Puisque ça traumatise les gens…
On va parler de Pierre, Paul et Jacques, embauchés aujourd’hui comme cheminots, et regarder leur âge réel de départ à la retraite :
Pierre
Pierre est embauché après ses 31 ans. Il bénéficie des mêmes règles que le régime général. C’est un âge légal de départ à la retraite à 62 ans pour 172 trimestres, et un taux plein garanti à 67 ans.
Paul
Paul est un cheminot sédentaire, comme 90% des cheminots.
Il a un avantage scandaleux : Son âge légal de départ à la retraite sera de 57 ans au lieu de 62 ans. C’est 5 ans de mieux… en théorie.
En théorie parce qu’il devra quand même cotiser 172 trimestres, comme le régime général. Pour partir à 57 ans il faudrait qu’il travaille de façon ininterrompue depuis ses 14 ans. Voyons donc son âge de départ à la retraite en fonction de son âge d’embauche :
Travail depuis ses 14 ans : Non sérieusement, il est interdit de travailler à cet âge. Les parents et l’employeur iraient en prison. Paul ne peut pas prendre sa retraite à taux plein à 57 ans, même en théorie.
Ou plutôt si, il peut, s’il a commencé à travailler plus tard mais qu’il souffre à 57 ans d’un handicap significatif ou d’une maladie grave.
Si quelqu’un pensait se lever pour faire cesser cet avantage indu, j’espère qu’il est déjà rouge de honte.
Oui, sur le régime général il faudra attendre 60 ans malgré cette situation de santé, mais c’est peut-être ça qu’il faut changer, non ? En tout cas on n’est dans un cas à la marge qui reste ultra-minoritaire.
Bon, Paul peut partir bien entendu avant d’avoir ses trimestres mais dans ce cas il aura une pension réduite d’autant *et* une décote supplémentaire. Le calcul est le même que le régime général et ça peut vite faire mal.
Travail depuis ses 15 ans : Oui, si Paul travaille depuis ses 15 ans via l’apprentissage, qu’il ne s’interrompra jamais, il pourra prendre sa retraite à taux plein à 58 ans, soit 4 ans de mieux que la règle générale.
Je vous vois, envieux de ce gosse qui travaille déjà à temps plein alors que les autres sont encore au lycée. Rassurez-vous, son espérance de vie fait qu’il profitera probablement moins de sa retraite que vous.
Cela dit il n’y a là nul avantage. Si vous êtes salariés du régime général vous bénéficiez du régime « carrières longues » qui permet à ceux qui ont commencé le travail avant leurs 16 ans de partir à la retraite à… 58 ans.
Comme quoi, l’avantage n’en est pas toujours un.
Travail depuis ses 17 ans : Même chose, si Paul commence deux ans plus tard, à un âge où beaucoup n’ont même pas encore le BAC, il pourra prendre sa retraite à taux plein deux ans plus tard, soit 60 ans.
Le dispositif carrière longue du régime général instaure la même exception pour ceux qui ont commencé à travailler avant leurs 20 ans : départ possible à 60 ans.
Début de travail à 19 ans : Si Paul commence à 19 ans, travailler 172 trimestres en commençant à 19 ans ça nous mène à… 62 ans.
Bref, si Paul commence à travailler à 19 ans, il aura le même âge réel de départ à la retraite que n’importe quoi. Oh avantage indu…
Début de travail après ses 20 ans : Ah, le voilà le vrai avantage. Il y a l’âge légal et l’âge de départ à taux plein. L’âge de départ à taux plein est bien 5 ans plus tôt, à 62 ans.
Notre cheminot partira à la retraite à taux plein à 62 ans là où un salarié du privé ayant fait des études longues devra subir une décote de ses pensions.
Bref, si vous cherchez un avantage scandaleux, le voilà. Il existe, mais il s’agit de partir à la retraite à 62 ans, loin des caricatures.
Maintenant si vous voulez être francs il faudra prendre en compte que le cheminot aura payé toute sa vie 11% de plus sur ses cotisations retraite. Ça ne parait rien mais cumulé sur 40 ans ça commence à faire quand même. Ça ne compense pas 5 ans de retraite mais ça peut en compenser une bonne année quand même, plus s’il y a des taux d’intérêt élevés.
Jacques
On m’avait pourtant rabâché que les cheminot partent à la retraite à 50 ans !
En fait les roulants partent bien 5 ans plus tôt que les sédentaires. Ils représentent 10% des cheminots. On est loin du cas général.
Pour un nouvel embauché roulant, le départ à la retraite pourra donc théoriquement se faire dès 52 ans (et pas 50 ans), mais ceux qui ont déjà lu le reste du billet ont compris que c’était un chiffre qui est surtout là pour faire joli sur le papier tant qu’on n’a pas ses trimestres. Aucun cheminot embauché aujourd’hui ne pourra jamais prendre sa retraite à taux plein à cet âge.
Il reste que cette minorité de cheminots roulants a bel et bien un départ à la retraite réel significativement plus tôt que le régime général, à condition d’avoir été embauchés à la SNCF avant leurs 31 ans. C’est vrai aussi pour quelques autres professions dites « pénibles » en France, à tort ou à raison.
On peut se dire qu’il y a d’autres travailleurs en France qui ont des horaires intenables et qui vivent une partie du temps hors de leur maison, et que ce n’est pas forcément le cas de tous les roulants. C’est vrai. À vous de voir si ce ne sont pas les autres qui mériteraient eux-aussi un avantage plutôt que de l’enlever aux roulants.
En tout état de cause, on parle de 10% des cheminots, et les règles pour les embauches actuelles ne mènent pas du tout à une retraite réelle à 50 ans, ou même à 52, même dans le meilleur des cas.
J’ai fait de mon mieux pour regarder des sources officielles mais je suis peut-être passé à côté de certains cas, n’hésitez pas à compléter.
Il y a plein de cas plus complexes ou plus avantageux pour des gens qui ont embauché il y a plusieurs années. Je ne les décris pas parce que personne n’a même soulevé l’idée de changer leur statut à eux, et que les gens ont tendance à comparer le régime général futur avec le régime SNCF passé, ce qui est forcément biaisé dès le départ.
Je ne prends en compte que les règles à partir d’aujourd’hui, et c’est déjà pas mal. « Le passé c’est le passé Darling, ça parasite le présent. »
Laisser un commentaire