’appétit pour les sujets qu’on veut livrer
- Une estimation d’ordre de grandeur de l’effort pour la priorisation
Bref, un kanban avec des cycles qui permettent de régulièrement sortir la tête du guidon, prendre du recul, voir ce qu’on veut changer dans notre fonctionnement, décider quelle direction on veut prendre pour la suite, et de vrais échanges amonts pour expliciter la complexité et l’appétit pour les différents items.
Le reste s’ajoute avec grande prudence. Sauf besoin spécifique j’aurais tendance à déconseiller les items suivant :
- Les engagements de livraison, hors besoin absolu (on ne décalera pas Noël)
- Les estimations autres que des ordres de grandeur
- Les backlogs (oui oui, vous avez bien lu)
- Avoir plus d’un objectif par itération
- Avoir déjà étudié la solution avant de commencer
- Tenter d’appliquer ce que d’autres équipes font dans d’autres contextes au sein d’autres cultures
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