Biens communs : de quoi parle-t-on au juste ?

Rappe­lons que le droit de propriété intel­lec­tuelle – et singu­liè­re­ment la propriété litté­raire et artis­tique – est le seul droit de propriété qui soit limité dans le temps. Cette limi­ta­tion est certes tout à fait légi­time au regard d’objec­tifs d’in­té­rêt géné­ral, comme celui de l’ac­cès à la culture.

[…] Pourquoi les auteurs, les éditeurs, les produc­teurs et ceux qui les repré­sentent n’ont-ils pas été consul­tés en amont de cette réforme cachée du droit d’au­teur ? Mystère. Peut-être simple­ment la volonté de noyer l’opi­nion des premiers inté­res­sés dans une consul­ta­tion publique tous azimuts où les excès habi­tuels des oppo­sants au droit d’au­teur peuvent se donner libre cours.

Donc le droit d’au­teur relève bien d’un équi­libre entre l’in­té­rêt parti­cu­lier de l’au­teur (ou plus souvent des inter­mé­diaires) et l’in­té­rêt collec­tif du public, tous deux légi­times. Mais, on ne sait par quelle magie, le SACD trouve scan­da­leux que la consul­ta­tion n’ait pas été initia­le­ment limi­tée aux premiers (et à leurs excès habi­tuels à eux).

Un peu contra­dic­toire quand même. Quant à trou­ver anor­mal ou exces­sif une consul­ta­tion publique sur l’éla­bo­ra­tion d’une loi qui touche tout le monde dans un régime démo­cra­tique, c’est assez osé.

A cet égard, on ne saisit pas quelle est la néces­sité d’af­fir­mer dans la loi qu’une œuvre dans le domaine public consti­tue­rait un « bien commun » alors que cela découle d’ores et déjà des dispo­si­tions du code de la propriété intel­lec­tuelle sur la durée de protec­tion des œuvres.

[…] Mais quelle est l’uti­lité de rajou­ter une dispo­si­tion spéci­fique sur les biens communs alors que l’état du droit français est parfai­te­ment clair sur ce point et n’a jamais suscité de réelle diffi­culté de mise en œuvre (on cher­che­rait en vain des exemples) ?

[…] [la faculté pour des asso­cia­tions agréées d’agir en justice pour faire respec­ter le « domaine commun infor­ma­tion­nel »] ne peut que four­nir un prétexte pour contes­ter que certaines œuvres dans le domaine public puissent néan­moins faire l’objet d’ex­clu­si­vi­tés. Par exemple lorsqu’elles ne peuvent être commu­niquées au public qu’à la suite d’in­ves­tis­se­ments impor­tants ou […autre cas].

Donc le domaine public est clair pour tout le monde et n’a jamais suscité (d’après eux) de diffi­culté de mise en œuvre. Mais la SACD assume que quiconque réalise des inves­tis­se­ments impor­tants puisse récla­mer une exclu­si­vité sur l’œuvre du domaine public quand bien même il n’y aurait pas créa­tion d’une œuvre nouvelle signi­fi­ca­ti­ve­ment origi­nale proté­geable par le droit d’au­teur.

Il y a comme magie à assu­mer les pires contra­dic­tions dans le discours, en plus de légi­ti­mer le copy­fraud et vouloir priva­ti­ser l’éla­bo­ra­tion des lois.

Tiens, j’en rajoute une dernière :

Il y a quelques années la mode était aux  crea­tive commons , faculté offerte aux auteurs d’ac­cep­ter à l’avance la diffu­sion de leurs œuvres en renonçant à toute auto­ri­sa­tion préa­lable et à leur rému­né­ra­tion. Cette démarche présen­tait un incon­vé­nient majeur : la déci­sion de l’au­teur était quasi-irré­ver­sible.

Je rappelle qu’on parle dans le billet d’édi­teurs et produc­teurs, à qui les auteurs vendent leurs droits géné­ra­le­ment pour toute la durée légale (70 ans après leur mort) sans aucune réver­si­bi­lité volon­taire de la part de l’au­teur.

Bref, enfu­mages et corpo­ra­tisme. Comme d’ha­bi­tude me direz-vous, mais le débat public étant ouvert, je me refuse à lais­ser ces gens faire échouer les quelques dispo­si­tions réel­le­ment indis­cu­tables. Celle-ci, l’ar­ticle 8 du projet de loi Répu­blique Numé­rique, en fait clai­re­ment partie :

Comme le précise très bien la SACD, elle ne fait que préci­ser et clari­fier sans chan­ger l’équi­libre en cours. À ce titre elle ne peut pas affai­blir le droit d’au­teur, elle ne peut que donner les moyens de combattre les abus. C’est peut être bien ce qui fait peur aux inter­mé­diaires qui collectent ces droits d’au­teur.


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